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Par Vandrezanne44 le 14 Janvier 2022 à 23:00
Aujourd'hui, c'est à une sortie très culturelle qu'Anne-Marie nous convie dans le cadre de l'atelier "Petites promenades dans Paris". Il s'agit de la visite guidée du musée Nissim de Camondo, situé en bordure du parc Monceau dans le 8ème arrondissement de Paris. Comme de coutume, elle a fait appel à l'association "Paris art et histoire" pour en assurer le guidage. Michèle Mazure est aux commandes pour une découverte très approfondie de l'histoire de cette famille de Camondo et de son riche patrimoine.◄►◄►◄►◄►◄►
Nissim de Camondo est issu d’une famille juive séfarade qui, chassée d'Espagne en 1492 à l'époque de l'inquisition, va émigrer à Venise pour venir finalement s'implanter à Constantinople où elle va exercer le rôle de banquier de l'Empire Ottoman (on les appelait "les Rothschild de l'Orient"). La famille Camondo est anoblie en 1867 par Victor-Emmanuel II en remerciement de son soutien financier à la réunification de l'Italie.
Vue de Constantinople, quartier de Galata
Le comte Abraham-Salomon Camondo, fondateur de la dynastie (vers 1868) est un homme moderne qui contribue à la construction de la partie européenne de Constantinople. Une rue, des immeubles, des escaliers, des bains vont porter son nom. Philanthrope actif, ouvert et généreux, il se préoccupe de l'intégration de sa communauté au sein de l'Empire Ottoman et s'attache à la mettre sue la voie de la modernité par le biais de l'éducation.
Ses deux petit-fils, Nissim et son frère Abraham Béhor, s’installent à Paris sous le Second Empire (en 1869) où ils font construire deux Hôtels particuliers sur deux parcelles voisines de la rue Monceau. Le fils de Nissim, Moïse (1860/1935), passionné par l’art du 18ème siècle, fait détruire la construction précédente et confie en 1911 à René Sergent la reconstruction de l’hôtel familial, rue Monceau, dans un style inspiré d’Ange-Jacques Gabriel dont cet architecte s’était fait une spécialité.
Grand collectionneur, Moïse de Camondo réunit au 63 rue Monceau meubles, boiseries, tableaux, objets d’art du 18ème siècle français et, à sa mort, lègue l’ensemble à l’Union centrale des Arts décoratifs sous réserve que soit créé dans son hôtel un musée ouvert au public et qu’il porte le nom de Nissim de Camondo, en souvenir de son fils, aviateur abattu en Lorraine en 1917.
Nous ne sommes que douze à participer à cette sortie culturelle : le variant Omicron de la Covid, dont on dit qu'il est particulièrement contagieux, en fait encore hésiter certains.
La façade du musée donne sur la rue Monceau.
Voici une gravure de l'Hôtel voisin ayant appartenu à Abraham Béhor de Camondo : il est actuellement caché par des échafaudages (vue depuis la cour). Au terme d'une succession difficile, cet hôtel est vendu en 1893 à Gaston Menier (1855-1934), propriétaire de la célèbre chocolaterie de Noisiel. De la cave au grenier, tout est mis aux enchères.
Il est actuellement occupé par la Banque Morgan-Stanley : décidément, le bien passe de banquier à banquier... Il faut dire que le prix du m² rue Monceau est tout de même de 15.000 euros.
Revenant à nos moutons : passé le porche du 63 rue Monceau, sous lequel se trouve une plaque indiquant le legs de son hôtel particulier par Moïse de Camondo à l'Union des Arts Décoratifs et le destin tragique de ses deux enfants,
nous voici entrés dans la cour, face à une réplique presque parfaite du Petit Trianon de Versailles.
Waouuuuuh...
L'une des deux portes grises pleines sur l'aile gauche donnait autrefois sur le garage où Moïse de Camondo rangeait ses voitures de collection (Panhard, Bugatti, Daimler, Mercédes, Hotchkiss...).
L'autre côté de la cour
L'Hôtel possède deux étages au-dessus du rez-de-chaussée : ce sont les étages nobles. La domesticité du comte de Camondo était logée dans des combles, au-dessus de la balustrade.
L'actuelle administration du musée est abritée dans ces locaux donnant sur la rue Monceau où étaient logés également autrefois les domestiques.
Le Rez-de-chaussée
La visite peut maintenant commencer : Michèle Mazure nous présente tout d'abord le rez-de-chaussée et en particulier ce couloir éclairé par de larges ouvertures donnant sur le vestibule d'honneur de l'Hôtel.
Deux tableaux d'Hubert Robert surmontant d'élégantes consoles en marbre le décorent (Photo Monick).
Elles encadrent une pièce exceptionnelle : ce régulateur est capable de donner l'heure à la seconde près grâce à une petite aiguille ornée d'une lune !
Dans sa partie basse, un joli motif représente Bacchus enfant tenant une grappe de raisin, sous l'œil de sa mère.
De jolis jeux de lumière dans ce couloir
Celui-ci donne accès à un vestibule dont l'escalier d'honneur orné d'une "serrurerie" splendide conduit au premier étage.
D'élégants bras de lumière en bronze ciselé de Jean-Louis Prieur (vers 1766), éclairent le vestibule. Ils proviennent du château royal de Varsovie.
Toujours dans le vestibule...
On y trouve aussi un très joli cartel en bronze ciselé et doré attribué à Robert Osmond (1711-1789).
Mais pour l'heure (sans jeu de mot !), nous restons au rez-de-chaussée pour aller visiter les cuisines qui se trouvent de l'autre côté de l'escalier d'Honneur.
Au passage, cette fontaine en marbre rouge-royal (de Hautmont en Belgique) et plomb doré (vers 1750-1760)
L'hôtel particulier des Camondo possédait un ascenseur.
La cuisine
La cuisine de l'Hôtel de Camondo est entièrement carrelée du sol au plafond et possède des angles arrondis pour permettre un meilleur nettoyage et la retombée de la buée due à l'humidité de la pièce.
Le fourneau de nos grands-mères et la batterie de casseroles en cuivre revisités à la taille d'un hôtel particulier ! - (Photo "unguideaparis.com")
J'ai craqué sur la bassine en cuivre et ses petits noeuds noeuds.
La rôtissoire, imposante elle aussi.
Dans un angle, un modeste évier décoré ici par des fruits artificiels, œuvre de Ewa Jacobs (fruitsdecoratifs.odexpo.com). Ce sont de véritables œuvres d'art, réalisées en cire/paraffine. Ils sont présents au musée Nissim de Camondo mais aussi dans plusieurs châteaux de France et même d'Europe.
Si vous voulez vous en procurer, ils sont vendus dans le quartier du Marais à la boutique "Au Débotté".
On en mangerait, non ?
Dans l'arrière cuisine, encore de la casserolerie et un évier à deux bacs cette fois-ci.
Ce dernier, muni sur la droite d'une double paroi, permet de maintenir l'eau chaude plus longtemps...
Attenante à la cuisine, la "Salle des gens" qui permettait au personnel de prendre ses repas. La table est mise pour 12 couverts mais il y avait peut-être une rotation ?
Avant de quitter la cuisine, un coup d'œil sur le tableau d'appel du personnel qui était relié aux différentes pièces de l'Hôtel et qui permettait de localiser les appels des maîtres (il y en avait dans les principales pièces de service). On pouvait ainsi recevoir un appel de Monsieur le comte ; de Madame ; de Mademoiselle ; du fumoir ; de la bibliothèque ; du Grand salon etc...
Et des pièces, il y en a ! Michèle Mazure va nous les faire toutes visiter, par le menu depuis le rez-de-chaussée haut jusqu'au premier étage...
Pour cela, il faut monter l'escalier d'Honneur.
Au passage, nous regardons un fauteuil que je n'aurais peut-être pas particulièrement remarqué (il y a tant à voir...) si notre guide ne nous l'avait détaillé. Il date évidemment du 18ème siècle puisque nous nageons dans ce siècle et possède des accoudoirs très originaux en forme de tête de bélier.
Mais ce en fait la valeur, c'est surtout le bas de l'assise en bois travaillé à la manière d'une frange de tissu. Avouez qu'il fallait le faire !
A côté une statue de "Vénus et l'Amour" très gracieuse
Dans la montée d'escalier, aux deux angles formés par le mur du fond se trouvent deux meubles d'angles ou "laques" (meubles ayant reçu plusieurs couches de laque successives et étant décorés par des effets de gravures, de peinture ou de dorure).
Moïse de Camondo avait un goût prononcé pour la symétrie : il achetait presque toujours les objets en double.
Nous voici à mi-étage.
Dans la montée d'escalier, une tapisserie de la manufacture des Gobelins (vers 1680) en laine et soie. Le motif central présente les armes de France soutenues par deux figures ailées sur fond fleurdelisé.
La visite se poursuit par le rez-de-chaussée haut avec
Le Grand bureau.
C'est la première pièce que nous découvrons. Ne vous attendez pas à du dépouillement, ce n'est pas la mode au 18ème siècle et cet Hôtel est avant tout un lieu où Moïse de Camondo accumule tous les meubles et objets qu'il a collectionné et réunis pendant toute une vie.
On peut y voir deux chaises recouvertes de velours bleu estampillées de Jean-Baptiste Claude Sené que l'on pourrait prendre pour des Prie-Dieu mais pas du tout, ce sont des "chaises voyeuses" qui permettaient aux invités de s'agenouiller devant les tables de jeux pour suivre les parties plus confortablement.
Vous remarquerez qu'il y a aussi dans ce bureau deux fauteuils et deux petits guéridons...
Cette photo vous permet de voir que le grand miroir qui orne le dessus de la cheminée est un miroir en deux parties (j'ai oublié le nom qu'on lui donne) : à cette époque on ne savait pas faire de très grands miroirs. La cheminée est encadrée par deux tapisseries de la manufacture d'Aubusson représentant les Fables de La Fontaine.
Dans la pièce également, quatre autres tapisseries des Fables de la Fontaine. Tissées dans l'atelier De Menou (vers 1775-1780), elles ont pour sujet : "le loup, la mère et l'enfant", "le lion amoureux", "rien de trop", "les poissons et le berger qui joue de la flûte", "le renard et la cigogne" et "le loup et la cigogne".
Celle-ci, située à droite de la cheminée, doit être "Le lion amoureux".
Sur un mur, près de la fenêtre, un tableau d'Elisabeth Vigée Lebrun intitulé "Bacchante" (vers 1785). Ce sujet mythologique est exceptionnel dans l'œuvre de la portraitiste attitrée de Marie-Antoinette. Toutefois, prétexte au rendu du charme d'un nu féminin, il connut un vif succès qui poussa l'artiste à en peindre une seconde version. (Photo site du musée Nissim de Camondo)
C'est dans le Grand bureau que Moïse de Camondo a choisi d'exposer des photos de son fils Nissim, abattu par un avion allemand en 1917. Et toujours cette symétrie qui lui tenait tant à cœur.
Dans le Grand bureau également, un meuble assez exceptionnel : un secrétaire à cylindres estampillé de Claude-Charles Saunier (vers 1780)
Le secrétaire repose sur quatre pieds fuselés à cannelures rudentées et ouvre par cinq tiroirs en ceinture et trois tiroirs au-dessus du cylindre. Celui-ci dégage un plateau coulissant solidaire de huit tiroirs, dont quatre feints, surmontés d'un casier ; deux tirettes sur les côtés.
Un autre très joli tableau dans ce Grand bureau, c'est celui de Geneviève-Sophie Le Couteux du Molay également par Elisabeth Vigée Lebrun (1788).
Le meuble au-dessus duquel il est accroché est une commode à rideaux estampillée de Jean-Henri Riesener (vers 1775-1780) : au-dessous de trois tiroirs en ceinture, deux rideaux à lamelles coulissent pour découvrir quatre tiroirs. Au centre, un bouquet fait d'une très belle marqueterie.
Un lustre aux pendeloques de cristal éclaire naturellement la pièce.
Le Grand salon
Nous voici maintenant entrés dans le Grand salon qui est également un véritable musée, avec beaucoup de symétrie aussi comme vous pouvez le deviner.
Il s'agit d'une grande pièce en angle ouvrant sur un jardin de buis.
La boiserie blanc et or provient du salon de compagnie du comte de Menou. Elle est particulièrement travaillée au-dessus des portes.
