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Par Tolbiac204 le 13 Mars 2020 à 23:00
Ce vendredi 13 mars, je ne me doutais pas que je faisais, grâce à Générations 13, ma dernière sortie dans Paris avant longtemps : personne n'avait vraiment pris conscience ce jour-là que notre vie allait radicalement changer et ceci pour des semaines durant...
Anne-Marie, qui nous avait donné rendez-vous à 14h30 au métro Cardinal Lemoine (au carrefour entre la rue du même nom et la rue Monge), commence par un petit cours d'histoire.
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Au XIIe siècle, les premières écoles se créent dans l’Ile de la Cité autour de Notre Dame, sous le contrôle de l'évêque. L’augmentation du nombre d’étudiants, la volonté d’échapper à la censure de l’église ainsi qu’aux querelles théologiques et pédagogiques font émigrer clercs et étudiants sur la rive gauche alors peu peuplée.
Au début l’enseignement se fait en plein air autour de la place Maubert, rue Galande, rue du Fouarre derrière le square Viviani, et les étudiants sont logés chez l’habitant.
Mais bientôt, pour loger ces étudiants souvent pauvres et quelque fois venus de l’étranger, de grands personnages vont fonder des pensions dénommées "Collegium" en latin : ces collèges n'étaient pas des lieux d'enseignement mais tenaient lieu de dortoirs et de réfectoires.
En un siècle, de 1250 à 1350, un grand nombre de collèges vont ainsi se créer à proximité et en relation souvent avec des grands ordres monastiques qui s’installent dans le quartier : Dominicains (Jacobins), Franciscains (Cordeliers), Carmélites et Bernardins (Cisterciens). Fondations religieuses ou caritatives destinées au logement des étudiants pauvres, ils deviendront peu à peu des lieux d’enseignement disposant d’une assez large autonomie.
Au Moyen-Age, Paris comptait une quarantaine de collèges, alors que les universités d’Oxford et de Cambridge n’en totalisaient qu’une vingtaine.
Les noms des collèges proviennent des noms de leurs fondateurs (tel le Collège de Navarre qui a été fondé par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel en 1305) ou de la région dont viennent les étudiants (Collège des Danois, des Ecossais, des Irlandais).
Plusieurs matières y étaient enseignées : la théologie, le droit et la médecine.
Les maîtres
Ce sont toujours des religieux et ils se font rémunérer par leur élèves. Franciscains et Dominicains fournissent quelques maîtres : Maître Albert (Saint Albert le Grand), Thomas d’Aquin, Pierre Abélard.
Abélard, vous le connaissez sûrement à cause de sa liaison tragique avec son élève, Héloïse...
Nous sommes sous le règne du roi Louis VI. Pierre Abélard, issu de la noblesse, est un brillant intellectuel. Destiné au métier des armes, il embrasse pourtant la philosophie et la théologie qu'il enseigne brillamment à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le chanoine Fulbert lui confie l'éducation de sa nièce, Héloïse, âgée de 17 ans. L'écolâtre, réputé aussi pour son caractère peu commode, en a 36. Il est rapidement subjugué par sa nouvelle élève, qui a été instruite à l'abbaye d'Argenteuil, un établissement réservé aux femmes... Héloïse et Abélard vont vivre une passion charnelle à l'opposé de l'éducation qu'ils ont reçue.
Résultat : Héloïse tombe enceinte ; les deux amants se réfugient en Bretagne où naît leur fils, Astrolabe. La jeune femme l'abandonne à ses beaux-parents avant de rejoindre le monastère de son enfance. Les deux amants se marient toutefois secrètement.
Apprenant cette trahison envers l'église, le chanoine Fulbert est fou de rage : Abélard doit payer au prix fort : il est émasculé par deux hommes de main engagés par le courroucé ecclésiastique.
Les deux amants sont maintenant réunis dans une même tombe depuis 1817, au cimetière du Père-Lachaise.
Pierre Vaneck et Ludmila Mikaël incarnent les deux amoureux au cinéma dans un film de Jacques Tréboula sorti en 1973 : deux immenses acteurs aujourd'hui disparus.
Les étudiants : les clercs
Ce sont tous des hommes et ils sont tous membres du clergé et pauvres.
Les statuts limitent au maximum le vagabondage des clercs, les portes des collèges restent fermées la nuit avec défense absolue d’en sortir sans autorisation. Pourtant, les clercs mènent souvent joyeuse vie : en témoigne le mot "bordel" qui vient du fait que les femmes de "petite vertu" étaient reléguées au "bord" des villes (sous Saint-Louis).
C'est également là que se tenaient les duels (d'où l'expression "pré aux clercs").
Le pré aux clercs, au bord de la Seine, sur un plan de 1550
En 1200, Philippe Auguste réorganise un peu ce foutoir (dixit Anne-Marie !).
Les écoles reconnues par le roi sont appelées Universitas parisienisis magistrorum et scholarum. Il s'agit là de l'ensemble parisien des maîtres et des écoles : le mot Université est né. Philippe Auguste donne des statuts et des privilèges à l’université de Paris. Ces statuts seront confirmés par la suite par différents papes, ce qui confère à cette université une autorité toute particulière notamment en théologie. Un recteur, élu pour une durée limitée, représente l’institution universitaire. Dans les grands collèges plusieurs matières sont enseignées : Arts (correspondant à notre enseignement secondaire : mathématiques, latin…) théologie, droit, médecine…
La Sorbonne, créée en 1257, l’illustre parfaitement, puisque ce simple collège devint, au XVIème siècle, le symbole même de la faculté de théologie, puis de l’université tout entière, à partir du XIXe siècle.
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Après cette introduction historique, nous commençons notre promenade en remontant la rue du cardinal Lemoine, arrivant ainsi au Collège des Ecossais, construit entre 1662 et 1665. En 1685, le comblement des fossés entre les portes Saint-Victor et Saint-Jacques a entraîné un abaissement allant jusqu'à 5 mètres à certains endroits. Le collège des Écossais a dû être repris en sous-œuvre. Un rez-de-chaussée lui a été ajouté lui donnant l'aspect bizarre qu'on peut voir aujourd'hui. Il a fonctionné du 12ème au 16ème siècle avec des boursiers venus de toute l’Europe.
Dans sa chapelle (que nous ne verrons pas) se trouve le cénotaphe de Jacques II d’Angleterre mort à Saint Germain en Laye en 1701.
Nous arrivons ensuite à la rue Clovis où se trouve un morceau de l’enceinte de Philippe Auguste construite avant le départ pour la troisième croisade en 1190.
Anne-Marie nous fait entrer dans la cour de l'immeuble qui l'abrite pour nous en expliquer la construction qui s'acheva en 1210 : Cette muraille, surmontée d'un chemin de ronde, faisait 5 kilomètres de circonférence et définissait une capitale de 250 hectares renfermant le Palais, le trésor et les archives.
En face, se trouve le collège de Navarre, fondé en 1304 sous l'impulsion de Jeanne Ière de Navarre, épouse de Philippe le Bel. L'entrée en était ouverte, sans condition de naissance, de famille ou d'âge, à tout français pauvre qui se destinait à l'étude de la grammaire, de la logique ou de la théologie (à l’exclusion de la médecine et du droit).
L’établissement est dirigé, dès les origines, par un grand maître supervisant les études des pensionnaires. En janvier 1475, une bourse fut attribuée à l'un des enfants de chœur de la cathédrale de Paris.
L’Ecole Polytechnique qui s'était installée dans ses locaux en 1804 a été délocalisée à Palaiseau en 1976, laissant la place au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Détail des attributs représentant les sciences et techniques
Au numéro 34 de la rue de la Montagne Sainte-Geneviève se trouve le Collège des trente-trois fondé en 1633 par le père Claude Bernard, disciple de Saint Vincent de Paul, pour 5 écoliers indigents (les 5 plaies du Christ) ayant fait la promesse de devenir ecclésiastiques. Ce nombre passa à 12 en l’honneur des 12 apôtres puis à 33 (nombre d'années de vie de Jésus) en 1638. Le collège, installé au cours des premières années dans plusieurs collèges de la montagne Sainte-Geneviève, s’établit en 1654 dans un hôtel qui appartenait jusqu’en 1540 à la famille d’Albiac, de la rue des Carmes, s’étendant de l’impasse des Bœufs au 34, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève.
