• Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Lucie Pierre

    Un nouvel atelier vient de s'ouvrir à Générations 13, tenu par Lucie Pierre que j'ai connue à propos de la refonte du site internet et que j'ai bien appréciée. Lucie tient déjà un atelier d'arts plastiques à l'association mais elle enseigne aussi à l'Association Philotechnique et nous a gentiment proposé son concours bénévole.

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    Elle nous dit que force est de constater qu'il y a très peu de femmes peintres exposées dans les musées et nous raconte que Christian Dior a fait défiler ses mannequins en tee-shirts floqués du message "We should all be feminists", ("Nous devrions tous être féministes") en 2017.

    Puis, elle nous parle du mythe de Dibutade : ce potier découvrit le premier l’art de modeler des portraits avec de l’argile. Cela se passait à Corinthe vers l'an II et il dut son invention à sa fille qui était amoureuse d’un jeune homme partant à la guerre dont elle voulut garder le souvenir : elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projetée sur le mur par la lumière d’une lanterne. Son père fit un relief avec de l’argile appliquée dessus et le mit à durcir au feu avec le reste de ses objets faits avec de la terre. Ce relief fut conservé durant 200 ans au Nymphaeum de Corinthe avant d’être détruit dans un incendie. Le mythe fut considéré au début du 18ème siècle comme l’origine de la peinture et de la sculpture et donna lieu à de nombreux tableaux.

    Joseph-Benoît Suvée (L'invention de l'art du dessin - 1793)
    Groeningemuseum - Bruges

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Aristote dit que c'est la semence de l'homme qui va donner forme à l'homme, la femme n'en étant que le réceptacle. Il attribue traditionnellement à la femme un rôle d’auxiliaire et de subalterne. Ainsi, on range traditionnellement le dessin du côté masculin tandis que la couleur est "rabattue" sur le côté féminin.

    D'ailleurs, depuis le Moyen-Age, ne dit-on pas que la peinture ne "tient" pas et ne parle-t-on pas de la "paternité" d'une œuvre et non de sa "maternité"... ?

    A la Renaissance, être peintre est un métier comme un autre et l'art s'apprend dans les ateliers ou les académies. Or, l'atelier est, par définition, un lieu très masculin. Les femmes n'y ont pas vraiment leur place sauf si elles y sont nées, étant filles d'artistes, ou si elles bénéficient d'une éducation raffinée moderne et qui leur permet d'être éduquées à la technique avant de s'y livrer elles-mêmes.

    Pour peindre - un retable par exemple - il est nécessaire d'avoir une excellente connaissance de la morphologie et de l'anatomie, notions que les femmes, qui étaient dans l'impossibilité d'étudier les nus d'après nature ou de fréquenter les académies, ne pouvaient pas acquérir. On demandera donc aux femmes qui s'aventurent dans cette voie des toiles de petites dimensions, aux sujets plaisants : portraits, bouquets de fleurs ou natures mortes.

    Par ailleurs, pendant longtemps la signature de l’artiste-femme n’était pas considérée comme une preuve du point de vue de la loi. C'est la raison pour laquelle certaines d'entres elle passent par l’autoportrait, ce qui leur donne la possibilité de revendiquer un statut professionnel plus égalitaire par rapport aux hommes.

    A cette époque certaines femmes ont tout de même réussi à "percer".

    La Renaissance

    Catharina Van Hemessen, peintre flamande (1528-1587). Elle est la fille de Jan Sanders van Hemessen, peintre : c’est avec ce dernier qu’elle apprend la peinture. Elle est célèbre pour avoir réalisé le premier autoportrait d'une femme peintre.

    Catarina Van Hemessen (Autoportrait au chevalet - 1548) - Kunstmuseum de Bâle

    Les femmes peintres de la Renaissance

    Elle signe : "Ego Caterina de Hemessen me pinxi 1548" pour bien affirmer qu'elle peint elle-même. Se peignant grâce à un miroir (référence à la coquetterie), elle représente les attributs du peintre (palette et pinceaux) et, grâce à la position du pinceau, une croix barre le tableau pour sauver les apparences (référence à la religion). A noter, les couleurs sombres de sa robe correspondant aux "bonnes manières" de l'époque.

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    Marietta Robusti (fille du Tintoret) est née en 1554 à Venise où elle est décédée en 1590. Elle reçut de son père une éducation soignée (elle était très cultivée et pratiquait la musique). Elle participait, tout comme ses frères, au travail de son père et était très douée. Elle mourut malheureusement à trente ans, probablement lors d'un accouchement.