De chaque côté de la cheminée de marbre blanc, deux médaillons par François-Hubert Drouais (1789) représentent les portraits des deux fils du marquis de Serent qui était le gouverneur des fils du comte d'Artois. Ils ont été achetés en 1920 par Moïse de Camondo.
Sur le guéridon rond au premier plan, une bouteille à saké en bronze laqué japonais du 16ème siècle monté sur un socle en bronze doré par François Rémond (1783), le grand bronzier du règne de Louis XVI. Elle représente des feuilles de Paulownia, un arbre que l'on trouve au Japon. (Photo musée Nissim de Camondo)
De part et d'autre de la cheminée une paire de vases couverts en bois pétrifié qui ont cela d'original que leurs anses sont formées de serpents entrelacés en bronze doré remarquablement ciselé. Ils firent partie des collections de Marie-Antoinette à Versailles, placés dans l'armoire de la salle de bain de la Reine. Cette dernière, inquiète à juste titre de la tourmente révolutionnaire, avait confié à son fournisseur Daguerre, dès le 10 octobre 1789, ses collections d'objets précieux. Mis en vente en 1798, sous le Directoire, ils réapparaissent en 1841 lors de la vente du baron Roger avant de devenir l'un des fleurons de la collection de Moïse de Camondo.
Dans ce Grand salon, un mobilier estampillé Georges Jacob (vers 1780-1785) composé de deux canapés, une marquise, dix fauteuils et un écran.
Egalement, une table à gradin dite "Bonheur du Jour" en bois de rose. La ceinture, le plateau et le gradin de ce meuble estampillé de Martin Carlin (vers 1766) sont ornés de dix-sept plaques de porcelaine de Sèvres à bouquets de fleurs sur fond blanc dans des encadrements verts et or enchâssés dans des montures de bronze.
Le marchand Simon-Philippe Poirier avait livré une table semblable à Madame Du Barry et la comtesse d'Artois, belle-sœur du roi Louis XVI, en possédait également une.
J'en terminerai avec le Grand salon par ce paravent de la manufacture de la Savonnerie (vers 1735-1740) qui m'a tapé dans l'œil en entrant dans la pièce.
Ses panneaux sont ornés de cornes d'abondance remplies de fleurs qui mettent en valeur des oiseaux en vol.
Joli, non ?
Le salon des Huet
Nous avons maintenant changé de pièce mais restons dans le luxe avec ce salon des Huet, de forme ovale qui a été spécialement conçu pour y recevoir la suite de panneaux peints de scènes champêtres par Jean-Baptiste Huet.
Le mobilier de salon, estampillé de Jean-Baptiste Claude Sené (vers 1770-1780), est constitué comme toujours d'un nombre pair : huit fauteuils à la reine, deux bergères en cabriolet et un canapé. La console en bronze argenté et doré au dessus en marbre vert d'Egypte est datée vers 1765-1770.
Les accoudoirs du petit canapé bleu sont particulièrement finement sculptés.
La salle à manger
Nous voici donc ici dans un lieu particulièrement fréquenté par les invités de Moïse de Camondo, la salle à manger. Celle-ci est lambrissée de boiseries peintes en vert. Michèle Mazure nous a expliqué que le vert était une couleur à la mode au 18ème siècle car déjà rappelant la nature : écolos avant l'heure !
J'ai remarqué ces superbes sculptures surmontant les colonnes de marbre rose.
Au centre de la table, dressée pour huit couverts mais pouvant en accueillir douze,
un Pot à oille en argent (1770-1771). Il s'agit d'une ancienne soupière circulaire destinée à contenir le ragoût ou oille, plat fort à la mode aux 17 et 18ème siècles. Evidemment, on est ici dans le "grand monde"... (Photo musée Nissim de Camondo)
Le menu du 9 juin 1933 auquel Moïse de Camondo conviat ses invités ne m'a pas toutefois spécialement impressionnée vus les repas auxquels j'ai pu participer dans ma jeunesse (dans les années 60) qui étaient tout aussi consistants mais sûrement réservés aux fêtes...
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Melon glacé
Filets de sole Murat
Poulets pochés à l'estragon
Riz créole
Pièce de boeuf à la gelée
Salade de Romaine
Petits pois à la française
Paillettes au parmesan
Fromage
Granit à la cerise◄►
Une jolie fontaine
Buste de femme noire : bronze patiné par Pierre-Philippe Thomire d'après Jean-Antoine Houdon (début du 19ème siècle)
Ce buste d'esclave noire porte des boucles d'oreilles, dites créoles, seul bijou alors autorisé aux femmes esclaves dans les Antilles françaises. L'inscription sur le socle fait référence à son affranchissement, en application du décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794 décidée par la République française, alors réunie en Convention nationale.
Autrefois intitulé "Buste de Négresse", ce titre devenu à la fois choquant et inacceptable a été changé pour celui de "Buste de femme noire" afin de rendre pleinement à cette oeuvre sa noblesse, son originalité et sa modernité.
Le Cabinet des porcelaines
Cette porte donne accès au Cabinet des porcelaines spécialement aménagé par Moïse de Camondo pour présenter et mettre en valeur sa collection des différents services Buffon en porcelaine de Sèvres. C'est dans cette pièce que le maître de maison prenait ses repas quand il était seul.
Le millier de planches gravées qui accompagne "L'Histoire naturelle des Oiseaux" publiée entre 1770 et 1783 par Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, allait devenir une source quasi inépuisable de modèles pour les peintres de la manufacture de Sèvres, notamment pour le décor de services ornithologiques dit "Buffon".
Ici, devant les assiettes, un service à glaces...
Et là, un objet destiné à recevoir les verres des convives pendant les cocktails (?) Il faudra que je redemande l'explication exacte à Michèle Mazure.
Depuis la salle à manger, on a une jolie vue sur les jardins. Ceux-ci ont été dessinés par Achille Duchêne (1866-1947), paysagiste renommé pour la restauration et la création de grands parterres de broderies des châteaux et de nombreux jardins de ville, notamment à Paris.
Une jolie niche qui abrite un élégant trio de putti...
Le Petit bureau
Les murs de cette petite pièce, également appelée "Salon anglais", sont tendus d'une soie cramoisie.
Voici maintenant l'escalier, plus modeste, qui permet d'accéder à l'étage supérieur, où se trouvaient les appartements privés du comte de Camondo et de ses enfants (le comte était divorcé).
Vue plongeante sur le rez-de-chaussée haut
Le Salon bleu
C'était autrefois la chambre de Béatrice de Camondo. Moïse en fit à partir de 1924 et jusqu'à sa mort en 1965 une pièce qui lui servit de bureau. Le tapis a été exécuté par les ateliers de la Savonnerie.
Même si les peintures semblent plutôt tirer sur le vert, elles étaient bleues originellement.
On trouve dans cette pièce un tableau amusant intitulé "Les gentilshommes du duc d'Orléans dans l'habit de Saint-Cloud". Le peintre, Félix Philippoteaux (1815-1884), qui semble ne pas savoir dessiner les visages..., a fait figurer les personnages de dos ! (Photo musée Nissim de Camondo)
Un tableau historique cette fois-ci : La Samaritaine et le Pont-Neuf par Jean-Baptiste Raguenet (1755)
Il s'agit de la pompe de la Samaritaine, une machine édifiée sur le pont neuf pour apporter l'eau de la Seine au Louvre.
La Bibliothèque
Les boiseries en chêne naturel sculpté de la bibliothèque ont déterminé la hauteur de cet étage et créent une atmosphère chaleureuse. C'est ici que Moïse de Camondo consultait ses catalogues de ventes et de nombreux périodiques dont la Gazette des Beaux-Arts qu'il faisait soigneusement relier en maroquin rouge.
Depuis la bibliothèque on a une jolie vue sur le parc Monceau.
Ce mobilier en noyer sculpté, composé d'un canapé, de deux bergères et de six fauteuils à la reine, confère à la bibliothèque le confort d'un salon. Il est couvert d'un très beau velours ciselé et frappé bicolore et a appartenu à un ecclésiastique dijonnais, Mgr Gouthe-Soulard.
Cet escabeau en acajou (vers 1800-1810) devient, quand il est replié, un tabouret. De tels meubles, pratiques et élégants, figuraient dans les bibliothèques aménagées pour Napoléon Ier au début du 19ème siècle.
L'appartement de Moïse de Camondo
Il est composé d'une chambre, d'une salle de bain et à la suite d'une pièce appelée "habillage".
La Chambre
Peu de recul dans cette petite pièce... donc deux photos au lieu d'une.
Le ciel de lit
Le lit : il est à trois chevets en bois sculpté et peint qui date des années 1765-1775. Sur le mur sont réunies des scènes de genre er des portraits.
Au-dessus du lit, un nu : ils sont rares dans l'Hôtel particulier.
La salle de bain
La pièce est carrelée à mi-hauteur avec des carreaux de céramique bleu et blanc disposés suivant un motif de vannerie. Elle possède un plafond laqué avec du Ripolin en arrondi tout comme la cuisine favorisant le nettoyage et la retombée de la buée.
Elle est composée d'un lave-pieds, d'une baignoire, d'un bidet (en grès émaillé),
ainsi que d'un lavabo à double vasque. La robinetterie est nickelée, une innovation à cette date pour un particulier.
Il y a même dans la pièce un porte-serviette chauffant...
ainsi que des Water-Closet en porcelaine anglaise équipés de robinets de chasse à piston, dont le système a pour nom "silencieux".
Les couloirs sont éclairés par de larges ouvertures pratiquées dans le plafond.
Michèle Mazure nous montre ici un tableau de la généalogie de la famille Camondo depuis Abraham-Salomon jusqu'aux enfants de Béatrice, la fille de Moïse, morts comme leurs parents à Auschwitz en déportation.
L'appartement de Nissim de Camondo
Il n'a pas gardé son aménagement d'origine mais a été rassemblé dans son bureau.
La chambre bureau
La salle de bain
La visite se termine par une petite pièce où se trouve une maquette de l'Hôtel particulier des Camondo.
La façade sur la rue Monceau
La façade donnant sur le jardin et le parc
C'est dans ce jardin qu'a été prise une photo de Moïse de Camondo et de son fils Nissim en 916 (copyright Les Arts Décoratifs - Paris ).
Une visite vraiment très intéressante
Merci à Anne-Marie de l'avoir réservée et à Michèle Mazure de l'avoir animée.
4 commentaires -
Par Vandrezanne44 le 9 Décembre 2021 à 23:00
La semaine dernière, j'ai suivi une visite guidée très intéressante dans le cadre de l'atelier "Petites promenades dans Paris" d'Anne-Marie, celle de l'église Saint-Joseph des Carmes qui est située rue de Vaugirard au sein de l'Institut Catholique et du séminaire des Carmes.
La visite guidée était, comme de coutume, faite par l'association "Paris art et histoire" et c'est Michèle Mazure qui l'assurait, tout comme la précédente visite de la Galerie dorée de la Banque de France (pour voir ou revoir le post, cliquez ICI).
Les frères Carmes (religieux contemplatifs et apostoliques) arrivèrent à Paris peu après l'assassinat du roi Henri IV et c'est Marie de Médicis qui les accueillit et les autorisa à s'installer non loin du Palais du Luxembourg où elle avait établi sa cour.
Nous voyons ici la cour du séminaire dont les murs sont recouverts d'un apprêt appelé "Blanc des Carmes". C'est un badigeon que l’on utilise au XVIIe et au XVIIIe siècles constitué de chaux en pâte dans laquelle on mélange de la térébenthine pour qu’elle soit brillante. Cette pâte est ensuite détrempée à la colle de peau avec un peu d’alun. Apres trois ou quatre couches, le badigeon est frotté avec une brosse dure pour le faire briller.
Les bâtiments conventuels ont été élevés entre 1613 et 1616 (surélevés en 1674) et abriteront les "Carmes Déchaussés" jusqu'en 1793.
L'autre côté de la cour date du XIXème siècle.
L'objet de cette visite guidée est surtout celle de l'église Saint-Joseph dont on aperçoit ici la façade.
Reconstruite au XIXe siècle fidèlement au modèle italien, la façade principale de la chapelle Saint-Joseph-des-Carmes comprend deux niveaux : le rez-de-chaussée et l’étage. L’étage est occupé par une grande baie centrale, divisée en trois lancettes, et décoré de deux niches à sculptures qui présentent les figures de sainte Thérèse et saint Joseph. Un fronton pointu, surmonté d’une croix, couronne l’élévation.