Anne d'Autriche, régente du royaume, fit donner à la communauté 33 livres de pain, libéralité ensuite commuée en une pension de 900 livres. En 1657, le collège devient un séminaire ecclésiastique en restant dans les bâtiments anciens de l’hôtel d’Albiac. Le séminaire, devenu payant en 1738, est fermé en 1791 et vendu comme bien national.
L’immeuble a été restauré en 1973.
Nous rejoignons la rue Laplace non sans passer près de l'église Saint-Etienne du Mont.
Au numéro 12 de la rue Laplace, se trouve l'emplacement de l'ancien collège des Grassins. Il a été fondé en 1569 par Pierre Grassin, conseiller au parlement de Paris, originaire de Sens. Il eut comme célèbre professeur irlandais, Michael Moore, qui y enseignait la philosophie et qui devint recteur de l'Université de Paris en 1701.
Ses bâtiments furent démantelés en 1844 pour permettre l'ouverture de la rue de l'Ecole polytechnique : seule reste l'ancienne porte du collège.
La porte de l'immeuble voisin, restée ouverte, nous permet de jeter un coup d’œil sur une jolie montée d'escalier.
Au 21 de la rue Valette, se trouvait le Collège Fortet (fondé en 1394 par Pierre Fortet, chanoine et chancelier de Notre Dame de Paris) qui pouvait accueillir 8 étudiants pauvres originaires pour moitié d'Aurillac et pour moitié de Paris. Il en subsiste une tour, nommée tour Calvin en l'honneur de Jean Calvin, théologien français qui, encore étudiant et menacé d'être arrêté avec un ami suspecté d'avoir tenu des propos suspects, s'enfuit par là.
Dans la cour, c'est le printemps à cette fenêtre...
et les cerisiers sont en fleurs.
C'est au Collège Fortet qu'en 1585 se réunit la Sainte Ligue qui livra la capitale aux partisans du duc de Guise, farouche partisan du catholicisme : le roi Henri III est en effet jugé trop mou avec les protestants (on lui reproche de vouloir mettre sur le trône Henri de Navarre, le futur Henri IV qui est protestant...).
Le 12 mai 1588 eut lieu à Paris la journée des barricades : il s'agit d'un soulèvement populaire mené sous l'impulsion du duc de Guise que l'on voit ici en train de commander l'insurrection.
Henri de Guise fait par la suite signer à Henri III un édit qui oblige le roi à ne jamais conclure aucun pacte ou trêve avec les hérétiques mais en décembre 1588, il est assassiné d'une trentaine de coups d'épée au Château de Blois par les hommes d’Henri III.
Henri III ne perdra rien pour attendre : il sera lui même assassiné un an plus tard par un moine fanatique, Jacques Clément, désirant venger le duc de Guise...
On assassinait beaucoup en ce temps-là, vous ne trouvez pas... ?
France 2 vient de passer (hier 7 avril) le magnifique film de Bertrand Tavernier intitulé "La princesse de Montpensier" (avec Lambert Wilson et Mélanie Laurent) dans lequel évoluent tous ces personnages sur fond de guerre civile. Je l'ai regardé avec d'autant plus de plaisir que nous avions fait cette promenade avec Anne-Marie...
Nous restons rue Valette, avec au numéro 2-4 le Collège sainte Barbe ouvert en 1640 : y ont étudié Ignace de Loyola et François Xavier, futurs fondateurs de l’ordre des jésuites.
Après la révolution, il devient un collège des Sciences et des Arts. Michelet (sa statue se trouve dans la cour mais nous ne pourrons y entrer) y enseigna l’histoire de 1822 à 1826.
Aujourd’hui, c’est une bibliothèque universitaire.
Sur la façade, deux médaillons représentent deux anciens directeurs du collège : Victor de Lanneau et Alexandre Labrouste.
Le Panthéon n'est pas loin...
Nous voici en vue de du Lycée Henri IV, ancienne abbaye de Sainte-Geneviève (à droite sur la photo), ici voisinant l'église Saint-Etienne-du-Mont.
En 1110, Etienne Ier de Garlande est nommé doyen de l’abbaye et cette nomination inaugure des temps nouveaux : le nouveau doyen, par ailleurs évêque, chancelier, et garde du sceau royal, permet l’ouverture d’une école de rhétorique et de théologie ouverte aux laïcs qui échappe à la main mise de l’évêque de Paris.
Dès lors, on assiste à un prodigieux engouement pour l’étude : partout sur la colline fleurissent des collèges qui servent d'hébergement aux étudiants. L'enseignement, lui, se fait à l’extérieur, dans les rues et sur les places. C'est à cette époque que le maître Pierre Abélard est appelé à professer en ces lieux : il en fait non plus une école purement religieuse mais il ouvre les esprits à la philosophie.
Nous voici maintenant dans l'impasse Chartière où se trouve une plaque signalant l'emplacement de l'ancien Collège Coqueret fondé au milieu du XVème siècle par un prêtre d'Amiens et dans lequel Ronsard et du Bellay furent élèves. Louis Braille a aussi habité le quartier
Deux portes métalliques encadrent cet immeuble : elles ont été décorées par l'artiste urbain C215 et font partie de sa série entourant le Panthéon nommée "Illustres".
L'une représente René Cassin, l'un des auteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme.
Sur l'autre est représenté Antoine de Saint-Exupéry.
Dans le même ordre d'idée, voici la boîte aux lettres du 23 rue Jean de Beauvais pochoirisée par C215 représentant Louis Braille.
Avant de rejoindre le Collège de France, petit passage par le square Auguste-Mariette-Pacha où se trouve un buste de Ronsard.
Le Collège de France a été créé par François 1er en 1530 sur les conseils de Guillaume Budé : des humanistes payés par le roi sont chargés d’enseigner des disciplines que l’université de Paris ignore.
Ce penseur appuyé sur une tête pharaonique est l'oeuvre de Bartholdi : il représente Champollion. La statue, initialement destinée à Figeac, la ville natale de Chapollion, en marbre fut représentée au salon de 1875.
Petite pause dans le square Paul Painlevé, faisant face à la Sorbonne.
Une intéressante décoration remplace les traditionnelles pelouses mais annonce néanmoins le printemps.
Anne-Marie profite de cette halte pour nous faire un topo sur l'ancien Collège de la Sorbonne fondé au XIIIème siècle par Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis, collège consacré à la théologie.
A l'intersection de la rue des Ecoles et de la rue Jean de Beauvais se trouve la statue du poète roumain Mihai Eminescu : l'oeuvre de Ion Vlad a été inaugurée le 15 juin 2009 en l'honneur du centenaire de la mort du poète.
La statue de bronze, lyrique, montre le visage du poète tourné vers le ciel et l'inspiration, livres sous un bras et pieds nus (symbolisant l'humilité).
Un peu plus loin, voici l'église orthodoxe roumaine - l'église des Saints-Archanges - autrefois église du Collège de Dormans fondé en 1370 par Jean de Dormans, évêque de Beauvais.
C'est dans ce collège que Cyrano de Bergerac fit ses études avant de s'illustrer au combat.
Au 14 rue des Carmes (l'ordre des Carmes est apparu aux XVème-XVIème siècle.) se trouvait le Collège de Presles dont il subsiste la chapelle du XVIème siècle, de style gothique. Elle a été construite après la construction du collège fondé en 1314 par Guy de Laon et Raoul de Presles.
Du Collège des Danois fondé en 1275 par Jean de Danemark, il ne reste que cette plaque apposée au dessus du restaurant vietnamien de la rue des Carmes.
La Place Maubert s'apprête à recevoir le marché du samedi.
Anne-Marie, devant la pelle Stark qui en indique son emplacement, nous rappelle que son nom provient sans doute de la contraction du nom d'Aubert, abbé de Sainte-Geneviève en 1161, qui créa les étals de bouchers sur ce site ou bien encore de Maître Albert le Grand, dominicain allemand qui y professa avant la création de la Sorbonne. Rappelez-vous qu'au Moyen-Age les cours sont donnés dans la rue ou sur les places et que les seules fonctions des "collèges" sont l'hébergement et la restauration des étudiants.