    Marietta Robusti (Autoportrait au madrigal 1580) - Musée des Offices de Florence

    Elle se représente assise devant un virginal (autre nom du clavecin), tenant un madrigal à la main, sans doute destiné à son mari. Elle ne touche pas les touches du virginal (en signe de sexualité atténuée), les effleure seulement.

    Les femmes peintres de la Renaissance

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    Sofonisba Anguissola est née à Crémone en 1532 et décédée à Palerme en 1625. Son père, Amilcare Anguissola, lui même peintre, encourage tous ses enfants à développer leurs talents artistiques (lecture, dessin, musique). Elle a ainsi réalisé plusieurs autoportraits et a été l'une des premières femmes peintres à atteindre, de son vivant, les sommets de la scène artistique européenne, étant même reconnue par le critique d'art Giorgio Vasari. Elle a même rencontré Michel-Ange et donné des leçons à Van Dick.

    Sofonisba Anguissola (Autoportrait - 1554) - Musée de Poznan - Pologne

    La peintre tient dans la main un recueil des sonnets de Pétrarque (gage de culture) et a écrit : "Moi, vierge, je l'ai fait en 1554." (gage de son sérieux rehaussé par la couleur noire de sa robe).

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Sofonisba Anguissola (Autoportrait au chevalet - 1556) - Musée de Lancut - Pologne

    Elle se représente avec une palette et des pinceaux peignant une scène religieuse représentant une Vierge à l'Enfant et n'oublie pas d'inclure dans sa toile une "croix".

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Elle a aussi réalisé un autoportrait avec son maître, Bernardino Campi, en train de la peindre (1559). Lucie nous expliqué que s'il s'agit d'un hommage au maître c'est aussi surtout une ruse de la part de l'artiste qui se peint plus grande que lui !

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Sofonisba Anguissola était tellement douée qu'elle fit même son autoportrait alors qu'elle avait 90 ans : cet autoportrait, peint vers 1610, affirme son statut d'artiste accomplie, mais ne cherche pas à rajeunir ses traits. Elle se dépeint avec une grande majesté, et la sévérité des poses des hommes de pouvoir. Elle tient à la main un écrit, signe de sa culture.

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Lavinia Fontana est également fille de peintre (Prospero Fontana, très en vogue auprès des papes). Fille de peintre certes mais aussi femme de peintre : son mari (Gian Paolo Zappi d'Imola) deviendra d'ailleurs son assistant car c'est un peintre mineur. Elle a à son actif pas moins de 131 oeuvres.

    Elle fait son autoportrait devant un clavecin : elle est cultivée elle aussi mais ne manque pas de représenter une croix sur son tableau. 

    Lavinia Fontana (Autoportrait à l'épinette - 1577) - Musée des Offices de Florence

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Lavinia Fontana (Mars et Vénus - 1595) - Fondation Casa de Alba, Madrid

    Un tableau où elle ose représenter des nus avec Vénus qui tient un narcisse, symbole d'égoïsme et de vanité. A côté, un Eros endormi...

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Lavinia Fontana (Portrait d'Antoinette Gonzalez - 1595) - Musée du Château de Blois

    Dans ce tableau qui représente une jeune fille atteinte d'hypertrichose, il y a beaucoup d'humanité et la jeune fille est représentée avec un écrit où est expliquée sa maladie.

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    Clara Peeters est une artiste peintre flamande née vers 1581-1585 et décédée après 1657. Elle s'adonne très jeune à la peinture et se spécialise dans les natures mortes, représentant le plus souvent des tables dressées pour des repas soit quotidiens, soit plus raffinés. Elle s'intéresse aux reflets sur les objets métalliques, pièces, plats, vases, coupes, timbales ou bijoux présents fréquemment dans ses compositions, en premier plan sur un fond plus sombre.

    Clara Peeters (Nature morte aux fleurs et coupes d'or - 1612)
    Staatliche Kunsthalle - Karlsruhe

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Ces reflets font apparaître régulièrement, et c'est une caractéristique anecdotique de son œuvre, de minuscules autoportraits...

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    Judith Leyster est une artiste peintre néerlandaise née à Haarlem en 1609 et décédée en 1660. Elle fait exception en n'étant pas fille de peintre mais d'un brasseur. Elle épouse néanmoins un peintre en 1636.