L’église du couvent est construite entre 1613 et 1620 sur le plan des églises romaines de la Contre-Réforme. Elle comporte un vaisseau unique bordé de chapelles et surmonté d’une voûte en berceau. Le transept, peu saillant, s’aligne sur les murs extérieurs des chapelles.
La tour située à la croisée du transept est surmontée d’une coupole d’inspiration italienne. Construite entre 1628 et 1630, c’est la toute première coupole édifiée à Paris.
Les fresques de la coupole représentent la vie du prophète Elie.
Il s'agit de retracer le passage du livre des Rois IV, 2.13, où Elie venant de traverser le Jourdain à pied sec avec son disciple Elysée, monte au ciel dans un tourbillon et laisse tomber son manteau qui est recueilli par Elysée, héritier de son esprit.
La fresque de la calotte a été peinte en 1644 par Walthère Damery, peintre liégeois. Ce fut la première peinture sur coupole à Paris du XVIIème siècle (il existe aussi un dôme à la Sorbonne et celui à l'école des Beaux-Arts). Elle représente le monde céleste.
Dans la partie basse du dôme, le tambour qui représente le monde terrestre, on peut voir un homme barbu levant les bras vers le ciel pour recevoir un manteau blanc : il s'agit de son disciple, Elysée.
Notre guide nous commente ensuite les quatre fresques formant les pendentifs de la coupole, également exécutés par Walthère Damery.
Saint Simon Stok recevant le scapulaire des mains de la Vierge
La Vierge lui tend un scapulaire – grand pan de tissu couvrant l’avant et l’arrière du corps, posé à même les épaules, en latin scapulæ – tout en lui disant « voici un privilège pour toi et ceux du Carmel ; celui qui mourra revêtu ainsi sera sauvé ».
Saint Jean de la Croix fut le prêtre carme qui fonda l'ordre des Carmes Déchaux.
Sainte Thérèse d'Avila touchée par l'amour divin
La vision de Sainte Thérèse d'Avila
Regardant maintenant vers le chœur, Michèle Mazure nous explique le tableau enchâssé au sein d'un retable en forme de frontispice comportant quatre colonnes corinthiennes de marbre noir, tableau que malheureusement nous ne verrons que très peu tant il est sombre... Le retable du maître-autel fut offert aux Carmes par la reine Anne d’Autriche.
Heureusement, le site "Patrimoine-histoire" de Paris a réussi à le photographier beaucoup mieux que moi !
Il s'agit de la "Présentation de Jésus au Temple" par Quentin Varin (1624).
Chef d’œuvre de cet artiste encore méconnu, premier maître de Nicolas Poussin, la Présentation des Carmes reflète le style maniériste qui marquait la peinture française avant le retour de Simon Vouet en France, en 1627 : Varin met en scène des figures à la silhouette étirée, aux doigts longs et effilés, aux attitudes cadencées, qu’il regroupe au premier plan tout en créant une perspective vertigineuse à l’arrière-plan.
La partie supérieure du retable
Détail du fronton montrant Dieu et ses anges
Le maître-Autel moderne est de Philippe Koeppelin (XXème siècle). Remarquez le magnifique tabernacle argenté.
Ce même maître-autel cache un somptueux bas-relief en marbre du XIVe siècle : "la Cène", reproduite ci-dessous. L'œuvre est attribuée à Évrard d'Orléans (mort en 1357 et provient de l'église abbatiale cistercienne de Maubuisson (Val d'Oise).
Notre guide nous montre les pieds des apôtres nous disant que par la suite ils seront toujours cachés par la nappe (Anne Viala est venue à mon secours pour en donner l'explication : en fait 12 apôtres plus le Christ, cela fait 26 pieds à représenter touche touche, pas trop top !).
Le sol de l'église est pavé de marbres de trois couleurs différentes.
Un coup d'œil vers le fond de l'église
Dans le croisillon droit du transept, un retable de Jean-Baptiste Corneille intitulé "L'apparition du Christ à Sainte Thérèse d'Avilla et à Saint Jean de la Croix"
Notre guide nous montre aussi l'adorable peinture située en bas du retable. Il me semble me souvenir (mais je peux me tromper) qu'il s'agit de Sainte Thérèse et de son frère rattrapés par leur père alors qu'ils quittent le foyer.
Dans le croisillon gauche du transept, une superbe Vierge à l'enfant d'Antonio Raggi (1624-1686) d'après Le Bernin
Contrairement à la coutume, elle porte l'enfant Jésus sur la droite.
C'est par cette porte qu'on entre dans la Chapelle baroque Sainte-Anne. Dans un fort état de dégradation, elle a été restaurée par les soins de la ville de Paris et le mécénat de l’Eau de mélisse des Carmes Boyer.
Celle-ci étant très exiguë, il est très difficile de la photographier dans son ensemble. Elle est couverte de boiseries et de peintures murales. La chapelle serait l'œuvre de Georges Lallemant et d'un groupe de peintres plus ou moins maniéristes du XVIIe siècle.
On y voit une "Annonciation" au-dessus de la porte d'entrée (photo Monick Nicmo).
Une "Présentation de l'Enfant au temple"
Une porte vitrée donne sur le chœur.
Détail du dessus de porte
Deux des quatre évangélistes
Au centre de la voûte, le "Couronnement de la Vierge"
Il est entouré par une représentation des quatre apôtres dont ici, à gauche, Saint-Mathieu avec son aigle et, à droite, Saint-Luc avec son taureau. On jurerait plutôt un dromadaire, non... ?
"La Dormition de la Vierge"
La partie supérieure des murs est elle aussi couverte de peintures sur bois, telle cette très jolie scène champêtre intitulée "Le repos pendant la fuite en Egypte".
En 1620, Pierre Brûlart, chevalier, vicomte de Puisieux, conseiller du roi en ses conseils, avait obtenu la jouissance de cette chapelle, avec la permission de l’embellir et d’y apposer ses armes et écussons.
Le tableau central représente Sainte-Anne, Joachim et Marie.
La petite Marie est représentée avec un parchemin à la main, signe d'éducation.
Dans la partie haute du tableau, d'adorables petits angelots portant des bouquets de fleurs
Tiens tiens, ça me rappelle ceux de la voûte de la Galerie dorée de la Banque de France que nous avons visitée récemment ! On est dans les deux cas au XVIIème siècle...
Nous continuons notre visite guidée par la découverte des deux chapelles qui se trouvent de part et d'autre de la nef.
Celle de gauche en regardant en direction du chœur est dédiée à Saint-Jacques.
Au centre, un tableau représente Saint-Jacques le Majeur.
Sur le côté droit, un autre présente une scène de la vie de Saint-Dominique. Selon une légende, à sa naissance sa mère aurait vu en rêve un chien embrasant le monde avec un flambeau dans la gueule. Plus tard, le nom même des Dominicains, en latin, se prêta à un jeu de mots : dominicani = domini canis = chien du Seigneur...
On aperçoit le chien tenant le flambeau en bas à gauche du tableau.
Ici, une scène de la vie de Saint-Louis surmonte un groupe de deux angelots encadrant un cœur percé d'une épée, symbole dans la religion catholique, de souffrance de la Mère de Dieu.
La voûte baroque a été peinte par Abraham Van Diepenbeek (1596-1675).
Dans la mandorle centrale, on peut voir une "Transfiguration" où Jésus est entouré de Moïse et d'Elie. Il s'agit d'un changement d'apparence corporelle de Jésus pendant quelques instants de sa vie terrestre, pour révéler sa nature divine à trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean.
En face de la chapelle Saint-Jacques, la chapelle des Bienheureux-Martyrs-des Carmes rappelle le massacre qui a été perpétré pendant la Terreur : le 2 septembre 1792, 116 Carmes réfractaires sur les 160 qui y étaient détenus sous surveillance ont été assassinés sur leur lieu de culte transformé en prison.
Le tableau central est de Paul Buffet, un disciple de Maurice Denis. Il représente la Vierge qui apparaît aux religieux massacrés en septembre 1792.
La voûte est l'œuvre de Claude Deruet, un peintre lorrain. Elle représente le "Couronnement de la Vierge" et a été réalisée vers 1640.
Superbes coupes de fleurs posées sur un tapis...
A côté d'une Vierge à l'Enfant, les noms des 116 martyrs qui ont été béatifiés en 1926.
Nous nous dirigeons maintenant, en empruntant cette petite porte située à gauche du chœur, vers les lieux du massacre, le jardin des Carmes.
Après la chute de la royauté le 10 août 1792, une nouvelle phase, sanglante, de la Révolution commence. Dès le 11 août, la commune insurrectionnelle de Paris, qui fait la loi dans la capitale, décide d’identifier et de mettre hors d’état de nuire tous ceux qu’elle prétend être des ennemis de la nation et de la République... Jusqu’au 6 septembre, les massacres se perpétuent dans les différentes prisons, touchant des ecclésiastiques, des nobles, des serviteurs de l’ancienne monarchie, mais également des prisonniers de droit commun et de nombreuses filles publiques.
Pour ce qui est des Carmes...
Un couloir étroit, qui s'ouvrait auprès de la sacristie et aboutissait à un petit perron encadré par une grille tapissée de plantes grimpantes, permettait de se rendre de l'église au jardin. Avant d'atteindre le perron, au pied d'un escalier conduisant à l'étage, le couloir s'élargissait, formant comme une sorte de palier de plusieurs mètres carrés.
Le commissaire de la section fit placer là une table et une chaise et y installa son tribunal Sur le perron, et devant ses quelques marches, se groupèrent des patriotes armés de sabres, de piques et de pistolets, prêts à procéder aux exécutions. Deux prêtres sortirent alors de la sacristie et s'avancèrent vers la table, leur bréviaire à la main. Ils étaient très pâles mais paraissaient résolus. Le commissaire, qui n'avait pas l'air d'un méchant homme, leur fit déclarer leurs noms et qualités, puis il leur demanda de prêter serment.
Cela nous est impossible, répondirent-ils.
Le juge soupira, et, d'un geste, ordonna de les faire passer dans le jardin. Ce simple geste constituait un arrêt de mort. On entendit des cris de douleur, un cliquetis d'armes, des hurlements, puis, enfin, l'inévitable cri de « Vive la nation ».... Les massacres prirent fin un peu avant huit heures. Les portes du jardin furent alors ouvertes et le public fut admis à contempler les cadavres.
C'est à cet emplacement que les 116 Carmes réfractaires ont été assassinés sauvagement par les révolutionnaires. La porte s'ouvrait et dès que les religieux qui avaient refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé en franchissaient le seuil, ils tombaient sous les piques ou les baïonnettes. Ce massacre dura toute la nuit.
Une inscription sur le marbre en latin le rappelle. "Hic ceciderunt" : ici, ils périrent.
Les corps ont été jetés dans une fosse commune à cet emplacement mais comme tous n'y tenaient pas certains d'entre eux ont été jetés dans un puits...
Les Carmes avaient un très beau jardin où ils cultivaient des plantes médicinales. C’est dans ce jardin qu’un médecin invente au XVIIe siècle la célèbre "Eau des Carmes" à base de mélisse et aux vertus stimulantes. Elle est encore vendue à l'accueil de l'église mais n'est plus fabriquée ici.
A l’arrière de l’église subsiste une autre curiosité : le campanile de plan carré. Comme la coupole de l’église, il s’inspire des campaniles que l’on trouve fréquemment en Italie à la Renaissance.
A l'étage se trouve une ancienne cellule monacale. Joséphine de Beauharnais et Theresa Cabarrus (Madame Tallien), entre autres, y furent emprisonnées pendant la Révolution.
Sur le mur de gauche, protégées dans une vitrine, les traces de sang laissées sur le mur par les sabres des révolutionnaires (...?).
Joséphine de Beauharnais écrivit de sa main sur le mur du fond un message qui fut contresigné par Thérèse Tallien et un certain d'Aiguillon :
« Liberté, quand cesseras-tu d’être un vain mot ? Voilà dix-sept jours que nous sommes enfermées. On nous dit que nous sortirons demain, mais n'est-ce pas là un vain espoir ? ».
Il est conservé dans la petit vitrine ci-dessous.
Nous terminerons la visite guidée par la crypte.
Après le massacre du 2 septembre, le couvent fut vendu comme bien national. Le 8 août 1797, mère Camille de Soyécourt, carmélite, rachète une partie des bâtiments du Couvent des Carmes, sauvant les bâtiments de la destruction. Elle lance de gros travaux pour restaurer les bâtiments grandement détruits (il n'y a plus de portes ni de fenêtres, et des gravats partout).