Malgré plusieurs ordonnances rendues, en particulier de 1348 à 1350, les voituriers vidaient leurs tombereaux à l'intérieur de la ville, au milieu des places un peu vastes au lieu de conduire les ordures dans les champs. Ainsi, à la fin du XIVème siècle, la place Maubert était tellement encombrée d'ordures et infectée, que les marchands des Halles cessèrent d'y venir, chassés par la puanteur. Plusieurs maisons devinrent inhabitées et dans d'autres régnaient des maladies pestilentielles. En 1389, la place fut déblayée. En 1392, une ordonnance interdira, sous peine d'une amende de 40 sous, de porter sur la place de Grève, pendant la nuit et d'y amasser « les fientes des latrines et les boues des égouts". En 1395, le corps des voituriers est créé. Ces voituriers sont chargés d'enlever, dans des tombereaux, les immondices de Paris et de les conduire aux différentes voiries.
Marché au pain au Moyen-Age, ce fut ensuite un lieu d'exécutions publiques, surtout au XVème siècle sous François Ier et aussi au XVIème siècle où de nombreux protestants, dont le libraire humaniste Etienne Dolet, ami des poètes (photo ci-dessous), y furent étranglés puis brûlés vifs avec leurs livres.
Une statue d'Etienne Dolet existait autrefois sur la place mais elle a été fondue par les allemands. Ici, une gravure du libraire décédé à l'âge de 35 ans : il faisait plus, non ?
Au XIXème siècle, la place abrite une myriade de petits métiers : fripiers, rempailleurs de chaises, fabricants d'arlequins, qui accommodaient les restes, chiffonniers qui faisaient commerce de tabac récupéré sur les mégots, ou ravageurs, qui écumaient la boue des ruisseaux. Elle a été largement défigurée au XIXème siècle.
Nous voici arrivés au Square Danielle Mitterand, situé rue de Bièvres à côté de l'Hôtel particulier qu'habitait le couple présidentiel.
Cet immeuble du numéro 7 de la rue de Bièvre possède, nous a dit Anne-Marie, des rambardes de balcons ornées du monogramme de Madame de Maintenon. Curieusement, je n'ai rien trouvé sur le net à ce sujet... La maîtresse de Louis XIV aurait-elle habité ce lieu ?
En face, un immeuble présente sur sa façade une statue de l'Archange Saint-Michel terrassant le dragon. Il était autrefois le siège du Collège Saint-Michel qui fonctionna de 1348 à 1763..
Au numéro 26, c'est une maison du XVIIème siècle qui est passée dans l'histoire : elle a été habitée par la Brinvilliers (1630 1667), empoisonneuse de son père, de ses deux frères, de sa sœur, et même de son amant qui avait - bien mal lui en prit - appris à fabriquer des poisons par un compagnon de cellule à la prison de la Bastille.
Au bout de la rue, à l'angle avec le quai de la Tournelle, une ancienne plaque semble indiquer que la rue portait autrefois le nom de "rue de Bieure" . Quant à son nom actuel, il provient du canal alimenté par les eaux de la Bièvre qui passait autrefois à cet emplacement.
Le 55 du quai de la Tournelle abrite l'Hôtel de Nesmond de Miramon, autrefois musée de l’Assistance Publique.
Successivement Hôtel particulier (ayant servi au XIVème siècle de demeure à Robert de Mahaud, grand panetier de Philippe le Bel, puis au XVIIème siècle à François-Théodore de Nesmond, président du Parlement de Paris), au XVIIIème siècle résidence d'un maître de danse, fabrique de boissons au XIXème siècle (avant l'interdiction de la consommation de l'absinthe : la maison Joanes) et enfin garage, l'Hôtel de Nesmond a été entièrement restauré et a retrouvé sa fonction première.
Datant essentiellement du XVIIème siècle, il fut le premier hôtel particulier de Paris à porter son nom sur son fronton : on peut y lire "Hôtel ci-devant de Nesmond".
Au numéro 17 de la rue des Bernardins, voisine, se trouve l'emplacement de l'ancien Hôtel de Faur. De nos jours, c'est un immeuble de rapport en brique grise construit en 1890 par l'architecte Jean-Marie Boussard. L'immeuble se distingue des constructions traditionnelles d'époque et annonce les prémices de l'Art Nouveau. Le dernier étage possède un balcon avec arcades mauresques. Les autres étages sont garnis de balcons en fer forgé reliés entre eux.
Le dessous des balcons est recouvert de briques émaillées
Nous voici maintenant arrivés en vue de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, principal lieu depuis 1977 du culte parisien du mouvement catholique traditionaliste (on parle aussi d'église intégriste) : les prêtres ont gardé la soutane de mon enfance et la messe y est dite en latin.
L'église, reconstruite sous le règne de Louis XIV, possède la particularité d'être orientée Nord-Sud au lieu de Ouest-Est. C'est Charles Lebrun, enterré ici, qui en a dessiné la façade ouest. Son style est celui de la Contre-Réforme, jésuite, très classique.
A l’intérieur, on peut voir au sein d'une chapelle, le tombeau de Charles Lebrun,
ainsi que le monument que le peintre a dessiné pour celui de sa mère.
La mère du peintre y apparaît le jour du jugement dernier, sortant du tombeau en implorant le salut, alors qu’au-dessus d’elle un ange sonne la trompette et lui indique le ciel.
Le visage de la mère est particulièrement expressif.
Ici s'arrête ma propre balade, un rendez-vous de fin d'après-midi m'appelant à l'extérieur. Anne-Marie a continué quant à elle la promenade par la visite intérieure du Collège des Bernardins qui constituait, je pense, le "clou" de cette visite guidée. Si le cœur vous en dit, vous pouvez aller en voir les images sur le site de G13 où Monick a posté sa chaîne Youtube : c'est ICI.
A bientôt j'espère, après le dé-confinement, pour d'autres découvertes de notre chère capitale...
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Par Tolbiac204 le 31 Janvier 2020 à 23:30
Pour voir la première partie de cette visite, guidée par Gilbert Obel de l'association "Paris-Art et Histoire", cliquez ICI. Après avoir visité les extérieurs et le rez-de-chaussée du château-musée, nous montons à l'étage.
Dans l'appartement d'Anne de Montmorency, nous retrouvons l'une des douze cheminées monumentales soigneusement décorée dans le style renaissance.
Le décor peint de son manteau représente "La chasse d'Esaü" ou...
"Qui va à la chasse, perd sa place !"
Esaü, fils aîné d'Isaac, fut appelé au chevet de son père lorsque celui-ci fut sur le point de mourir. Le vieillard lui demanda de prendre son carquois et son arc, de partir chasser et de lui apprêter ensuite selon son goût le gibier tué, avant de recevoir sa bénédiction (Genèse, 27). C'est pendant cette chasse que Jacob, avec l'appui de sa mère Rebecca, en profitera pour être béni par Isaac en lieu et place de son frère.
Vous pouvez en regarder l'histoire humoristique ci-dessous...
Cette histoire est à rapprocher de celle de l'amitié entre le Connétable de Montmorency et le roi François Ier puis de leur brouille ultérieure.
La scène du médaillon central représente Esaü à la chasse. Elle est entourée de deux figures portant l'épée du Connétable. (Photo Panoramadelart.com)
Sous le sujet principal, un cartouche rectangulaire en camaïeu sombre montre Jacob conduit par sa mère Rebecca au chevet d'Isaac devenu aveugle, pour recevoir sa bénédiction.
Depuis l'étage, on a une vue plongeante sur la cour et l'étoile à cinq branches dessinée dans le pavement (datant de 1805), époque à laquelle le château devint "Maison d'éducation de la Légion d'honneur".
Ah, ces lustres... Ils sont bien gênants quand on doit faire des photos sans flash... !