    Elle était l'élève de Franz Hals. Il y eut plus tard (après sa mort) une action en justice car on a longtemps cru que l'une de ses toiles (La joyeuse compagnie - 1630) était l'œuvre de Franz Hals (elle avait été vendue comme telle...). Ce n'est qu'en 1893 que le Musée du Louvre découvre le monogramme de Judith Leyster sous la signature de Hals...

    Le 17ème siècle : une nouvelle confiance en soi

    Judith Leyster (Autoportrait - 1630)
    National Gallery of Art, Washington, D.C., USA

    Elle se tourne vers le spectateur, souriante, le pinceau à la main. En se peignant avec une grande collerette, elle montre qu'elle sait peindre. Son sujet : un violoniste évoque le côté éphémère de la musique, en contraste avec le côté permanent de la peinture.

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    Artemisia Gentileschi est une artiste peintre italienne de l'école caravagesque. Elle est née à Rome en 1593 et décédée à Naples vers 1656. Evidemment, elle aussi est fille d'un peintre (Horazio Gentileschi). Elle est remarquablement douée et s'impose par son art particulièrement dans des sujets historiques et religieux.

    Artemisia Gentileschi (Autoportrait en Allégorie de la Peinture - 1638-1639)
    Royal Collection - Windsor

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    Elle est la première femme à dépasser les interdits en peignant des sujets historiques ou religieux à une époque où les règles cantonnent les femmes aux portraits, autoportraits, natures mortes ou autres sujets intimistes.

    Elle peint des femmes fortes à l'image de sa propre personnalité comme ici Judith décapitant Holopherne (1612). Musée Capodimonte (Naples)

    Marquée par un viol qu'elle a subi (de son précepteur privé, le peintre Agostino Tassi) et le procès qui s'ensuivit, elle représente Judith égorgeant Holopherne à l'aide d'une épée, en maintenant sa tête par les cheveux : le tableau où les bras d'Holopherne sont repliés telles les cuisses d'une femme qui accouche est interprété comme un désir de revanche par rapport à la violence subie.

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Artemisia Gentileschi (Suzanne et les vieillards - 1610)
    coll. Schonborn, Pommersfelden

    Il s'agit d'un portrait à charge du regard masculin sur les femmes. Les mains de Suzanne ont l'attitude classique de l'effroi (Cf. Chapelle Sixtine - Michel-Ange)

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Elisabetta Sirani est elle aussi fille de peintre (son père, Giovanni Andrea Sirani est peintre et marchand d'art à Bologne). Ayant commencé à peindre à l'âge de 13 ans, son père l'admet dans son atelier à l'âge de 17 ans tout en lui prodiguant une solide culture littéraire, artistique et scientifique grâce à la bibliothèque familiale. Elle lit ainsi le latin et le grec.

    Elle ouvre en 1660 un salon puis une école de peinture réservée aux femmes à l'Académie de Saint-Luc, mais meurt prématurément à 27 ans, victime d'un ulcère de l'estomac.

    Elle a fait son autoportrait en Allégorie de la Peinture (1658) - Musée Pouchkine (Moscou) - en se représentant couronnée de lauriers (signe de victoire) et vêtue d'un riche costume où la lumière joue. L'encrier en arrière plan indique son niveau de culture.

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Elizabeth-Sophie Chéron est une artiste peintre française (fille d'Henri Chéron, peintre) née à Paris en 1648 et décédée en 1711. Elle a été recommandée par Le Brun pour entrer en 1672 à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Elle est la quatrième femme peintre à entrer dans cette académie. Artiste complète Elisabeth-Sophie Chéron jouait du luth, s’adonnait à la poésie et lisait le latin, le grec et l’hébreu.

    Elizabeth-Sophie Chéron (Autoportrait - 1672) - Musée du Louvre

     Elle tient à la main un dessin (côté noble à la différence de la peinture vécue comme un fard). Les plissés de son écharpe sont superbes.

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Mary Beale est une artiste peintre anglaise née en 1633 et décédée en 1699. Elle est considérée comme étant la première femme peintre professionnelle et l'une des plus grandes portraitistes du XVIIème siècle en Angleterre. Son père, John Cradock, est un peintre amateur ainsi que son mari, Charles Beale, qui deviendra son assistant.

     Mary Beale (Autoportrait - 1675)

    Elle tient à la main le portrait de ses deux fils (on sait ainsi que si elle est une bonne peintre, elle est aussi une bonne mère de famille). De beaux reflets sur ses vêtements...