Au seuil d'une vie bien remplie, elle décède le 9 mai 1849 à l'âge de 91 ans. Elle demande à être enterrée dans la crypte des martyrs.
Voici sa pierre tombale au centre (Photo Monick Nicmo)
Elle fait également aménager et restaurer une « chapelle des martyrs » en mémoire du massacre du 2 septembre 1792, survenu dans cette ancienne prison. Les religieuses en recueillent même quelques vestiges qu'elles conserveront comme des reliques.
L'entrée de la chapelle des martyrs
La seconde crypte
Vitrine contenant les crânes des Carmes assassinés
Les noms des défunts figurent en lettres d'or sur des plaques de marbre noir. Les flambeaux renversés encadrant la vitrine sont signe de deuil (ou symbole de mort ?).
Joli, non ?
Des urnes funéraires sont couvertes d’une draperie et on y voit couler le temps par un sablier...
En mémoire des Carmes assassinés...
Une pièce supplémentaire abrite la tombe de Frédéric Ozanam (1813-1853), principal fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, en 1833. Professeur à la Sorbonne, il logeait à proximité de Saint-Joseph, où il venait prier. Décédé à Marseille, ses obsèques se déroulent à Saint-Sulpice, mais son corps est déposé dans la crypte de Saint-Joseph des Carmes.
Les participants à cette sortie dans la pièce dédiée à Frédéric Ozanam
Avec Monick...
et avec moi !
Les lumières de la nuit...
Un grand merci à Michèle Mazure
pour cette passionnante visite guidée qui a ému tout le monde. Evidemment, je n'ai pas retranscrit le quart de la moitié de tout ce qu'elle nous a raconté !
et Merci à Anne-Marie pour l'avoir réservée.
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Par Vandrezanne44 le 13 Novembre 2021 à 23:00
Hier samedi, nous avons fait une visite avec Générations 13, celle de la Galerie dorée de la Banque de France située tout à côté de la place des Victoires. Anne-Marie, qui encadre ces "Petites promenades dans Paris", réserve souvent pour l'hiver auprès de l'association "Paris art et histoire" des conférences à l'abri du froid.
Nous retrouvons sur place pour cette conférence Michèle Mazure qui commence par nous parler de la place des Victoires qui est, avec la place des Vosges (anciennement nommée place royale), la place Dauphine, la place Vendôme et la place de la Concorde, l'une des cinq places royales de Paris.
La place a été édifiée au XVIIe siècle à l'initiative du maréchal de La Feuillade et de la ville de Paris sur les plans de Jules Hardouin-Mansart. Pas tout à fait circulaire mais presque, elle rend hommage aux victoires de Louis XIV.
Nous sommes une petite vingtaine à écouter la guide qui, munie de documentations imagées, tente de nous faire revivre son passé prestigieux.
Elle nous montre au centre de la place la statue équestre de Louis XIV par Joseph Bosio (inaugurée le 25 août 1822) et restaurée en 2005.
Sur cette photo internet, on voit que le roi, habillé en empereur romain, est coiffé d'une couronne de lauriers.
La statue originelle était une réalisation du sculpteur Martin Desjardins et représentait Louis XIV en pied. Le roi était figuré en costume de sacre, piétinant un cerbère, représentant la Quadruple-Alliance vaincue. Son socle comportait quatre personnages en bronze, représentant allégoriquement chacun une nation vaincue par Louis XIV et un sentiment différent (la Résignation, l’Abattement, la Colère et l’Espérance), des bas-reliefs et des inscriptions dithyrambiques sur la gloire militaire du roi après la signature du traité de Nimègue. Ces éléments de décoration sont aujourd'hui exposés dans la cour Puget du musée du Louvre. L'inauguration a eu lieu le 28 mars 1686 ; l'ensemble, piédestal compris, faisait alors 12 m de haut.
Quatre fanaux, qui étaient situés aux quatre « coins » de la place, y brûlaient en permanence pour éclairer la statue. En 1699, les fanaux ont été éteints sur ordre du roi qui trouvait qu'ils étaient trop dispendieux et en 1718 l'ensemble fut démonté.
La place des Victoires en 1689
En 1792, la statue de Louis XIV est abattue par les révolutionnaires. Elle est fondue pour produire des canons et remplacée par une pyramide en bois portant les noms des citoyens morts lors de la journée du 10 août 1792. Selon la légende, Napoléon Ier donne le bois de la pyramide à un corps de garde, lequel l'aurait utilisé pour se chauffer.
La statue en bronze du général Desaix (mort au combat) fut commandée à Claude Dejoux pour érection au centre de la place, sur un piédestal mentionnant les batailles remportées par le général, dû à l'architecte Jean-Arnaud Raymond.
L'ordonnancement des façades de la place était strictement encadré : des arcades pleines au rez-de-chaussée (à l'intérieur desquelles se sont installées des boutiques plus tard), un étage noble particulièrement haut de plafond, un deuxième étage relié au premier par des pilastres à chapiteaux ioniques, puis un troisième mansardé dont l'amortissement des chiens-assis est alternativement semi-circulaire et horizontal : un détail que je n'avais pas vu en prenant la photo).
Toutes ces façades correspondent à d'anciens hôtels particuliers.
Au dessus des arcades se trouvent des mascarons presque tous différents les uns des autres. De jolis balcons de fer forgé protègent les ouvertures des réserves des magasins actuels.
Certains ont malheureusement subi l'outrage du temps...
Michèle Mazure nous explique ensuite l'origine des bâtiments actuels de la Banque de France à l'aide de ce document où l'on voit que l'enceinte de Charles V cerne l'ancien Hôtel de La Vrillière sur sa droite : cette maison fut en effet construite vers 1640 par François Mansart pour Louis Phélipeaux de la Vrillière qui était secrétaire d'Etat (l'équivalent de notre premier ministre actuel) et grand amateur d'art italien.
En 1713, l'Hôtel de La Vrillière est acheté par Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse et fils naturel de Louis XIV et de Madame de Montespan. Elle revint ensuite à son fils, le duc de Penthièvre.
Ci-dessous l'emplacement, à droite, de l'Hôtel de Toulouse sur un plan de 1737
Une vue sur l'entrée de l'Hôtel de Toulouse (actuelle Banque de France) depuis la place des Victoires.
Nous contournons l'immense quadrilatère de la Banque de France pour entrer dans ce sanctuaire par une entrée secondaire faisant face à la Galerie Vivienne.
Après être passés par les portiques de sécurité et présenté nos cartes d'identité - ne rentre pas là qui veut -, nous voici arrivés au premier étage dans cette petite antichambre de la Galerie dorée où se trouve une maquette de l'Hôtel de Toulouse et un portrait en pied du comte de Toulouse.
La guide nous explique que ce n'est pas tant le tableau lui-même qui est intéressant...
mais plutôt son cadre qui porte tous les insignes de la Royauté comme la couronne des fleurs de lys, privilège exclusif des princes du sang, les colliers du Saint-Esprit ainsi que de Saint-Michel et de la toison d'or mais aussi le bâton de bâtardise que l'on voit au centre du médaillon entouré des trois fleurs de lys représentant la Trinité.
Notre guide nous montre sur la maquette l'endroit où nous nous trouvons.
Tout le monde fait le tour de la maquette qui représente, en petit, pas moins de 80.000 m² de surface au sol !
Nous voici prêts à visiter le clou de l'Hôtel, la Galerie dorée.
Elle mesure 40 mètres de long pour 6,5 m de large et 8 m de haut (en comparaison, la galerie des glaces de Versailles mesure 80 m de long et 10 m de large).
Ses dorures, ses tableaux, sa boiserie et son impressionnante fresque datant du XVIIème siècle font de cette galerie l’une des plus somptueuses de France et la pièce emblématique de l’hôtel de Toulouse.
Vue de la galerie côté porte d'entrée
Boiseries surplombant la porte d'entrée
Les sculptures rappellent les passions de Louis Alexandre de Bourbon, la mer et la chasse.
Adorables petits puttis...
Aux quatre coins de la galerie sont représentés les quatre continents (Amérique, Afrique, Asie et Europe) sous la forme de statues de femmes telles que celle-ci.
Sous ces statues, de jolie médaillons dorés : ici, il s'agit de représenter l'Europe je pense avec ce cheval (mais je n'en suis pas tout-à-fait sûre...).
Tout comme celui-ci qui représente un dromadaire : l'Afrique ou l'Asie... ?
De grands miroirs permettent de renvoyer l'image des peintures de la voûte.
Par les fenêtres, on peut voir la deuxième cour intérieure où a été organisé un jardin.
Notre guide nous parle ensuite des fresques de la voûte qui sont dues à François Perrier, artiste du début du XVIIème siècle Elles ont été peintes entre 1646 et 1649). Ce sont essentiellement des sujets mythologiques.
Au centre, Apollon, dieu de lumière, est sur son char. Devant lui, le Temps, personnage vieux, barbu et ailé tient sa faux.
Le char d'Apollon
Les femmes qui versent de l’eau symbolisent la Rosée du matin qui chassera la nuit.
La planète Vénus au-dessus des Gémeaux, Castor et Pollux
La Lune sous les traits de Diane avec une biche
La voûte est ordonnée autour des quatre éléments représentés dans quatre tableaux aux quatre coins de la galerie.
1 - Le Feu : Jupiter, armé de son foudre, vient rendre visite à Sémélé, fille du roi de Thèbes. La jeune femme périt brûlée à la vue du dieu. Elle attend un enfant, que Zeus retira du ventre de sa mère, et qu’il mit dans sa cuisse : Dionysos, né de la cuisse de Jupiter.
Jupiter et Sémélé (photo Monick Nicmo)
2 - La Terre : Enlèvement de Proserpine par Pluton, dieu des Ténèbres. Il est accompagné de son char au cheval noir et tient sa fourche. Il emporte la jeune femme dans les profondeurs de la terre; elle y passera 6 mois, les 6 autres reviendra sur terre auprès de sa mère Déméter ou Cérès. Les 6 premiers mois correspondent à l’Automne et l’Hiver, tandis que les 6 autres sont ceux du Printemps et l’Eté.
Pluton et Proserpine (photo Monick Nicmo)
3 - L’Eau : Neptune et Amphitrite. Le dieu est sur son char mené par des chevaux aux pieds palmés. Amphitrite est une néréide dont il tombe amoureux et qu’il épouse.
Neptune et Amphitrite (photo Monick Nicmo)
4 - L’Air : Junon avec son paon. Ici, elle prie Eole, dieu des vents, de déchaîner les tempêtes pour empêcher la victoire des Troyens. Ceci étant après le choix de Pâris, jeune prince troyen qui choisit Hélène, princesse grecque comme la plus belle.
Eole et Junon (photo Monick Nicmo)
A l'extrémité de la galerie, une cheminée supporte un buste de Jules Hardouin-Mansart. Le grand miroir placé derrière ainsi que le miroir latéral faisant pendant à la fenêtre reflètent le plafond de la galerie.
Au-dessus du miroir, Leucothée, déesse protectrice des navigateurs guide une proue de bateau : un rappel de l'attachement du comte de Toulouse à la marine.
De chaque côté, deux groupes de puttis
Celui de gauche tient une ancre de marine qui dissimule le bâton de bâtardise du blason du comte de Toulouse...
La cheminée est décorée de deux jolis chenets représentant des lions et d'une plaque de cheminée d'époque représentant les insignes de la royauté avec la couronne des lys, le blason et tout le reste comme précédemment.
Les dix tableaux présents dans la Galerie dorée ne sont pas des originaux. Les originaux, achetés par Louis Phélypeaux de la Vrillière, ont été saisis à la Révolution, et se trouvent désormais au Louvre et dans d’autres musées nationaux. Ils représentent, à l’exception de l’Enlèvement d’Hélène de Guido Reni, des scènes tirées de l’histoire romaine.
Hersilie sépare Romulus et Tatius - Le Guerchin (1645) - musée du Louvre
Il s'agit ici de l'enlèvement des Sabines par les Romains.
Hersilie, une Sabine, devenue femme de Romulus, sépare son mari de Titus Tatius, roi des Sabins, alors qu'ils se disputent le règne de Rome. Hersilie représente à elle seule le groupe des Sabines, elle est au milieu, essayant de protéger son mari tout en protégeant aussi son peuple et ses origines.