Au premier étage, la galerie de Psyché assurait la liaison entre les appartements du Connétable et les appartements du Roi. Elle a recueilli le vaste ensemble des dix tentures (75m de longueur totale sur 4,5m de hauteur) de David et Bethsabée qui trouve ici un havre providentiel même si son installation a nécessité l'obturation de cinq fenêtres.
Cette tenture illustre le récit biblique du "Second Livre de Samuel".
En pleine guerre contre les Ammonites, le roi David s’éprend de Bethsabée alors que sa femme Michol est frappée de stérilité : de cette relation adultère s'annonce une descendance. David envoie alors Urie, l'époux de Bethsabée, en première ligne du front, où il trouve la mort. La colère divine s'abat sur le couple et l'enfant décède. Après une période de repentance, le souverain pardonné remporte la victoire et épouse Bethsabée. De son union avec Bethsabée légitimée par Dieu naîtra Salomon, grand roi d’Israël.
L’histoire est transposée dans le cadre de vie du XVIe siècle, offrant une multitude de détails sur la vie de la cour à la Renaissance (costumes, apparat et cérémonial royal, art de la guerre). Monsieur Obel nous explique aussi que la Renaissance a horreur du vide : il n'y a pas un cm² qui ne soit décoré...
David, pieds nus et sans couronne...
Des suivantes de Bethsabée
David, assis sur le trône, accueille Bethsabée.
Dans cette autre pièce, c'est au tour de la sculpture de raconter une histoire : celle d'Actéon qui surprend un jour, au cours d’une chasse, la déesse Diane prenant son bain. Furieuse d’être vue nue, elle le transforme en cerf. Actéon meurt alors dévoré par ses propres chiens qui ne le reconnaissent pas, rendus fous de rage par la déesse.
J'adore les légendes !
Sur le côté droit du manteau, Diane prend son bain entourée de ses suivantes.
Sur le côté gauche, Actéon est représenté avec un corps d'homme et la tête d'un cerf.
Cette petite pièce - Le Cabinet du Roi - présente une reconstitution d'un costume d'Henri II et une collection d'émaux sur cuivre de Pierre Courteys. La technique consistait pour l'émailleur à apposer sur une plaque de cuivre des couches d'émail, colorées par des oxydes métalliques : chaque couleur nécessite donc une cuisson spécifique.
Les inscriptions peintes identifient cinq dieux de l'Antiquité : Jupiter, Mars, Mercure, Saturne, Apollon - le soleil -, un héros - Hercule -, ainsi que trois Vertus : la Justice, la Charité et la Prudence.
Hercule est reconnaissable à la peau de lion qu'il arbore (il s'agit là du premier des douze travaux d'Hercule : tuer le lion de Némée et le rapporter à Eurysthée). (Photo musée de la Renaissance).
Nous passons devant un escalier en bois dédié à Marie de Médicis et à Henri IV : il provient de la Cour des Comptes de Paris.
Je ne connais pas le terme par lequel on nomme ces bustes féminins en architecture : Ça rappelle un peu le sphinx de Gizeh, non ?
Nous sommes ici dans la Salle du Pavement ou Grande Salle de l'appartement d'Henri II. Y est exposé un pavement commandé au faïencier rouennais Masséot Abquesne, dans des coloris de bleu et de jaune et qui pavait à l'origine l'ensemble de ce premier étage.
Il s’agit pour Anne de Montmorency, à travers ce pavement, de rendre hommage au nouveau roi, Henri II, auprès duquel il a retrouvé grâce après la disgrâce qu’il connut en 1541 au cours du règne de François Ier.
Les guirlandes de fruits qui accompagnent ces pavements sont super jolies, je trouve. On reconnait ci-dessous les armes d'Anne de Montmorency : D'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur.
Et ici le monogramme du Connétable : le A et le M entrelacés - se lisant aussi bien à l'endroit qu'à l'envers - entourés par deux gantelets maintenant l'épée du Connétable.
Au mur également l'armorial du Connétable
La tapisserie provenant d'un atelier bruxellois qui en décore les murs s'intitule "Fructus belli" : on y voit en effet le partage d'un butin.
Par les grandes fenêtres qui éclairent la pièce,
on peut voir la plaine de France et le village d'Ecouen.
Dans cette pièce située tout en haut du château sont exposées des objets en faïence.
Ce panneau, du faïencier Masséot Abaquesne, représente la construction de l'arche de Noé. Il m'a tapé dans l'oeil.
Cliquez sur l'image pour la voir en grand.
Voici une immense pièce où l'on peut voir des quantités impressionnantes de céramiques de diverses provenances ainsi que de la verrerie.
Depuis cette fenêtre on jouit d'une belle vue sur l'aile affectée au Roi et à la la Reine.
Ne sont-elles pas sublimes toutes ces faïences... ?
J'ai loupé les explications de Monsieur Obel sur cette faïence de Saint-Porchaire (Poitou), très rare puisqu'on n'en trouve qu'entre une trentaine et une soixantaine à ce jour. Elle était destinée à une clientèle très restreinte.
Coupe aux armes des Malestroit : terre-cuite à glaçure plombifère
L’aiguière d’Ecouen est célèbre : elle revêt se distingue tant par sa virtuosité technique que par sa qualité esthétique.
Avez-vous vu le satyre et le petit reptile... ?
Quant à l’œuvre artistique de Bernard Palissy, dont on peut voir ici quelques réalisations, elle maîtrise une double technique : les émaux plombeux colorés par des sels minéraux et le moulage sur le vif d’animaux fraîchement tués.
Les pièces de petites dimensions – il en subsiste une dizaine – sont des bassins rustiques chargés de fruits, de coquillages, de poissons et de reptiles : Bernard Palissy habitait près de Saintes.
Les pièces de grande dimension, dont il reste de nombreux fragments, sont des rochers, animaux, végétaux, personnages en terre émaillée, qui servaient à la décoration de jardins et de grottes. Bernard Palissy commencera d'ailleurs à construire en 1555-1556 une grotte à Ecouen pour le connétable Anne de Montmorency, travail qui fut interrompu par son embastillement : le peintre finira sa vie à la Conciergerie du fait de sa conversion au protestantisme.
Je ne peux pas dire que j'aime même si c'est sûrement un travail très original qui a fait la renommée de son auteur.
Ecritoire au cavalier en faïence de Faenza - Début du XVIème siècle
(Photo Le blog de Acbx41)Assiette en faïence de Faenza (Italie) avec un jeu de mots humoristique à connotation scatologique, faisant allusion au Clergé corrompu
Une autre assiette en provenance de Faenza représentant Pyrame et Thisbé d'après "Les métamorphoses" d'Ovide
Pyrame et Thisbé sont deux jeunes Babyloniens qui habitent des maisons contiguës et s'aiment malgré l'interdiction de leurs pères. Ils projettent de se retrouver une nuit en dehors de la ville, sous un mûrier blanc. Thisbé arrive la première, mais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; son voile lui échappe et il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsque Pyrame arrive, il découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide, son sang éclaboussant les mûres blanches. Thisbé, revenant près du mûrier, découvre le corps sans vie de son amant et préfère se donner la mort à sa suite.
Shakespeare s'en est inspiré pour son Roméo et Juliette...
Assiette de majolique en provenance de Pesaro (Italie) de l'atelier de Guido Durantino représentant Latone et ses enfants.
Nous voici repartis pour une autre légende !
Latone, mère d’Apollon et de Diane et maîtresse de Jupiter, a été condamnée à une fuite sans répit par sa rivale Junon. Un jour, arrivée au sud de l’actuelle Turquie, elle s’approche d’un étang pour s’y désaltérer. Des paysans du lieu l’en empêchent et, furieuse, elle leur lance une malédiction qui les métamorphose en grenouilles.
Il y a à Versailles un superbe bassin qui en rappelle l'histoire...
Dans le pavillon dit "Salle de Cassoni" se trouve un beau pavement. Mais l'intérêt de cette salle réside surtout dans les coffres offerts en cadeau de noces, le plus souvent par paire. Leur iconographie se voulait un exemple moral pour le couple.
Le musée possède quinze panneaux provenant du démontage de ces coffres.