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

    Les Lumières

     Rosalba Carriera est née en Vénétie en 1675 et décédée à Venise en 1757. C'est une artiste peintre du mouvement "rococo" qui lança la mode du pastel en France. Elle s'est spécialisée dans les miniatures sur ivoire (boîtes à tabac). En 1720, elle est élue à l'Académie royale de peinture de Paris et devient par ses œuvres au pastel la portraitiste la plus recherchée du tout-Paris. Quentin de la Tour lui est très redevable.

    Rosalba Carriera se représente en train de peindre le portrait de sa sœur et collaboratrice Giovanna (1709) - Corridor de Vasari - Florence

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Anne Vallayer-Coster est une artiste peintre française du mouvement "rococo". Elle est née en 1744 à Paris où elle décède en 1818.

    Elle peint "Les attributs de la Peinture de la sculpture et de l'Architecture" en 1769 pour se présenter à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture où elle est admise en 1770 en tant que peintre de natures mortes. Cette œuvre fait pendant aux œuvres de Chardin présentées à l’Académie en 1765, portant les mêmes titres et représentant les mêmes accessoires disposés dans un ordre très proche.

    Au premier plan, des plans d'architecte en référence au dessin (sérieux du métier). Avec le buste de plâtre (Torse du Belvédère), elle montre qu'elle sait peindre les nus. La tête de femme sur un tabouret est un autoportrait caché. Anne Vallayer-Coster est une femme des Lumières...

    Lucie nous donne la référence du site "Musée critique de la Sorbonne" sur lequel le tableau est décrit : cliquez ICI.

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13 

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    Marie-Suzanne Giroust-Roslin est une artiste peintre miniaturiste et pastelliste française. Elle est née en 1734 à Paris où elle est décédée en 1772 suite à un cancer du sein. Son père, Alexandre Roslin, était marchand mercier-joailler de la garde-robe du roi. Elle se maria en 1759 avec Alexandre Roslin, un peintre suédois venu s'établir à Paris. Elle fut admise à l'Académie le même jour qu'Anne Vallayer-Coster (1770) comme peintre de pastel. Elle fut l'élève de Maurice-Quentin de La Tour.

    Marie-Suzanne Giroust-Roslin (Autoportrait avec le portrait de Maurice-Quentin de La Tour -1770) - Collection particulière

    Les femmes peintres de la Renaissance : une conférence de Générations 13

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    Angelica Kauffman est une artiste peintre autrichienne née en 1741 et décédée à Rome en 1807. D'une famille d'artistes, elle est l'une des femmes peintres et portraitistes les plus célèbres du XVIIIème siècle. Elle est connue pour ses portraits et ses autoportraits. 

     Angelica Kauffmann (Autoportrait avec le buste de Minerve - 1780) - Château de Tancut (Pologne)

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

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    Elisabeth Vigée-Lebrun est née en 1755 à Paris où elle est décédée en 1842. C'est une artiste peintre française considérée comme l'une des plus grandes portraitistes de son temps.

    Elisabeth Vigée-Lebrun (Autoportrait au chapeau de paille - 1782) - National Gallery

    Elle s'est inspirée d'un tableau de Rubens intitulé "Le chapeau de paille" (1622-1625). Élisabeth Vigée Le Brun se représente en femme active, la palette et les pinceaux à la main . Le succès du tableau attira de multiples commandes. De nombreuses femmes, y compris la reine, souhaitèrent apparaître en chapeau de paille et vêtues d’une robe simple (elle a ainsi peint une "Marie-Antoinette à la rose").

    Le tableau donne une image atypique d’une femme particulièrement originale : proche de la reine Marie-Antoinette, mais travaillant comme un homme, attachée à la royauté et fuyant la Révolution, préfigurant par son statut social l’évolution ultérieure de la condition féminine.