Camille livre le maître d'école de Falérie à ses écoliers - Nicolas Poussin (1637)
musée du LouvreCamille, vêtu d'un drapé rouge tend le bras en direction du maître d'école. Celui-ci est représenté dans une attitude de repli et de peur, pratiquement bestiale, entouré de ses élèves qui lui jettent des pierres.
L'empereur Auguste ferme les portes du temple de Janus - Maratta (musée de Lille)
Dans ce tableau, on voit Auguste faisant une offrande devant un brasero et désignant les portes du temple encore ouvertes (comme en temps de guerre). Se détachant dans le ciel, la personnification de la Paix apporte un rameau d’olivier. Un trophée d’armes évoquant la guerre gît au sol alors qu’un guerrier enlève le carquois rempli de flèches qui ne lui serviront plus. Tous les regards se dirigent vers l’entrée du temple : les portes peuvent être refermées, la paix a été établie !
L'enlèvement d'Hélène par Pâris - Guido Reni (1626-1629) - musée du Louvre
L'histoire de la guerre de Troie...
Sous des remparts, un homme cuirassé et casqué mène par le bras une jeune femme richement vêtue. Figures centrales de la composition, ils sont accompagnés par un cortège d'hommes et de femmes. Le contexte antique (architecture, casque, cuirasse) est associé à des costumes du XVIIe siècle pour illustrer l'enlèvement d'Hélène, alors jeune épouse de Ménélas, par le troyen Pâris. Cet épisode, à l'origine de la chute de Troie, a été peint par Guido Reni pour Philippe IV d'Espagne.
Les adieux de Caton d'Utique à son fils - Le Guerchin (1591 - 1666)
musée de MarseilleCaton battu par César à Thapsus s’enferme dans la ville d’Utique dans l’actuelle Tunisie, et décide de se donner la mort pour ne pas survivre à la fin de la République. Avant de mettre fin ses jours, il lit le Phédon, dialogue de Platon sur l’immortalité de l’âme, (on voit l’ouvrage posé sur la table). Suivant fidèlement le célèbre récit qu’en a fait Plutarque, la scène représente le moment où le fils de Caton accourt pour empêcher son père de commettre l’irréparable. Après avoir fait ses adieux, Caton se percera de son épée.
Faustulus confie Romulus et Remus à Laurentia - Pierre de Cortone (1643)
musée du LouvreDécouvrant les deux enfants sur les bords du Tibre, le berger Faustulus les recueille et les confie à son épouse Laurentia.
Auguste et Sibylle - Pierre de Cortone (1660 - 1665) - musée du Louvre
Auguste, grâce à sa pacification du monde, doit être déifié suite à décision du sénat romain. Il se rend sur le Capitole accompagné de la Sibylle de Tibur, prêtresse d'Apollon ayant don de prophétie. Celle-ci lui prédit l'avènement d'un enfant qui surpassera les dieux romains ; c'est alors qu'apparaît dans les cieux une vision de Marie tenant Jésus. Auguste s'agenouille alors, et renonce à se faire déifier. Ce tableau représente les deux pouvoirs, le spirituel, en haut, véritable et sans apparat, domine le pouvoir temporel, cantonné au registre inférieur malgré son faste.
Coriolan supplié par sa mère - Le Guerchin (1640) - musée de Caen
L’histoire du général romain Coriolan qui accueille sa mère Volumnie et son épouse Véturie, venues le supplier d’épargner Rome, est un sujet à la mode au début du XVIIe siècle.
César remet Cléopâtre sur le trône d'Egypte - Pierre de Cortone (vers 1637)
musée du LouvreDans le tableau de Pierre de Cortone, il nous est donné d’assister à la restitution du trône d’Egypte à Cléopâtre par son amant et allié Jules César, au lendemain de la mort du roi Ptolémée XIII, comme l’indiquent le sceptre et la couronne que le Romain montre à l’Egyptienne. Cette prise de pouvoir se fait au détriment de la sœur de Cléopâtre, Arsinoé IV, qui est contrainte de rejoindre la coulisse, sa silhouette étant déjà enveloppée par l’ombre. Les deux protagonistes principaux apparaissent au contraire en pleine lumière, revêtus de riches atours au coloris aussi raffiné que brillant.
La mort de Cléopâtre - Turchi (1640) - musée du Louvre
Tandis que Marc-Antoine (ici drapé de bleu, glaive à portée de main) agonise, Cléopâtre, vêtue d'une robe pourpre et or et entourée de ses servantes, tient dans sa main le serpent qui l'a tuée.
A la base des tableaux se trouvent de très jolis médaillons dorés.
Ici, une sirène tient un poisson dans une main et une harpe dans l'autre...
Cet autre montre Neptune, armé de son trident, et chevauchant une sirène.
Michèle Mazure nous montre l'échantillon de papier-peint qui recouvrait autrefois, pendant la période révolutionnaire les murs de la galerie. Ils ont ensuite été peints en vert puis, plus récemment lors de la dernière restauration, définitivement je pense, peints dans une couleur appelée "Blanc de Roi".
Elle nous fait aussi remarquer la grande qualité du mobilier de la galerie dont les assises ne comportent pas de feston. Ces sièges étaient conçus pour recevoir une parure d'hiver et une parure d'été...
La visite de la galerie terminée, nous continuons par la pièce qui sert de salle de réunion aux administrateurs de la Banque de France.
Ses murs sont revêtus de jolies tapisseries.
Un portrait de Louis Phélipeaux, marquis de la Vrillière, trône au-dessus de la cheminée dans le manteau duquel est incrustée une belle pendule.
Nous apprenons par un employé (qui nous suit comme un petit chien...) que la Banque de France détient 2 436 tonnes d’or dans la Souterraine qui est située à 27 m sous terre. Cet or constitue les réserves de la France qui possède le quatrième stock national au monde derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie. Il est inscrit au bilan de la Banque de France.
Depuis les années 1970, l’or n’a plus de rôle monétaire. En revanche, il conserve une valeur importante mais fluctuante qui est déterminée par le marché. Pour avoir un ordre de grandeur, la valeur de cet or est un peu supérieure à 100 milliards d’euros, ce qui représente environ 5% du PIB et de la dette de la France.
Dans cette petite pièce qui fait suite à la salle de réunion, le drapeau français et celui de l'Europe font face aux photographies des précédents Gouverneurs de la Banque de France.
L'actuel Gouverneur est François Villeroy de Galhau : après six ans de bons et loyaux services comme on dit, il a été renouvelé pour la même période.
Vous connaissez sûrement Jean-Claude Trichet qui fut Gouverneur de la Banque de France de 1993 à 2003 et qui enchaîna cette fonction avec celle Président de la Banque centrale européenne (jusqu'en 2011).
Un très bel escalier avant notre sortie
Pas mal non plus celui-ci (construit en 1781), situé dans le bâtiment situé en face servant au comité d'entreprise de la Banque de France : il est à double révolution (comme à Chambord ou à Blois), ce qui fait que les gens qui montent ne croisent jamais ceux qui descendent !
D'après mes renseignements, c'est Léonard de Vinci qui en serait l'inventeur.
Waooohhh...
L'immeuble construit en 1781 est longtemps resté, avec ses huit étages, le plus haut de Paris. Il abritait des tripots, des salles de jeu et était le lieu de rendez-vous des prostituées.
Une visite que je viens de refaire... et qui nous a tous, je crois, bien intéressés.
Merci à Michèle Mazure de l'avoir guidée aussi agréablement et merci à Anne-Marie de l'avoir réservée. Il parait qu'il faut s'y prendre au mois de mai pour l'année suivante tellement la Banque de France a de demandes !
Il faut dire en plus que cette visite est gratuite...
2 commentaires -
Par Vandrezanne44 le 16 Octobre 2021 à 18:00
Ce vendredi, il faisait un temps de rêve pour la balade qu'Anne-Marie Guérin, animatrice de l'atelier "Petites promenades dans Paris" de Générations 13, avait mise à son programme de rentrée. Cette dernière avait donné rendez-vous à une dizaine d'adhérents pour une promenade historique et architecturale dans le quartier du Gros Caillou devant l'entrée du musée des Egouts de Paris situé au niveau du Pont de l'Alma, côté rive gauche.
Anne-Marie commence par nous situer le Gros Caillou : il s'agit d'une zone limitée au nord par la Seine, à l'ouest par le champ de Mars, au sud par l'avenue de la Motte-Picquet et à l'est par les Invalides.
On appelait jusqu'au milieu du XVIIème siècle cet espace parsemé de maraîchers, de vergers, de vignes et de prés, la plaine de Grenelle, un nom qui vient de "garanella", car on y chassait le lièvre et la caille. Les abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Sainte-Geneviève se partageaient cet espace agricole, elles y faisaient notamment paître leurs vaches. Un rocher surnommé le Gros Caillou marquait la limite entre les terres des deux abbayes. Il a été détruit en 1738 mais a laissé son nom au bourg.
Dès que l'on arrive sur les lieux, on est attiré depuis octobre 2016 par les dômes dorés de la cathédrale russe orthodoxe de la Sainte-Trinité qui jouxte la tour Eiffel.
Le quartier du Gros Caillou s’est développé au XVIIème siècle à partir de la construction des Invalides par Louis XIV : le roi souhaitait en effet en faisant construire cet édifice assurer aide et assistance aux invalides et handicapés de ses armées. Le chantier va attirer dans ce quartier de nombreux artisans travaillant dans le bâtiment (la proximité de la Seine permettait l’acheminement des matériels de construction par voie d’eau). Ce quartier populaire, peuplé d'artisans, tranchait à l’époque avec le riche quartier voisin du Faubourg Saint-Germain et ses hôtels particuliers des XVIIème et XVIIIème siècles.
On y trouvait des lavandières qui profitaient de la proximité de la Seine pour exercer leur activité. Elles s’occupaient du linge des soldats des Invalides, d’abord sur le bras situé entre l’île des cygnes et la Seine, puis l’eau étant de plus en plus sale, sur des bateaux-lavoirs (alimentés par des réservoirs d'eau) qui n’étaient pas uniquement de simples laveries, mais bel et bien un lieu de détente où l’on aimait se retrouver. Parfois même de façon plus intime : les lavandières étant réputées à l’époque pour leurs mœurs légères dit-on parfois.
©Musée Carnavalet, estampe d’Auguste Lepère (1891)
Sur la Seine, un bateau-lavoir relié à la rive par une passerelleA ce niveau de la Seine existait autrefois une île appelée Ile des Cygnes, ainsi nommée en raison d'une ordonnance royale de 1676 qui permit l'installation d'une colonie de cygnes sur l'île en hiver. Ces cygnes, offerts par le Danemark à Louis XIV, étaient destinés à orner les jardins de Versailles à la belle saison mais il n'était pas rare qu'on retrouva parfois des cygnes jusqu'à Rouen !
L'Ile des Cygnes portait également le nom d'Ile Maquerelle (peut-être une déformation de "male querelle" car on s'y battait en duel).
On y trouvait le "Dépôt des marbres", un ancien hangar de stockage fondé par Colbert, à l'emplacement de l'actuel musée du quai Branly. Au XIXème siècle, on y faisait venir du marbre de Carrare. le dépôt a été exproprié en 1901.
Installée le long de la Seine, il y avait à l'époque une "pompe à feu" actionnée par la vapeur, une création des frères Perrier sur un modèle anglais. Cette pompe à feu appelée "Pompe à feu du Gros Caillou" permettait de stocker l'eau de la Seine dans un réservoir situé en hauteur et alimentait ainsi treize fontaines de la rive gauche. Elle a été inaugurée en 1788 mais disparut en 1858 car elle créait beaucoup de pollution du fait des fumées qui s'échappaient de ses cheminées.
Il y avait aussi dans ce quartier de l'actuel 7ème arrondissement la Manufacture de Tabac du Gros Caillou qui fournissait le tiers de la production française de cigarettes et de cigares. Créée en 1810 et fermée en 1904 (elle sera détruite quatre ans après), elle employait 2000 ouvriers et ouvrières. Les conditions de travail étaient très dures, avec des salaires très bas (3 francs par jour pour les hommes et 2 francs par jour pour les femmes, les femmes étant préférées car ayant de plus petites mains pour rouler les cigarettes) et une très mauvaise salubrité.
Et maintenant, un petit rappel sur l'alimentation en eau de Paris
Les premiers égouts souterrains de Paris furent construits par les Romains. Au Moyen-Age, l'évacuation des eaux usées n'était pas une priorité, on les jetait directement au milieu des rues qui étaient pavées d'où l'expression "tenir le haut du pavé" car les personnes des classes populaires laissaient le haut des rues (qui étaient étroites) aux nobles, de meilleure condition sociale.