Les scènes peintes sont d'une extrême finesse.
On ne peut pas quitter le Musée de la Renaissance sans passer par cette pièce très sombre où se trouvent exposés de petites pièces d'orfèvrerie.
Monsieur Obel nous y rassemble pour admirer admirer en particulier ce chef-d'oeuvre de la collection du musée : il s'agit d'une statuette représentant Daphné par l'artiste allemand Wenzel Jamnitzer.
Rappelez-vous : dans "Les Métamorphoses", Ovide fait le récit de l’histoire de la nymphe Daphné qui, pour fuir les ardeurs d’Apollon, fut par la volonté de son père, métamorphosée en laurier. La statuette d’argent et de corail la présente pétrifiée, saisie à l’instant même de sa métamorphose végétale.
La statuette, qui s'ouvre à la ceinture, était conçue comme une coupe.
Dans la même pièce, j'ai remarqué un très joli gobelet de mariage en argent ciselé provenant d'Amsterdam datant du XVIIème siècle.
Ainsi que ce bijou pendentif d'origine allemande en forme de navire, datant du XVIème siècle (perles, or, émaux et pierres précieuses) - Photo Mathieu Rabeau - Rmn
Joli aussi ce Turbo monté en coupe, porté par un triton par Friedrich Hilebrandt (Allemagne)
Nous terminerons cette visite par un petit coup d'oeil aux poteries.
Cruche en grès de Westerwald (Allemagne) - milieu du XVIIème siècle
Cruche en grès et argent doré d'origine anglaise - milieu du XVIème siècle
Un grand merci à Anne-Marie pour nous avoir proposé cette belle visite
et à Gilbert Obel pour l'avoir encadrée aussi agréablement.
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Par Tolbiac204 le 31 Janvier 2020 à 23:00
Anne-Marie Guérin s'est écartée aujourd'hui de l'intitulé de son atelier "Petites promenades dans Paris" pour nous emmener à Ecouen où elle a fait appel à l'association "Paris-Art et Histoire" pour nous proposer une visite guidée du château.
Après avoir pris le train à la gare du Nord nous voici, quelques trente minutes plus tard, sur le chemin du château qui se trouve un peu à l'écart de la ville.
Il faut traverser un petit bout de forêt pour y accéder : le sentier est heureusement goudronné, ce qui nous évite de patauger dans la boue due à la pluie des jours précédents.
Le fléchage est facile : il suffit de suivre "Château d'Ecouen". Pourtant, sur cette pancarte on parle de musée national de la Renaissance.
Quèsaco... ?
Le château abrite en effet l'une des plus importantes collections d'objets d'art datant de cette époque et - quoi de mieux pour la présenter - qu'un écrin contemporain !
Une jolie grille encadre le pont désormais "dormant" qui enjambait jadis des douves en eau : les invasions ne sont plus à craindre, pas même celles des touristes apparemment... Nous ne sommes pas à Paris et les musées n'attirent pas forcément les foules : pourtant on peut voir dans celui-ci de véritables merveilles.
C'est ma troisième visite du Château (la première s'est faite lors de l'une des randonnées de Jacqueline) et la seconde en famille mais c'est la première fois que je suis une visite guidée.
Pour embrasser l'intégralité du château depuis sa "façade est" donnant sur la plaine de France environnante, il faut s'en éloigner : nous ne l'avons pas fait mais mon ami internet m'a fourni cette photo de "L'Agence Photo" qui montre son plan carré flanqué de quatre pavillons d'angle, héritiers des châteaux médiévaux.
Devant l'entrée du château : nous sommes 22 participants.
Avec Bibi Fricotin : merci Monick !
Un petit air d'l'Hôtel de Beauvais (visité dernièrement) pour ce porche d'entrée, non ? Même plafond à caissons, mêmes grilles le séparant de la cour d'honneur.
Il donne accès à une grande cour carrée, presque austère, du style de la première Renaissance française dont on voit ici l'aile ouest.
Avant toutes choses, il est l'heure de nous restaurer : Anne-Marie a justement réservé un menu de groupe (le menu Cupidon est à 23 euros) à "La Table des Rois", le restaurant du musée qui se trouve dans l'un des quatre pavillons d'angle.
L'entrée vient de nous être servie : une salade landaise, qui sera suivie d'un filet de perche sauce safranée pour terminer par une crème brûlée à la vanille.
Miam miam...
Nous avons été servis rapidement étant, au départ, le seul groupe à déjeuner, ce qui fait que nous étions à l'heure au rendez-vous donné par Monsieur Obel, notre guide de l'association "Paris-Art et Histoire".
Le voici justement qui commence la visite : il est tout juste 14 heures et..., elle durera 3 heures.
Il nous parle tout d'abord de son premier propriétaire, le connétable Anne de Montmorency, chef des armées du royaume de France. Monsieur Obel nous fait remarquer que ce prénom d'Anne était à l'époque masculin...
Portrait par Léonard Limosin - 1556 - Musée du Louvre
Celui-ci, de retour des guerres d'Italie, fit construire - entre 1538 et 1555 - ce château sur le modèle des palais italiens. Grand ami de François Ier et d'Henri II, il possédait en effet une très grosse fortune. Le château reste dans la famille des Montmorency jusqu'à l'exécution de son dernier descendant (qui n'avait pas d'héritier mâle), Henri II de Montmorency.
Voilà ce qui arrive quand on intrigue contre le Cardinal de Richelieu...
Il est alors confisqué par Louis XIII.
Na !
Il passe plus tard aux Condé jusqu'à la Révolution pendant laquelle il est confisqué, servant tour à tour d'hôpital, de prison et de lieu de réunion d'un club de patriotes.
En 1805, Napoléon y ouvre une "maison d'éducation pour les filles de la Légion d'Honneur" : elles seront quelques milliers à connaître cette éducation.
A partir de 1814, restitué aux Condé par Louis XVIII, le château est laissé plus ou moins à l'abandon et ce n'est qu'en 1850 qu'il retrouve sa vocation de maison d'éducation, ceci jusqu'en 1962 où il est mis à disposition du Ministère des Affaires Culturelles qui le transforme en musée national de la Renaissance. Celui-ci est inauguré en 1977 par Valéry Giscard-d'Estaing suite à de lourds travaux de restauration.
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Monsieur Obel nous parle ensuite du style du château, purement inspiré de l'architecture Renaissance des châteaux de la Loire et dont le seul décor tient dans ses lucarnes, de plus en plus ornées au fur et à mesure que le chantier s'avance.
On peut y distinguer des frises doriques (avec une alternance de triglyphes et de métopes en forme de bucranes) surplombant les fenêtres.
Les deux grands avant-corps des façades nord et sud ont été rajoutés postérieurement par Jean Bullant (1515-1578), l'un des principaux architectes du château. Ils témoignent de l'influence antique de la seconde Renaissance.
Voici l'aile nord, celle réservée aux appartements de la Reine (au rez-de-chaussée) et à ceux du Roi (au premier étage). Ecouen est en effet un château "semi-royal" où Henri II et Catherine de Médicis séjournèrent de nombreuses fois.
Un grand portail la décore surmonté de deux lucarnes.
On peut y voir entre celles-ci des fleurs de lys alternant avec des quartiers de lune (ils représentent la royauté).
Gilbert Obel nous montre également les quartiers de lune entrelacés qui symbolisent la royauté et la maxime du Roi, gravée sur la pierre en latin : inutile de vous dire que je l'ai largement oubliée et que ce n'est qu'en cherchant sur internet que je peux vous la fournir.
Donec totum compleat orbem - en d'autres termes - jusqu'à ce qu'il (le croissant de lune) remplisse l'orbe toute entière : la gloire du Roi irait en croissant jusqu'à ce qu'elle remplisse le monde...
Pas vraiment modeste le roi Henri II !
De l'autre côté, un métope représentant un arc-en-ciel : notre guide nous a dit qu'il était le symbole de la Reine. La devise en grec, alors là, je donne ma langue au chat !
Y'a pas photo : un bon guide, c'est mieux qu'un ordinateur !