    Les femmes peintres de la Renaissance au : une conférence de Générations 13 

    Elisabeth Vigée-Lebrun (Portrait de Marie-Antoinette - 1787)
    Musée national du Château de Versailles

    Marie-Antoinette décide de répondre aux accusations qui courent sur elle depuis tant d’années (le peuple français l'accusait de dilapider l'argent de l'Etat) en commandant u tableau à Elisabeth Vigée-Lebrun. Sur ce tableau, Marie-Antoinette ne porte qu’une modeste paire de pendants d’oreilles laissant son cou vierge de tout collier, détail important qui montre que la reine veut se racheter auprès de son peuple en montrant qu’elle n’attache pas grande importance aux diamants et autres « fantaisies ». Elle veut aussi se montrer en ce qu’elle est vraiment : une mère attentionnée.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

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    Adélaïde Labille-Guiard est née à Paris en 1749 et y est décédée en 1803. C'est une artiste peintre miniaturiste et pastelliste française (élève de Quentin de La Tour). Son père n'est pas peintre mais mercier. Quand elle épouse Nicolas Guiard à vingt ans, elle a déjà été admise à l'Académie de Saint-Luc où elle exerce en tant que peintre professionnel. Même si elle divorce dix ans après puis se remarie avec un peintre professionnel connu lors de son adolescence, elle conserve le nom de Guiard puisque c'est sous ce nom qu'elle est connue dans le monde artistique.

    Adélaïde Labille-Guiard (Autoportrait avec deux élèves - 1785)
    Metropolitan Museum of Art de New-York

    L'artiste est représentée assise, palette et pinceaux en main. La signature sur le chevalet en témoigne, cet atelier est le sien : elle est à la fois peintre et figure principale de cet autoportrait au format inhabituellement imposant. Cette œuvre a été interprétée comme un plaidoyer en faveur de la place des femmes en peinture, en particulier pour leur admission en plus grand nombre à l'Académie royale de peinture et de sculpture, où ce nombre était limité à quatre. L'artiste se représente ici en costume de ville, en compagnie de deux de ses élèves, Marie-Gabrielle Capet et Marie-Marguerite Carreaux de Rosemond.

    J'admire la grande technicité de l'artiste à peindre les plis et les reflets de cette robe de satin bordée de dentelle.

    Les femmes peintres de la Renaissance au : une conférence de Générations 13 

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     Marie Gabrielle Capet est née à Lyon en 1761 et décédée à Paris en 1818. Elle est fille de domestique mais monte à Paris à vingt ans pour apprendre la peinture avec Adélaïde Labille-Guiard.

    Marie-Gabrielle Capet (Autoportrait - 1783)
    National Museum of Western Art, Tokyo

    Quelle transparence dans ce voile couvrant une robe dont la couleur est subtilement rappelée par ce nœud de satin...

     Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Marguerite Gérard est née à Grasse en 1761 et décédée à Paris en 1837. C'est la fille du parfumeur grassois Claude Gérard.

    Marguerite Gérard (L'élève intéressante - 1787) - Musée du Louvre

    La composition raffinée et la délicatesse d’exécution de ce tableau en font un chef-d'œuvre de la peinture française du 18e siècle. Il n'est pas impossible que Jean-Honoré Fragonard ait peint le chien et le chat en bas du tableau. L'artiste se représente en train de regarder un tableau de Fragonard justement "La fontaine d'amour".

    La boule à ses pieds la reflète devant son chevalet aux côtés de Fragonard. Elle se revendique ainsi comme véritable artiste peintre. Elle eut beaucoup de succès au point que Napoléon Ier lui commanda même un tableau...

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    La Révolution et l'Empire

    Marie-Guillemine Benoist est née à Paris en 1768 et y est décédée en 1826. Elle est formée par Elisabeth Vigée-Lebrun à partir de 1781 puis entrera dans l'atelier de Jacques-Louis David, premier peintre de Napoléon.

    Marie Guillemine Benoist (Autoportrait - 1790) - Localisation inconnue

    L'artiste se représente les pinceaux et la palette à la main mais regarde bien le public comme pour affirmer que, bien que femme (avec tous ses attraits), elle n'en est pas moins peintre.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Marie-Guillemine Benoist (Portrait d'une négresse - 1800) - Musée du Louvre

    Vers 1795, elle abandonne les sujets classiques pour la peinture de genre, après de rudes attaques et se libère progressivement de l’influence de David. Ce tableau assoit immédiatement sa réputation. Peint seulement six ans après l’abolition de l’esclavage, il est considéré comme son chef-d'œuvre et comme un manifeste de l’émancipation des esclaves et du féminisme. Ce portrait, qui représenterait une domestique ramenée des îles par le beau-frère de l’artiste, sera acheté par Louis XVIII pour l’État français en 1818.

    J'adore ce tableau : merci Lucie de l'avoir sélectionné.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

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    Hortense Haudebourt-Lestcot est née en 1784 à Paris où elle est décédée en 1845. Fille d'un parfumeur décédé alors qu'elle n'a que deux ans, elle est élevée par son beau-père. Elle est l'auteure de scènes de genre, de portraits et de peintures d'histoire et est essentiellement connue pour avoir été la peintre attitrée de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry.