A cette époque plusieurs cours d'eau descendent de Montmartre, de Belleville et du Pré Saint-Gervais. Un premier égout souterrain fut construit sous la rue Montmartre qui servait de collecteur principal pour la rive droite tandis que la Bièvre remplissait ce rôle pour la rive gauche, tous deux se déversant ensuite dans la Seine.
Le premier Service des Egouts de Paris est créé au début du XIXème siècle. Quand une grande épidémie de choléra se déclare en 1832 à Paris, le réseau fait moins de 50 km. Les grands travaux commenceront réellement en 1853, sous Napoléon III, avec l'arrivée du Baron Haussmann et de l'ingénieur général des Ponts et Chaussées, Eugène Belgrand. Ceux-ci construisent des collecteurs sous les tout nouveaux Grands Boulevards. En 1870, on en était à 500 km de canalisations.
Eugène Belgrand décidera aussi de créer deux réseaux distincts pour alimenter séparément, d'une part le nettoyage des rues et d'autre part l'eau potable. En effet, jusqu'à cette date les parisiens buvaient l'eau de la Seine, ce qui donnait lieu à des épidémies. Des aqueducs sont construits en aval de Paris pour capter les eaux de source et les acheminer dans des réservoirs.
En 1894, c'est la création du "tout-à-l'égout" et à partir de 1930 on commence à construire des stations d'épuration en France : Paris se dotera ainsi de 4 stations : Achères, Noisy-le-Grand, Valenton et Colombes.
Aujourd'hui, le réseau parisien compte plus de 2500 km de galeries techniques situées sous les rues de la capitale. Les égouts sont visitables au 93 quai d'Orsay.
Vue souterraine d'un collecteur d'égout
Après cette "mise en bouche" si j'ose m'exprimer ainsi à propos des égouts..., la promenade commence vraiment. Ne pouvant à la fois prendre des notes et des photos, c'est Annie Perrot qui s'est chargée de cette tache. Merci à elle de m'avoir déchargée.
Information sur les fameuses fontaines Wallace : il y en a 95 dans la capitale.
Une fontaine Wallace que je n'ai pas vue, située au niveau de l'entrée du musée des Egouts
Devant le 91-93 quai d'Orsay se trouvent deux immeubles Art Déco.
Le premier, tout blanc, possède des fenêtres bateaux, plus larges que hautes, en forme de Bow-Windows. Le béton est ici recouvert d'un placage de pierre. Il est dû à Michel Roux Spitz, contemporain de Le Corbusier.
Le deuxième, son voisin, est de Léon Azéma, prix de Rome en 1921. Il est caractérisé par un décor en écailles de poisson et des balcons triangulaires qui lui donnent un petit air de proue de navire.
Les garde-corps du bâtiment formant l'angle avec l'Avenue Bosquet sont ornés de ferronneries en forme de damier et de crosse.
Entre le 67 et le 91 du même quai se tenait autrefois le Magic City, un parc d'attractions ouvert de 1900 à 1934 par Ernest Cognacq-Jay, le fondateur de la Samaritaine. Donnant à la fois sur le quai d'Orsay et la rue de l'Université, il était principalement destiné aux adultes. Tout y était fait pour le divertissement : spectacles, attractions foraines, restaurant, bal, curiosités, représentations "d'indigènes". Le parc possédait une grande piste de dans avec orchestre.
A partir de 1920 , il y fût organisé chaque année le bal travesti de la Mi-Carême : en effet, le Magic City était le phare des nuits homosexuelles de Paris comme le montre cette photo de Brassaï (1931).
Il fût fermé le 6 février 1934 par décision des autorités, lors du lotissement du quartier et de la création, sur son emplacement, de la rue Cognacq-Jay.
Et justement, empruntant la rue de l'Université, c'est au 13-15 de la rue Cognacq-Jay que nous nous rendons maintenant. Il s'agit du Centre Alfred Lelluch, Directeur des services techniques de la radiodiffusion clandestine et donc résistant, comme le montre cette plaque commémorative.
Remontons le temps jusqu'à la période de l'occupation allemande (1943-1944). A cette époque, Kurt Hinzmann, ancien directeur des programmes de télévision de Berlin, est à la recherche un local pour y installer les futurs studios d'un programme émis par l'émetteur de la tour Eiffel (récemment remis en service après avoir été saboté) destiné à distraire les soldats allemands hospitalisés. Ce sera "Fernsehsender Paris".
La salle de bal du Magic City est suffisamment vaste pour être transformée en studio. Derrière le dancing, il y a un garage abandonné qui peut servir d'atelier ; celui-ci touche un bel immeuble, une pension de famille donnant sur la rue Cognacq-Jay (N°13 à 15) qui peut servir aux services administratifs. Cet ensemble est idéal d'autant que la tour Eiffel est toute proche : le Magic-City est réquisitionné immédiatement.
"Fernsehsender Paris" émettra du 7 mai 1943 au 12 août 1944. Les allemands, qui s'en vont en août 1944, laissent au Français une station de télévision opérationnelle parmi les plus performantes du monde.
Les studios Cognacq-Jay fonctionneront jusqu'en 1963, date de l'ouverture de la Maison de l'ORTF. A cette adresse du 13-15 rue Cognacq-Jay existaient encore il y a quelques années la chaîne LCP et Public Sénat plus quelques autres mais actuellement l'immeuble semble avoir été vendu.
Mine de rien, l'heure tourne et nous pouvons maintenant visiter la Cathédrale de la Sainte-Trinité qui est ouverte au public entre 14h et 19h. Elle est l'œuvre de Jean-Michel Wilmotte et est le centre administratif de l'Exarchat de l'Eglise Orthodoxe Russe en Europe Occidentale, qui regroupe des paroisses orthodoxes de tradition russe en France, en Suisse, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et au Portugal. Autrement dit, c'est un lieu très important pour la communauté européenne orthodoxe.
Avouez qu'elle a sacrément fière allure avec ses cinq coupoles mates faites d'un alliage d'or et de palladium. Cinq coupoles : la plus grosse représente le Christ et les petites les quatre évangélistes.
Ses murs sont, eux, recouverts de pierre de Bourgogne.
Un petit tour à l'intérieur permet d'admirer l'iconostase ou "cloison d'icônes" qui sépare la nef du sanctuaire où se tient le clergé célébrant l'eucharistie. Les fidèles assistent à l'office debout et celui peut durer des heures... (photo internet)
Un peu clinquant, le lustre : tout ça sent le neuf...
La communauté de la cathédrale a la chance de posséder deux œuvres datant du XVIIIème siècle : l'icône du saint ancêtre Adam (le crucifix) et à droite, l'icône de l'archange Gabriel.
Revenons au 182 de la rue de l'Université avec cet immeuble haussmannien particulièrement travaillé où Rodin avait installé un atelier de taille de pierre (le dépôt des marbres était voisin, sis sur l'Ile des Cygnes).
Les immeubles haussmanniens ne dépassent jamais six étages : ils sont caractérisés par une façade en pierre de taille (matériau noble) alignée sur les immeubles voisins et un étage "noble", au deuxième, réservé par exemple au propriétaire, et possédant un balcon sur toute la largeur de l'appartement.
Parfois le cinquième en est aussi pourvu comme ici pour équilibrer l'esthétique de la façade, le dernier étage servant de combles ou d'appartement de service (on aperçoit ici ses fenêtres en forme de lucarnes).
L'immeuble blanc Art Déco voisin (faisant face à la Villa Bosquet) est l'autre côté de la salle de bal du Magic City.
Nous empruntons ensuite le passage Landrieu où l'on peut voir, par contraste, au N°3 un petit immeuble aux volets de bois tout simple.
Tournant à gauche au bout du passage Landrieu dans la rue Saint-Dominique, nous voici arrivés devant l'église Saint-Pierre du Gros Caillou : à l'époque où le quartier se développa, il devint nécessaire de construire une église pour suppléer à Saint-Sulpice. L'église fut érigée en 1776, treize ans avant la Révolution mais l'édifice actuel date de 1822-1830.
En forme de basilique, elle est précédée d'un péristyle dorique à fronton ; l'inscription en latin, sur la façade, évoque le célèbre jeu de mots attribué au Christ "Tu es Pierre et sur cette pierre...". Il fait aussi référence, ici, à la grosse pierre de bornage qui a donné son nom au quartier et qui se trouvait juste à cet endroit.
Voici la grosse cloche donnée à la paroisse par les grognards, alors nombreux dans le quartier. Elle a été descendue pour être remplacée par quatre cloches formant un carillon.
L'intérieur de l'église est très sobre avec un joli plafond à caissons ornés de fleurs.
On y trouve un plaque qui rappelle le passé révolutionnaire de la France : le premier Maire de Paris (éminent scientifique), Jean-Sylvain Bailly, y fût enterré après avoir été guillotiné pour avoir déposé en faveur de Marie-Antoinette.
Des fresques en cours de restauration
A l'arrière de l'autel, une chapelle (de l'architecte Paul Vimond - 1971) aux vitraux modernes a été adjointe à l'église.
Voici maintenant l'Hôtel de Béhague (Ambassade de Roumanie) : il est situé au 5 de la rue de l'Exposition.
Les lourdes portes en bois sont ornées de poignées de bronze très élégantes.
Une Vénus pudique...
La fontaine de Mars se situe au centre d'une placette, au niveau des 129-131 de la rue Saint-Dominique. Elle était alimentée par la Pompe à feu du Gros Caillou. Au pied, une plaque indique le niveau de l'eau atteint par la Seine en 1910.
Sur le côté faisant face à la rue un bas-relief y représente Hygie, la déesse de la Santé, offrant de l'eau au dieu de la Guerre, Mars.
Les quatre faces de la fontaine portent des mascarons qui crachent de l'eau mais un seul est en fonctionnement.
La fontaine a donné son nom au Bistrot "La Fontaine de Mars" donnant sur la placette dans lequel différents personnages célèbres vinrent déjeuner tels Barack et Michelle Obama en 2009 lors d'une visite privée.
Anne-Marie nous montre ensuite une horloge (située à l'entrée de la rue de l'Exposition) qui indiquait l'heure aux ouvriers travaillant dans ce quartier industrieux et qui n'avaient pas tous les moyens de se procurer l'heure...
Il eut été dommage de ne pas pouvoir jeter un coup d'œil, au niveau du 133 de la rue Saint-Dominique, à ce superbe square Sédillot... mais heureusement le gardien nous a laissé entrer. Il s'agit d'un square de style Art Déco qui date de 1935. Une fois franchie la grille, on pénètre sous un passage vouté orné d'élégants lustres modernes.
On se retrouve dans une grande cour pavée de brique, agrémentée de buissons, avec une grande vasque centrale. Prix du m² : entre 11.000 et 17.000 euros...
L'occasion d'une photo du groupe
Et maintenant, avec le (petit) groupe du vendredi 15
Au N°12 de la rue Sédillot, le lycée italien Leonardo da Vinci qui est, lui, Art Nouveau (construit en 1899 par Jules Lavirotte) avec ses décorations florales.
Au N°8 de la même rue, un immeuble haussmannien tardif attire le regard.
Daté de 1898, il est décoré d'un lion à la crinière généreuse et d'une abondance de fleurs qui sont l'oeuvre de Louis Déjardin.
Et celui-ci, Art Nouveau, situé au 29 de l'avenue Rapp, qu'en pensez-vous ? Il est signé, deux ans après, du même architecte Jules Lavirotte et était habité par Alexandre Bigot, son propriétaire, qui en avait fait la vitrine de son métier : céramiste. Aucune symétrie sur la façade. Tout est basé sur le déséquilibre... (photo internet prise en hiver)
La signature de l'architecte
Anne-Marie nous fait remarquer ce dessus de balcon recouvert de céramiques.
Pas mal non plus les têtes de vaches
La porte cochère est joliment mise en valeur par les sculptures de Jean-Baptiste Larrivé.
A gauche, Adam, et à droite, Eve
Anne-Marie nous explique que la poignée de porte en forme de lézard est un symbole érotique (en argot parisien du début du XXème siècle, un lézard désignait paraît-il un phallus). On trouve aussi sur le net comme symbolique du lézard la renaissance et le renouvellement (sa queue repousse toujours). Ne serait-ce pas plutôt dans ce sens puisqu'il s'agit ici d'Art-Nouveau ? C'est une interprétation toute personnelle... (Photo blog archiphotos)
Petite trouée sur la tour Eiffel en face du square Rapp
C'est dans ce square que s'est installée la Société théosophique de France dont la devise est : "Il n'y a pas de religion supérieure à la vérité." Elle a influencé Ghandi. Il paraît que ses fidèles attendent le retour du Christ...