Sur les pavés de la cour, on peut voir l'étoile à cinq branches de la Légion d'Honneur qui rappelle le passé historique du château. Nous la verrons mieux quand nous serons à l'étage.
On peut y voir aussi une bouche d'égout amusante. Je ne sais pas si celle-ci date de la même époque ?
Juste en face sur l'aile sud et lui faisant pendant, le "Portail des esclaves" est ainsi nommé à cause des deux statues qui l'ornent, oeuvres de Michel-Ange, dont les originaux sont conservés au Louvre.
Cet avant-corps en forme d'arc de triomphe copie un prototype antique, le temple de Castor et Pollux, situé sur le Forum de Rome. Quatre colonnes corinthiennes cannelées soutiennent une corniche ornée de guirlandes.
Les statues de Michel-Ange devaient à l'origine orner le tombeau du Pape Jules II.
La visite de la cour étant terminée, Monsieur Obel nous entraîne alors à l'intérieur du château dont la visite commence par celle de la chapelle, située dans le pavillon sud-est. Celle-ci a été fort dépouillée à la Révolution et reflète aujourd'hui la sobriété de son premier état.
C'est surtout le plafond en voûte d'ogives qui est remarquable. On peut y voir les armoiries du connétable, et son monogramme : le A et le M entrelacés se lisant à l'endroit comme à l'envers.
Les armoiries et leur description
D'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur (les alérions sont des aiglons)
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.
A droite du vitrail, l'oratoire privé des Montmorency
Face au vitrail, un orgue rénové au XIXème siècle : c'est un Cavaillé-Coll.
Sur la balustrade du balcon ouvragée, le monogramme de Anne de Montmorency
Dans les angles, des niches abritent les statues des Pères de l'Eglise.
Voici celle de Saint Ambroise
Monsieur Obel nous montre aussi quelques oeuvres en particulier, datant de la Renaissance, comme ce retable de la Passion attribué à Pierre Reymond qui surmonte l'autel.
Accolée à la chapelle, la sacristie : elle est meublée d'un petit orgue absolument admirable qui m'a tapé dans l'oeil.
Malheureusement, la Cène de Marco d'Oggiono, un élève de Léonard de Vinci est au Louvre actuellement pour cause d'exposition. Elle doit décorer avantageusement d'ordinaire le mur contigu à la sacristie...
Dans ma précédente visite, je l'avais prise en photo...
J'ai aussi vu l'oeuvre du Maître à Milan qui se trouve dans le réfectoire du Couvent de Santa Maria delle Grazie.
La visite de la Chapelle terminée, il nous reste encore du pain sur la planche, du moins pour Monsieur Obel : un rez-de-chaussée et deux étages nobles à faire visiter sur trois côtés, plus les combles...
Je me souviens qu'on a commencé cette visite par la salle des armes et armures située au rez-de-chaussée. Laissant les armes et les armures à la classe de maternelle venue visiter le musée ce jour-là..., nous nous sommes concentrés sur sa cheminée monumentale.
Le style renaissance est ici reconnaissable - entre autres - aux deux grands personnages, un homme et une femme porteurs de cruches, qui encadrent la scène biblique, ainsi qu'aux volutes ornant la partie basse du manteau.
Il s'agit de l'épisode de la rencontre entre Salomon et la reine de Saba.
Nous verrons beaucoup d'autres cheminées monumentales dans les autres pièces de ce château.
Photo Réunion des Musée Nationaux
Notre guide nous fait également remarquer les élégantes frises typiques de la Renaissance bordant le plafond de bois.
Nous nous rendons ensuite dans les anciennes cuisines du château où une maquette de celui-ci est présentée tel qu'il était à l'origine avant que sa façade est ne soit transformée afin de permettre à ses occupants d'avoir une vue sur la vallée.
On y aperçoit notamment le portique central portant une statue équestre du connétable de Montmorency.
Dans la salle suivante qui est également une ancienne cuisine, on peut voir des boiseries provenant de la chapelle du Château de Gaillon en Normandie, propriété du Cardinal Georges d'Amboise.
La partie haute est encore de style gothique alors que la partie basse est déjà de style renaissance.
Quelle finesse dans la sculpture du bois !
Dans cette salle du pavillon sud-ouest, très sombre comme c'est souvent le cas à Ecouen - par mesure de conservation -, on peut admirer des peintures sur cuir représentant une allégorie de Rome et de six de ses héros. Ils proviennent d'une maison de ville de la rue du Gros-Horloge à Rouen. Ces peintures sont basées sur des gravures sur cuivre du peintre flamand Hendrick Goltzius.
Notre guide nous a raconté l'histoire de celui-ci, Marcus Curtius, protagoniste d'un étrange épisode de la mythologie romaine : vers 635 avant J.-C., un gouffre s'ouvrit sur la place du Forum, menant directement aux enfers. Ce gouffre s'était formé car les romains avaient oublié d'accomplir un sacrifice envers les morts.
Marcus Curtius, sur le dos de son cheval, plongea dans le trou sans fond pour prouver la force de Rome mais..., il disparut à jamais.
Autre belle cheminée renaissance représentant Le Tribut de César
Il s'agit de la seule scène tirée du Nouveau Testament ornant les cheminées du Château d'Ecouen. Le Christ préconise de "rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César".
Les cheminées renaissance ne sont pas toutes peintes, il y en a aussi de très belles en pierre.
Une curieuse statue de la Vierge s'ouvrant en triptyque avec une représentation de la
Sainte-Trinité : le Père, le Christ en croix et la colombeMarie Madeleine ? Je ne sais plus...
Nous voici maintenant dans la salle présentant la nef automate dite "de Charles Quint".
Une fois remontée, elle avançait sur la table, lors des repas princiers et ses personnages s’animaient : les musiciens commençaient à jouer et les princes électeurs défilaient en signe de fidélité devant l’empereur, peut-être Rodolphe II, petit-fils de Charles Quint.
Nous sommes tous scotchés devant, écoutant religieusement les explications du guide qui nous montre qu'elle est montée sur quatre roues ovales lui permettant de simuler la houle...
Une vigie à son poste actionne un marteau.
Un petit film vaut mieux qu'un grand discours.
Avouez que c'est bluffant !
Dans la chambre de la Reine, trois tapisseries (en provenance de Bruxelles) représentent l'histoire de Phaëton, fils d'Hélios dieu du soleil qui, imprudemment, emprunta le char de son père, en perdit le contrôle embrasant le ciel et la terre. L'histoire se termine mal : Zeus le foudroya...
Elles illustrent le texte d'ovide (Les métamorphoses).
On voit ici les sœurs de Phaëton (les Héliades) préparer les chevaux de l'attelage tandis que celui-ci se tient à gauche.
Ce sont de très grandes tapisseries : celle-ci a dû être exposée en angle.
Elle montre la chute du char du soleil.Cette autre tapisserie montre les étapes de la métamorphose de Daphné, toujours d'Ovide.
S'étant moqué de Cupidon et de son arc, celui-ci se venge en lui décochant une flèche qui le condamne à aimer sans retour la belle Daphné. Apollon poursuit Daphné de ses assiduités jusqu'à l'épuisement. Celle-ci implore son père de lui venir en aide : il la métamorphose alors en laurier pour déjouer Apollon. Mais ceci ne rebute pas le dieu qui serre l’arbre dans ses bras, embrasse son écorce et dit : "Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse, du moins tu seras mon arbre".
Regardez les doigts de Daphné et de ses suivantes : ils se terminent en feuilles de laurier !
Dans la Grande salle des appartements de la Reine, on peut admirer une cheminée monumentale, véritable chef-d'oeuvre de la sculpture sur pierre. Elle provient d'une maison de ville de Rouen et reflète par ses sculptures l'importance du pèlerinage de Lorette en Italie.
La "Santa Casa" (la maison où Marie reçut de l'Ange Gabriel l'annonce qu'elle allait être mère du Sauveur) est transportée par des anges dans la nuit du 10 décembre 1294 depuis Nazareth d'abord en Dalmatie puis jusqu'à la colline de Loreto dans la Province italienne des Marches, pour échapper aux sarrasins...