    Hortense Haudebourt-Lestcot (Autoportrait de l'artiste - 1800) - Musée du Louvre

    L'artiste se représente en buste, le stylo ou le pinceau à la main.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Constance Mayer est née en 1774 dans l'Aisne et est décédée à Paris en 1821. Elle était l'élève et la collaboratrice de Pierre-Paul Prud'hon dont elle était la maîtresse et auxquelles certaines de ses œuvres furent attribuées.

    Constance Mayer (Autoportrait 1801) - Bibliothèque Marmottan

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

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    Marie-Denise Villers (dite Nissa Lemoine de son nom de jeune fille) est née à Paris en 1774 et y est décédée en 1821. Elle est issue d'une famille d'artistes. En 1794, elle épouse un étudiant en architecture, Michel-Jean-Maximilien Villers. Elle est surtout connue pour ses portraits. 

    Marie-Denise Villers (Jeune femme dessinant - 1801)
    New York Metropolitan Museum of Art

    L'œuvre, qui a été attribuée à David, ne lui est réattribuée que depuis 1996.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Marie-Denise Villers (Portrait de Madame Soustras laçant son chausson - 1802)

    Se plaisant à brouiller les frontières entre portrait et peinture de genre, la figure féminine isolée saisie dans une occupation est un type de composition récurrent dans son œuvre.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Nous voici maintenant arrivés au XXème siècle. Deux artistes se sont inspirées d'un tableau de Jean Auguste Dominique Ingres datant de 1862, Le Bain turc (Musée du Louvre). Ce tableau est l'aboutissement de 60 années de travail : Ingres l'a peint alors qu'il avait 83 ans.

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Marguerite Nakha est née à Alexandrie en 1908 et a fait ses études de peinture en France, en particulier à l'Ecole du Louvre. Elle a partagé sa vie entre l'Egypte et la France.

    Marguerite Nakhla (Le bain turc - 1953)

    Les femmes peintres de la Renaissance au 20ème siècle : une conférence de Générations 13

    Sylvia Sleigh est une artiste peintre réaliste américaine née en 1916 au Pays de Galles et décédée en 2010 à New-York. Elle rencontre son deuxième mari, Lawrence Alloway, conservateur et critique d'art à l'Université de Londres.

    Son travail propose un renversement du schéma "homme-artiste/femme-muse" typique du canon occidental et reflète la recherche sur la position de la femme tout au long de l'histoire de l'art en tant que modèle, maîtresse et égérie, mais rarement en tant qu'artiste-génie.

    Sylvia Sleigh (The Turkish Bath - 1973) - Smart Museum of Art, Chicago

    Le tableau semble être une version inversée du tableau de Ingres datant de 1862. Sylvia Sleigh y représente un groupe de critiques d’art, y compris son mari, Lawrence Alloway (allongé en bas à droite) nus, dans des poses lascives.

    Les femmes peintres de la Renaissance au : une conférence de Générations 13

    Lucie m'a dit que sa prochaine conférence porterait sur "Les scandales dans l'art".

    J'ai hâte d'y assister !


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  • Commentaires

    1
    viala
    Samedi 6 Novembre 2021 à 16:08

    Je suis gênée car je ne vois pas tout à droite de l'écran pour tout lire . Je constate mon ignorance car la première peintre femme que je connaissais est Madame Viguié-Lebrun .Il y en a eu pas mal avant elle car elles étaient déjà dans un entourage favorable ; je pense que c'est encore le cas aujourd'hui : c'est difficile de devenir un artiste sans entourage familial porteur ; l'enseignement scolaire est faible .Les jeunes sont assez ouverts jusque vers 12 ans pourtant puis refusent les musées à l'adolescence ; après 12 ans , les musées ne font plus de visites adaptées ni d'ateliers et c'est dommage . L'art des jeunes se fait par ordinateur ou en street art .

      • Mercredi 20 Avril 2022 à 15:12

        Anne, je découvre ton commentaire aujourd'hui ! Effectivement, tu dois avoir l'expérience des musées avec tes petits-enfants... Bravo de les avoir initiés à l'art, ils en garderont forcément une trace.
        Amicalement, Claire

        PS : il faudra que tu me montres ton écran un jour : il doit être mal paramétré.

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