Le bâtiment a été construit entre 1912 et 1915 par l'architecte Louis Lefranc. De mouvance éclectique, l'immeuble emprunte au style troubadour ses arcs en accolade et sa tourelle, à l'Art Nouveau ses motifs floraux et ses baies vitrés, à l'Art Déco ses formes géométriques.
A gauche du square, un immeuble assez extraordinaire aussi, toujours de Jules Lavirotte (1903) tandis que le mur aveugle qui sépare les deux bâtiments a été harmonieusement décoré d'un trompe-l'œil. Il paraît que l'architecte y habita quelques années.
Au croisement de la rue de Grenelle et de la rue Cler, un marché très prisé...
Cette crèche située au 182 rue de Grenelle n'a rien d'extraordinaire sinon qu'elle a une histoire : c'était autrefois la crèche collective de la Croix-Rouge dans laquelle les ouvrières de la Manufacture de Tabac du quai d'Orsay déposaient leurs enfants avant d'aller travailler.
Anne-Marie nous a lu un passage d'un livre qui dénonce le mauvais état de santé des enfants des manufacturières à cette époque là (Intervention du Dr Goyard lors du Congrès international d'hygiène tenu à Paris en 1878) :
"L'enfant nicotinisé dès le sein de sa mère, et qui arrive pourtant à terme dans des conditions de viabilité, ne fait jamais du moins une brillante entrée dans le monde. D'après le témoignage des sages-femmes qui accouchent les ouvrières de la manufacture du Tabac, ces enfants naissent faibles et misérables et restent tels encore pendant des mois, parfois des années, surtout s'ils sont allaités par leur propre mère. J'ai observé moi-même l'aspect malingre de ceux qui ont subi l'influence funeste du tabac. A première vue, ils se distinguent de leurs petits compagnons par un teint pâle et blême, des formes exigües, un ensemble qui fait naître la pitié et la tristesse."
Celles-ci étaient en effet souvent atteintes d'emphysème ou de cancer du poumon et les enfants trinquaient !
La balade se termine devant ce petit jardin de l'église protestante Saint-Jean (on peut y voir un édifice à colombages qui évoque un peu un cottage anglais) située juste en face le passage Jean Nicot qui est encore pavé. Encore une référence à la Manufacture : l'ambassadeur à Lisbonne et érudit du XVIème siècle, censé avoir introduit le tabac en France (il a au moins envoyé du tabac en poudre à Catherine de Médicis pour soulager ses maux de tête). On a même un moment appelé le tabac "herbe à Nicot". Le nom scientifique de la plante est Nicotiana tabacum et le mot "nicotine" immortalise le nom de l'ambassadeur.
Pour les courageux, Anne-Marie nous a aussi indiqué l'existence de l'ex musée-galerie de la SEITA ouvert en 1979 au N°12 de la rue Surcouf. Il retraçait l'histoire du tabac et de ses usages depuis le XVIème siècle mais a malheureusement été démantelé et fermé définitivement en 2000. Les quelques 512 objets qui restent sont maintenant exposés au musée de Bergerac.
Un grand merci à Anne-Marie pour le guidage et les explications.
Comme toujours, une promenade très intéressante
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Par Vandrezanne44 le 18 Juin 2021 à 23:00
Anne-Marie, qui anime l'atelier "Petites promenades dans Paris", nous a proposé pour terminer en beauté cette année un peu compliquée une visite guidée du château de Vincennes par l'association "Paris - Art et Histoire".
C'est à la tour du Village que Monsieur Obel, notre guide pour cette visite, nous accueille : elle constitue l'entrée actuelle du château. Avec ses 42 mètres de haut, son architecture et son décor sculpté d'une qualité exceptionnelle, c'est la plus importante du mur d'enceinte de Charles V et la seule à subsister aujourd'hui dans son élévation d'origine, les huit autres tours ayant été arasées au cours des siècles.
Ou la la... C'est haut !
On voit ici le mur d'enceinte percé, dans un premier temps de meurtrières (pour les mousquets), puis de plus grandes ouvertures (pour les canons). Le fossé, profond de 4 mètres de plus que l'actuel engazonné, était rempli d'eau formant des douves infranchissables.
Nous entrons dans l'enceinte du château par le porche pourvu d'un pont-levis dont on voit ici les flèches et les chaînes. La façade est élégamment décorée de petites niches devant abriter autrefois, je suppose, des statuettes aujourd'hui disparues.
A l'entrée, un plan du château pour se repérer : la tour du Village en bas, le Donjon et le Pavillon du roi à droite, la Sainte-Chapelle et le Pavillon de la reine à gauche, là est le principal.
En jetant un coup d'œil circulaire à la cour intérieure, on aperçoit d'abord, à l'arrière, les casemates : n' oublions pas que le château a servi de caserne pendant un temps.
Puis, l'œil s'arrête sur le Pavillon des armes, le Pavillon du Génie et la Sainte-Chapelle.
On voit au premier plan une fontaine : elle fut construite au XIIIème siècle et demeure le seul vestige visible de l'ancien manoir capétien. Cette dernière fut la résidence préférée de Saint-Louis pour accueillir les événements importants de la famille royale.
La chapelle du château est une Sainte-Chapelle car elle a abrité les reliques de la Passion (un morceau de la "vraie croix" et une "épine de la couronne du Christ").
Nous en approchant, nous écoutons notre guide nous parler de sa construction qui commença en 1379 dans le style gothique flamboyant selon le modèle de la Sainte-Chapelle de Paris : une nef unique et de puissants contreforts à l’extérieur permettent à l’édifice de supporter la hauteur des baies vitrées (plusieurs mètres !). Dans un premier temps, c'est le chœur qui est achevé : on peut ainsi remarquer que l'armature des vitraux de la nef est beaucoup plus ouvragée, formant en quelque sorte une dentelle, que celle du chœur qui est beaucoup plus simple.
Est-ce que je me fais bien comprendre...?
La façade est très élégante.
Finesse des détails...
Des séraphins encadrent une représentation de la Trinité.
Sur les côtés du porche, de très élégantes sculptures végétales et animales : avez-vous vu le petit escargot... ? Le sculpteur s'est amusé !
En passant le porche, on retrouve un peu la même impression d'immensité que dans la Sainte-Chapelle de Paris : les baies vitrées en sont responsables.
Monsieur Obel nous entraîne tout de suite dans le chœur où se trouvent, depuis que l'édifice a été récemment restauré, deux maquettes du château.
Celle-ci représente le château au XVIème siècle.
A l'intérieur de l'enceinte de Charles V se trouvaient :1 - Le manoir des Capétiens (résidence de Saint-Louis, aujourd'hui disparu)
2 - Le manoir de Louis XI, englobé par Le Vau au XVIIème siècle dans le Pavillon du roi
3 - La Sainte-Chapelle en construction, sous François Ier
4 - Le Donjon de Charles VLa deuxième maquette représente le château au XVIIème siècle après les travaux de Le Vau. On y voit surtout à gauche l'adjonction du Pavillon du roi et du Pavillon de la reine. C'est à peu près l'état dans lequel il se trouve de nos jours.
Notre guide nous montre ici les sculptures de la porte de l'oratoire du roi.
On y voit deux anges porter un blason (celui du roi) décoré d'un côté des fleurs de lys de la couronne et de l'autre d'une sorte de damier dont j'ai oublié totalement la signification...
En 1369, le campanile qui surmonte la terrasse du châtelet accueille la première horloge publique française. Cette innovation coûteuse annonce les horloges municipales qui apparaîtront dans les grandes villes européennes à partir de la fin du XIVème siècle. Le campanile actuel, restitué en 2000, abrite une copie de la cloche dont l'originale est conservée ici, dans la Sainte-Chapelle. C'est la seule cloche subsistant de toutes les horloges installées par Charles V dans ses résidences parisiennes. L'horloge, située au-dessus du cabinet de travail du roi, dans le châtelet et au même niveau que sa chambre du deuxième étage du donjon, rythmait sa vie selon les heures canoniales, marquant les offices quotidiens consacrés à la prière. La cloche porte une inscription indiquant que sa fonte fut ordonnée par Charles V :
CHARLES PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE, FILS DU ROY JEHAN, ME FIST FAIRE L'AN DE GRACE MILCCLVXIX. JEHAN JOUVENTE M'A FASONNEE POUR ORLOGE. SUIS ORDENNEEE NTENTE LE HEURES.
Les vitraux du chœur
Les anges exterminateurs, les sauterelles, l'obscurcissement des astres, l'incendie des arbres et des plantes, la mer changée en sang, les trompettes annonçant la fin du monde… : l'Apocalypse selon Saint-Jean se retrouve dans toute sa splendeur sur les sept baies composants le vitrail de la baie d'axe.
Ces vitraux ont été créés en 1559 par Nicolas Beaurain.
Plusieurs baies ont malheureusement disparu à la suite de la tempête de 1999, et ont bénéficié heureusement d’une rénovation.
Vue sur la rose de la façade
Malheureusement, cette photo n'est pas de moi (Wikimedia) !
Notre guide nous montre ensuite les petits oratoires par lesquels le roi et la reine pouvaient assister à la messe sans être vus. On aperçoit à l'intérieur de celui-ci (celui du roi) des statues en pierre qui n'étaient pas là à l'époque de Charles V : je vous dirai plus bas pourquoi.
Comment s'appelle cette fente dans la pierre vous mettant à l'abri des regards indiscrets ? Si quelqu'un en connaît plus que moi en architecture, je lui serais reconnaissante de me le dire car cela m'échappe totalement...
Une corniche au décor de feuillage fait le tour de la chapelle : elle est ornée de douze consoles représentant la lutte du Bien et du Mal. Des moines, des évêques et des rois combattent des figures démoniaques. La fluidité des gestes et des drapés est saisissante.
Je vous avais dit que je vous en dirais plus à propos des statues de l'oratoire...
Louis-Antoine de Bourbon-Condé, duc d'Enghien, est accusé à tort d'être à la tête d'un complot royaliste. Un procès expéditif est préparé. Le 20 mars 1804, peu avant minuit, le duc fait face à un premier interrogatoire au château de Vincennes ; à une heure du matin le 21 mars, il est traduit devant un conseil de guerre. Ce conseil a pour ordres de juger rapidement de la cause, et la condamnation à mort est déjà prévue dans l'arrêté pris par Bonaparte. Tout en se déclarant l'ennemi du gouvernement, il rejette les accusations de participation au complot royaliste en cours ; par contre, il précise qu'il attendait à Bade les instructions du gouvernement britannique qui devait sous peu faire appel à ses services dans cette région. En présence de Savary, envoyé par le Premier Consul, le conseil délibère rapidement : à deux heures du matin, le duc est condamné à mort à l'unanimité ; il est fusillé peu après, dans les fossés du château. Son corps est jeté dans une tombe creusée à l'avance au pied du Pavillon de la reine.
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Dans l'Oratoire du roi, se trouve maintenant un monument à la mémoire du duc d'Enghien : il a été sculpté par Louis Pierre Deseine (en 1825) sur ordre de Louis XVIII qui a tenu à réhabiliter la mémoire du duc après avoir fait exhumer son corps qui repose désormais ici et élever une colonne pour marquer l'emplacement de l'assassinat dans le fossé côté bois.
On peut voir au fond le duc d'Enghien secouru par la Religion qui le guide vers son destin (remarquez que cette dernière a des allures de statue de la Liberté : qui sait, Bartholdi s'en est peut-être inspiré ?). Les deux autres figures allégoriques représentent la France, éplorée, enchaînée, et le Crime, entouré de ses serpents et muni d’un poignard.
Nous montons ensuite les 68 marches conduisant à la tribune côté façade pour admirer l'église vue d'en haut.
Ceci permet de se rendre compte que les vitraux latéraux ne sont pas colorés. J'ai oublié si c'est d'origine ou dû aux dégradations du temps...
Une jolie exposition mêlant art contemporain et antiquités s'y tient en ce moment.
Les voici les 68 marches !