L'enlèvement de la "Santa Casa"
Et son implantation à Loreto
La salle suivante est consacrée à Luca della Robbia, célèbre céramiste florentin que l'on reconnait à dix lieues par son bleu et ses décorations florales.
Ce grand plat rond représente "La Tempérance" nous a dit Monsieur Obel, nous expliquant que la jeune femme tient une aiguière avec laquelle pour verser un liquide dans une coupe.
D'où l'expression "Mettre de l'eau dans son vin"...
Il y avait aussi un très joli buste de Saint Jean Baptiste enfant.
Dans la même pièce, une très jolie sculpture représente le groupe en marbre des Trois Parques. Ces trois sœurs, filles de Zeus et peut-être de Thémis, président au destin des hommes en tenant le fil de leurs vies qu'elles filent ou... coupent.
La sculpture fut créée vers 1586 environ par Germain Pilon et son atelier pour le jardin que possédait à Gentilly Nicolas Fumée, évêque de Beauvais et confesseur du roi.
L'une des merveilles du musée : Le Génie funéraire
La statuette devait orner, à l'origine, le tombeau de François Ier. Le thème du génie dionysien renversant un flambeau en signe d'extinction de la vie est d’inspiration antique.
J'ai bien aimé aussi cette "Vierge à l'enfant" en albâtre qui provient de l'église de Breuil-sous-Orbais dans la Marne.
Là se termine la première partie de la visite guidée par Gilbert Obel, du Château d'Ecouen, musée de la Renaissance.
Pour voir la suite..., cliquez ICI.
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Par Tolbiac204 le 10 Janvier 2020 à 16:16
Anne-Marie avait réservé ce matin auprès de Monsieur Obel de l'association "Paris-Art et Histoire" que nous connaissons bien maintenant, une visite guidée de l'Hôtel de Beauvais situé au 68 rue François Miron dans le Marais (antérieurement rue Saint Antoine).
Un aparté : vous vous demandez peut-être qui était François Miron ?
Surnommé "le Père du Peuple", il a été prévôt des marchands (l'équivalent de maire) de 1604 à 1609 et a sa statue sur la façade de l'Hôtel de Ville de Paris.Anne-Marie avait eu la présence d'esprit de nous dire qu'en cette période de grève des transports nous pourrions nous y rendre par les deux lignes automatiques (la ligne 14 et la ligne 1) mais, à ma grande surprise, le matin la ligne 7 fonctionnait, ce qui m'a permis de me rendre sur place rapidement. D'autres ont suivi le conseil d'Anne-Marie ou sont même venues en bus, ce qui fait qu'à 10 heures pétantes nous étions au complet ou presque (19 personnes sur les 20 prévues) devant le métro Saint-Paul.
Monsieur Obel nous parle d'abord du quartier du Marais (en blanc sur la photo), situé entre les places de la Bastille, de la République et les Halles.
Cliquez sur l'image pour la voir en grand.
Comme vous le savez, les marécages ont été asséchés dès le Moyen-Age ; au XVIIème siècle, les aristocrates y ont fait construire leurs maisons de ville ou hôtels particuliers.
Quant à l'Hôtel de Beauvais, il prend son origine dans une maison de ville construite au début du XIIIème siècle pour les abbés de Chaalis dont l'abbaye était située dans la forêt d'Ermenonville, donc loin de Paris, et qui avaient besoin d'un point de chute dans la capitale.
Nous voici donc devant le n°68 de la rue François Miron : impossible dans cette rue étroite de prendre le recul nécessaire pour photographier l'intégralité du bâtiment qui porte les drapeaux de la République puisqu'il est maintenant le siège de la Cour administrative d'appel de Paris.
Les quatre ouvertures au rez-de-chaussée correspondent à d'anciennes boutiques surmontées d'un entresol ayant servi de logements.
Notre guide nous montre les différents étages de la construction qui n'a pas toujours été telle qu'on la trouve aujourd'hui : en effet, au XIXème siècle - quand le bâtiment a été transformé en maison de rapport et découpé en logements - un étage intermédiaire a été construit entre le 1er et le 2ème étages (dénaturation rendue possible par la hauteur sous plafond de 7 mètres).
La façade actuelle a été rétablie au début des années 90 pour ressembler à ce qu'elle était au XVIIIème siècle lors du passage du roi Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse tout juste mariés. On y compte donc seulement quatre étages y compris celui des mansardes.
Il nous fait remarquer aussi l'alternance des balcons en pierre et en fer forgé, décorés par des mascarons de pierre.
Avant d'entrer pour faire la visite, Monsieur Obel nous montre la forme biscornue du terrain, étroit par ailleurs, dont Antoine Le Pautre, l'architecte choisi par Pierre de Beauvais qui se rend propriétaire de l'hôtel dès 1654 (il l'achète à l'épouse de Nicolas Fouquet), a su tirer profit pour construire cet Hôtel.
Derrière la lourde porte en bois, on nous demande nos cartes d'identité : il s'agit d'un bâtiment du ministère de la Justice, il faut montrer patte blanche comme dirait notre célèbre fabuliste...
On accède alors à la grille en fer forgé séparant la voûte d'entrée de la cour intérieure.
La jolie rotonde est décorée au plafond de triglyphes et de métopes représentant des têtes d'animaux morts, des boucliers et des petites formes ailées (je ne me souviens plus exactement de ce que Monsieur Obel nous a dit à ce sujet...).
Avouez que cette entrée est grandiose !
Les chaises à porteur, très en vogue au XVIIème et XVIIIème siècles, entraient y déposer leur riche et noble clientèle...
tandis que de très élégants chasse-roues protégeaient les murs des détériorations dues au passage des carrosses.
Le plan de la cour est constitué d'un rectangle prolongé d'un trapèze auquel est accolé un demi-cercle.
Au rez-de-chaussée, les cinq portes vitrées en arc-de-cercle étaient les anciennes écuries. La chapelle, au premier étage sert actuellement de cuisine au Président de la cour...
Monsieur Obel nous emmène maintenant dans les sous-sols de l'Hôtel où se trouvent les restes de la construction du Moyen-Age entreprise par les moines de l'abbaye de Chaalis.
Dans cette petite pièce circulaire, des plans de la façade de l'Hôtel aux différentes époques. Je n'ai pas eu le temps de les prendre correctement en photo...
On y découvre une salle voûtée au décor très sobre : l'abbaye de Chaalis obéissait à la règle de Saint-Benoit, très stricte, observée dans les abbayes cisterciennes.
Cette salle servait d'entrepôt aux moines ; elle est actuellement utilisée pour des manifestations festives comme en témoignent les petites tables qui y ont été installées.
Les seuls décors sont ceux de ces chapiteaux ornés de feuilles de roseau et de feuilles de chêne, une végétation présente près de l'abbaye de Chaalis nous a dit Monsieur Obel.
Celui-ci nous explique que l'état actuel de la cave date des années 2000 lors de la dernière restauration : les murs de soutènement qui avaient été construits au XVIIème siècle lors de la construction de l'Hôtel ont été détruits et remplacés par une chape de béton armé. Un exemple de ces murs de soutien sert de témoin du passé.
Nous voici remontés dans la cour de l'Hôtel dont nous voyons ici l'autre façade.
Tout autour de la coursive qui fait le tour de la cour, une frise de triglyphes et de métopes.
Elle rend hommage à Louis XIV par les lions et à la propriétaire de l'Hôtel, Catherine Bellier, l'épouse de Pierre de Beauvais par les béliers.
On peut aussi observer de ce de là les initiales entrelacées de Pierre de Beauvais et de Catherine Henriette Bellier (P-B-C-H-B)
Au fond de la cour, sous les cinq œils-de-boeuf surmontant les portes des anciennes écuries, des mascarons très originaux.
Au centre, un faune avec ses cornes et ses oreilles pointues...
A sa gauche, une figure féminine portant de lourds pendants d'oreille qui pourrait représenter Anne d'Autriche : Catherine Bellier était sa dame de compagnie, elle était suffisamment proche de la reine-mère pour lui administrer ses clystères et avait par ailleurs été chargée par celle-ci de "déniaiser" le jeune Louis XIV âgé de 14 ans... On dit d'ailleurs que les fonds nécessaires à l'achat de l'Hôtel de Beauvais par Pierre de Beauvais pour son épouse seraient en partie venus de la reine-mère... Comme quoi, les délits d'initié, ce n'est pas nouveau ! En fait non : il s'agissait là d'un remerciement pour services rendus au Roi...