Vase avec la figure d'un paysan labourant
(Bela Palinkas - 1920 - Musée de Budapest)Michèle Papadopoulos - Service Haviland "Gourmet Pop"
Plateau faisant partie d'un ensemble - Service à café avec des scènes de Balatonfüred et Tifahy
Le tea time - Florence Lemiègre (2016)
Centre de table : meuble d'écriture en forme de tiroirs pliants - Budapest (1781)
Et maintenant, où allons-nous ?
Un petit plan pour se repérer...
Nous allons maintenant nous diriger vers le Pavillon du roi et celui de la reine, en passant sous une sorte d'arc de triomphe (vous le voyez juste à côté de l'entrée de la Sainte-Chapelle).
De là, on a une vue sublime sur l'église et le soleil s'étant levé ne gâche rien au plaisir.
Depuis cet endroit, on jouit d'une belle vue sur le Pavillon du roi qui vient de finir d'être restauré. Les allemands y avaient mis le feu à la fin de la guerre, ce qui a détruit définitivement ses intérieurs peints... Il sert maintenant d'espace d'exposition lui aussi.
Pour le Pavillon de la reine, il faudra attendre les crédits...
Plus jolie de ce côté là que de l'autre, je trouve : l'élégant portique la met en valeur.
Ah... Enfin le Donjon !
C'est souvent à lui qu'on pense quand on parle du château.
Avant de le rejoindre, notre guide nous conduit jusqu'aux douves pour nous montrer l'endroit où fut exécuté le duc d'Enghien : une colonne en marque l'emplacement.
Vue sur le Pavillon du roi et le Donjon : remarquez les jolis pots-à-feu sur la toiture.
L'entrée donnant accès au Donjon est défendue par un Châtelet auquel on accède par un pont-levis.
Vue sur le Pavillon du roi depuis les douves du donjon
La passerelle en bois que vous apercevez sur cette photo était le seul moyen d'accès au donjon au Moyen-Age : elle relie le Châtelet (qui défend l'entrée au donjon) au Donjon lui-même.
Impressionnant, non ?
A l'entrée du Donjon, une coupe de ce dernier montre les différentes affectations des étages.
Au sein du donjon, le roi se déplaçait entre les deux premiers étages par un escalier en vis (2), de plan octogonal, aménagé dans une des tourelles d'angle. Cet escalier lui permettait ainsi une circulation confortable entre la grande salle du conseil (3) au premier étage et ses appartements privés au deuxième étage (4). Un escalier secondaire placé dans l'épaisseur du mur sud, dessert tous les niveaux, du rez-de-chaussée à la terrasse.
On voit bien ici, en gris, le châtelet et le chemin de ronde cernant le donjon.
C'est cet autre petit escalier, largement ouvert sur l'extérieur (il est éclairé par cinq baies superposées) que nous empruntons pour accéder à la passerelle de bois donnant accès au premier étage du Donjon : il est situé dans le Châtelet.
Mais avant d'accéder au Donjon, le circuit - fléché pour les visiteurs - nous fait faire le tour du chemin de ronde (un carré de cinquante mètres de côté construit en 1370) que le roi empruntait pour se promener : à l'époque, il n'était pas couvert, en témoignent les trous percés dans le sol servant à la récupération des eaux de pluie dirigées vers des citernes dans la cour du donjon. Le chemin de ronde a été couvert d'une toiture en ardoise au début du XVIIème siècle.
Par les fenêtres, on a une super vue sur la Sainte-Chapelle.
Nous faisons ainsi tout le tour du chemin de ronde.
Ceci est une reconstitution datant de 1930 (aquarelle de Louis Bertin Moreau) de son décor peint au début du XVIIème siècle.
De place en place des plans tels que celui-ci qui date de 1688.
On tourne, on tourne...
Une vue peu commune de l'enceinte du château
Une fois fini le tour, on accède au Donjon en empruntant la passerelle de bois.
La première pièce que nous visitons est le Cabinet de travail de Charles V. Le roi venait séjourner à Vincennes deux à trois mois par an et c'est depuis cette pièce qu'il dirigeait son royaume. C'est un espace très petit qui ne permet pas le recul pour la photo.
Voici donc son plafond
Un document mis à disposition des visiteurs permet de se rendre compte qu'au Moyen-Age il était lambrissé (cela permettait une isolation contre le froid et la chaleur) et qu'il était peint.
Ces deux autres documents reconstituent le cabinet de travail du roi : on y voit qu'il possédait tout le confort dû à un grand monarque. La reconstitution a été permise grâce à l'inventaire des objets conservés dans cette pièce (1380), à d'autres sources écrites concernant des édifices analogues, à l'examen du Donjon et aux résultats des fouilles archéologiques conduites ailleurs dans le château.
Charles V dans son Cabinet de travail
A chaque étage du château se trouvait une chapelle et un oratoire attenant depuis lequel le roi et la reine assistaient aux offices (quand ils ne se passaient pas dans la Sainte-Chapelle), pièce si petite qu'une fois de plus la photo n'est possible qu'au plafond : celui-ci était également lambrissé.
Sur les murs, des restes de peinture : ils sont le fait des prisonniers qui, dès le XVIème siècle séjournèrent dans le Donjon, en particulier dans ces petites tourelles d'angle.
Doués, les prisonniers !
Sous l'Ancien Régime, les grandes fenêtres des trois premiers étages ont été murées pour adapter le Donjon à son usage carcéral, ne laissant filtrer la lumière du jour que par une fente. Les traces de cette transformation sont ici visibles.
Nous voici maintenant arrivés dans la salle du Conseil (photo internet) : il aurait été intéressant de s'asseoir sur les bancs pour suivre l'animation vidéo proposée par le château mais..., la visite de Monsieur Obel dure déjà depuis deux bonnes heures et nous n'avons pas fini !
Elle est cette fois si grande que j'en ai photographié seulement le plafond autrefois lambrissé (en témoignent les crochets qui restent fixés dans la pierre).
Notre guide nous montre les sculptures des angles représentant les quatre évangélistes.
Voici le lion de Saint Marc
Le bœuf ailé de Saint Luc
L'aigle de Saint Jean
et enfin l'ange de Saint Matthieu
La pièce est éclairée par de grandes fenêtres à meneaux et possède des "coussièges" permettant de profiter de la lumière du jour.
Elle était chauffée grâce à l'existence d'une grande cheminée. Remarquez le joli carrelage...
Et maintenant, direction la chambre du roi : Monsieur Obel que l'on voit ici nous montre sur le mur les traces de la transformation de cette ancienne pièce en escalier.
Le deuxième étage est celui des appartements privés du roi. On y trouve la chambre du roi, la chapelle royale, la garde robe, la salle du trésor, l'étude et les latrines. Les étages supérieurs accueillaient les chambellans, ses proches et serviteurs ainsi que des réserves domestiques et militaires, comme l'approvisionnement des machines de guerre disposées sur la terrasse.
Concernant la chambre du roi, il faut s'imaginer quelque chose dans ce style, donc : beaucoup de couleurs et un château meublé. Le coffre, dans l'embrasure de la fenêtre, à gauche de la cheminée, renfermait des manuscrits religieux, dont deux psautiers ayant appartenu à Saint-Louis.
En 1461, les ambassadeurs florentins découvrent avec admiration le raffinement de son décor.
La voici de nos jours (photo Montjoye.net) avec son pilier central et sa cheminée à hotte.
Décoration d'angle de la cheminée
On retrouve au niveau du plafond les restes de peinture et les crochets ayant servi à fixer les lattes de bois servant à l'isolation. Figurez-vous que notre guide nous a dit que ces chênes, alors âgés de 250 ans quand ils ont été abattus entre 1367 et 1371, provenaient de Lituanie...
On y trouve de jolis culs-de-lampe à la base des arcatures de colonnes.
Est-ce un apôtre qui tient ce phylactère... ?
Nous passons ensuite dans la petite salle attenante, la garde robe du roi qui renfermait des coffres dans lesquels le roi conservait son linge de corps, de table et de literie. Ses serviteurs – en particulier son chambellan –, issus de la haute noblesse, dormaient ici.
On voit très bien ici les petites lattes de bois qui recouvrent la toiture et les crochets sur les murs destinés à en recevoir d'autres.
Ici se trouvent des sculptures originales d’anges musiciens qui, au XIVème siècle, décoraient les culots à la base de l’encadrement des fenêtres de la façade du donjon (des copies les remplacent).
Les anges jouent des instruments de musique du Moyen-Âge (que l'on peut écouter en appuyant sur un bouton) : La cornemuse,
la vielle à roue,
et l'orgue portatif.
La salle du trésor était strictement réservée au roi : en son absence, la porte est fermée et cachetée à la cire. Il est le seul à en posséder la clé. A partir de 1367, la salle conserve l'or du royaume ainsi qu'une partie de la collection de manuscrits et d'objets d'art du roi. Charles V souhaite disposer en permanence, dans ses principales résidences, d'une importante quantité d'argent et il fait de Vincennes le lieu de dépôt du trésor du royaume. Les "coffres" pouvaient contenir jusqu'à 20% du budget annuel des dépenses royales.
Voici le plafond de la salle du trésor : idem pour les lambris évidemment
et la cheminée qui la chauffait.
Nous terminons la visite de ce deuxième étage par celle de l'étude du roi Charles V. Le roi avait souhaité disposer d'un lieu confortable pour lire, travailler et conserver ses documents et objets précieux. Ce petit espace, facile à chauffer, est bien éclairé par une large fenêtre permettant de contempler Paris. Il était entièrement lambrissé, meublé d'étagères remplies de livres précieux, d'objets, de reliquaires, de bijoux.
Le roi travaillait au centre d'un décor sculpté, signe de sa religiosité : les quatre évangélistes représentés aux consoles,
et une Trinité à la clef de voûte.
Le Père et le Fils, pas de problème pour les voir mais le Saint-Esprit... plus difficile : remarquez la colombe en haut de la croix.
Pour redescendre, nous empruntons un escalier à vis assez raide, celui des serviteurs dit-on (bonjour l'étroitesse pour passer les plats !).
L'escalier débouche sur le rez-de-chaussée du donjon.
On peut voir un puits : celui-ci était ainsi à l'abri des empoisonnements qui auraient obligé le roi et sa cour à évacuer le château.
Au rez-de-chaussée, se trouve une petite exposition concernant tous les prisonniers célèbres du Donjon de Vincennes.
C'est ainsi qu'on apprend que le futur Henri IV y fut emprisonné accompagné de son frère le duc d'Alençon pendant les guerres de religion jusqu'à la mort de Charles IX en 1574.
Il y eut aussi l'abbé de Saint-Cyran, défenseur de Jansenius, condamné par Richelieu sous prétexte d'hérésie.
Le grand Condé y séjourna pendant la Fronde en 1650 ainsi qu'un autre grand frondeur, le cardinal de Retz.
Louis XIV fut d'une rare sévérité avec Nicolas Fouquet, son surintendant des finances qui fut arrêté en 1661 pour malversations : vous savez, l'histoire de Vaux-le-Vicomte, ce château lui appartenant, plus beau que celui du roi !
Au siècle d'après, Denis Diderot est enfermé en 1749 par lettre de cachet pour sa "Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient" jugée contraire à la religion et ses "Bijoux indiscrets" contraires aux bonnes mœurs.
Auguste Blanqui n'y coupa pas lui non plus, ayant initié les émeutes de 1848 (il passera 36 ans dans diverses prisons...).
François-Vincent Raspail est lui aussi arrêté et conduit à Vincennes en 1848.
Enfin, parmi les prisonniers de marque, on trouve le marquis de Sade, condamné pour ses écrits anticléricaux. Sade a trente-huit ans. Il restera onze ans enfermé, d'abord au donjon de Vincennes puis à la Bastille où il est transféré le 29 février 1784, le fort de Vincennes devant être désaffecté en tant que prison d'État. À Vincennes, il est « enfermé dans une tour sous dix-neuf portes de fer, recevant le jour par deux petites fenêtres garnies d’une vingtaine de barreaux chacune ». Il devient pour ses geôliers Monsieur le 6, d'après son numéro de cellule (que l'on visite encore aujourd'hui) selon l’usage dans les forteresses royales.
Là se termine cette très intéressante visite guidée du Château de Vincennes : pas moins de 2h30 d'écoute attentive qui m'a permis (avec l'aide trouvée sur le net, il est vrai) de la restituer, je l'espère, sans trop d'erreurs...
Merci à Anne-Marie de nous l'avoir réservée et à Monsieur Obel pour sa prestation toujours aussi professionnelle.
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