Tout à fait à gauche, un pierrot pleureur de la Comedia dell'Arte
Il fait face au mascaron du maître de maison, Pierre de Beauvais, un souriant moustachu (mais peut-être s'agit-il ici également d'un personnage de la Comedia dell'Arte... ?)
Juste à côté, le dernier mascaron représenterait Catherine Bellier, dite Cateau-la-Borgnesse en raison de sa laideur légendaire (elle était borgne et Anne-Marie me signale que dans le téléfilm "La prise du pouvoir par Louis XIV" de Roberto Rossellini, elle portait un bandeau). J'ose espérer que les outrages du temps sur la pierre ont encore contribué à enlaidir cette femme dont on dit par ailleurs (Saint-Simon) qu'elle était très instruite et très intelligente.
Avant de quitter cette jolie cour pour monter à l'étage, une photo de la plaque apposée ici par les allemands : elle rappelle que Mozart séjourna dans cette "maison" pendant cinq mois de l'année 1763, il avait à l'époque 7 ans (son père, conscient qu'il avait un enfant prodige, le faisait se produire à cette époque dans toutes les cours d'Europe). L'Hôtel fut en effet loué à cette époque par le comte Maximilien Emmanuel Franz van Eyck (1711-1777), ambassadeur de l'électeur de Bavière, qui l'acheta par la suite.
Un aller-retour maintenant à l'étage par l'escalier situé dans la cour, uniquement pour le plaisir de découvrir ce superbe escalier de pierre orné d'une belle rampe en fer forgé qui dessert le premier étage.
Vue sur le porche d'entrée de l'Hôtel depuis l'étage
Au niveau de la voûte d'entrée, une porte donne accès à l'étage par un escalier monumental. Cette porte a son pendant juste en face, en trompe l'œil, rien que pour respecter la symétrie de l'édifice.
Le décor intérieur de la cage d'escalier est somptueux.
Superbes, ces chapiteaux corinthiens décorant les colonnes de soutien de l'escalier !
L'escalier donnait autrefois directement sur la cour : les fenêtres ont été installées ultérieurement pour le confort des magistrats de la Cour.
C'est dans ce petit espace que les porteurs de chaise déposaient leur "voiture" en prenant soin d'en retirer les bâtons pour ne pas se les faire voler.
Une expression bien connue en découle peut-être : "mener une vie de bâtons de chaise".
« Ces bâtons de chaise, ôtés, remis, pliant sous la charge et servant à l’occasion d’armes offensives et défensives, avaient en effet une existence tourmentée… Et les porteurs donc ! » (Claude Duneton)
D'autres hypothèses ont été faites sur l'origine de cette expression mais celle-ci me plait.
En prenant de la hauteur...
On accède à un palier où Monsieur Obel nous rassemble pour nous conter l'histoire de l'entrée à Paris du Roi Louis XIV de retour de Saint-Jean-de-Luz où il vient d'épouser l'infante Marie-Thérèse d'Autriche. Le Roi entre dans Paris par la place du Trône (actuelle place de la Nation) où ont été installés deux trônes pour les époux royaux. Le cortège se dirige ensuite vers l'Hôtel de Beauvais où Anne d'Autriche, la reine-mère, a pris place au balcon pour voir arriver son royal rejeton.
Un tableau représente l'Hôtel à cette époque.
Il surmonte une frise réalisée dans du cuivre représentant tout le cortège en accordéon : il y a du monde ce jour-là...
On peut y voir "le Roy" à cheval
et "le carrosse du corps de la Reine"
La pièce voisine qui sert d'accueil à la Cour d'appel offre une belle vue sur l'arrière de l'Hôtel.
On voit bien ici que l'Hôtel est contigu avec des bâtiments plus ordinaires : Monsieur Obel nous a expliqué en effet que c'est le cas des hôtels particuliers du Marais contrairement au très riche 7ème arrondissement où ils sont sont touche-touche.
La salle d'audience se trouve juste à côté. Curieusement des chaises y sont installées alors que les jugements se rendent par écrit nous dit notre guide... Nous en avons profité pour nous y asseoir en l'écoutant nous expliquer brièvement le fonctionnement de la Cour !
Merci à Monsieur Obel pour cette visite tout à fait passionnante et à Anne-Marie pour nous l'avoir proposée...
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Par Tolbiac204 le 6 Décembre 2019 à 16:17
Pendant la période d'hiver, Anne-Marie privilégie les visites en intérieur : elle nous a proposé ce vendredi une visite guidée de la Bibliothèque François Mitterand. Malgré la grève des transports, nous étions une trentaine de courageux à être venus à pied jusqu'à son site des bords de Seine.
Notre guide nous explique qu'il faut attendre le règne de François Ier pour qu'une ordonnance du 28 décembre 1537 enjoigne aux imprimeurs et aux libraires de déposer à la librairie du château de Blois tout livre imprimé mis en vente dans le royaume. L'objectif est d'une part de repérer les ouvrages dignes de mémoire et d'autre part de contrôler la diffusion d'idéologies dissidentes. Cette obligation, appelée dépôt légal, constitue une étape fondamentale pour la Bibliothèque.
Le dépôt légal s’étend aux livres, périodiques, documents cartographiques, musique notée, documents graphiques et photographiques, mais aussi aux documents sonores, vidéogrammes, documents multimédias, et depuis 2006 aux sites web et aux documents dématérialisés (logiciels, bases de données).
Rapatriés de Blois, les documents prennent d'abord place rue de Richelieu dans l'ancien palais de Mazarin mais, quand on parle de la BnF (Bibliothèque Nationale de France), c'est de quatre bibliothèques dont il est question aujourd'hui.
► La bibliothèque Richelieu où sont conservés tous les écrits manuscrits, estampes et photographies, Monnaies, médailles et antiques, Arts du spectacle et Musique.
► La bibliothèque de l'Arsenal, ancienne résidence des grands maîtres de l'artillerie, où sont conservés plus d'un million de documents (livres, revues, manuscrits, estampes, cartes et plans, musique...).
► La bibliothèque-musée de l'Opéra qui conserve toutes les archives de l'Opéra.
► La bibliothèque Jean Vilar à Avignon où sont conservés livres et revues en arts du spectacle ainsi que les archives du Festival.
► Enfin, la bibliothèque François-Mitterand qui nous intéresse aujourd'hui et qui est composée de deux bibliothèques : une bibliothèque tous publics et une bibliothèque de recherche. Y sont réunies les collections d'imprimés et de périodiques, les collections sonores et audiovisuelles.
La Très Grande Bibliothèque comme on l'appelait autrefois a été voulue par François Mitterrand mais ce n'est pas le seul édifice que le président laissera de ses 14 ans d'exercice à l'Elysée. Grand bâtisseur, il a aussi fait édifier la Pyramide du Louvre, l'Opéra Bastille, la Grande Arche de la Défense, le Monument aux Droits de l'Homme, les colonnes de Buren...
L'engorgement progressif des magasins issu du renforcement du dépôt légal (loi du 19 mai 1925), le nombre croissant des lecteurs (dû au développement du nombre des étudiants), les problèmes de conservation de plus en plus aigus et l'arrivée des nouvelles technologies ont pour conséquence la nécessité d'une mutation profonde de la Bibliothèque Nationale.
Le 14 juillet 1988, François Mitterrand annonce à la presse lors de son traditionnel entretien dans les jardins de l'Elysée "la construction et l'aménagement de l'une ou de la plus grande et la plus moderne bibliothèque du monde....(qui) devra couvrir tous les champs de la connaissance, être à la disposition de tous, utiliser les technologies les plus modernes de transmission de données, pouvoir être consultée à distance et entrer en relation avec d'autres bibliothèques européennes." (Yves Mourousi pour TF1 le 14 juillet 1988)
C'est le projet de l'architecte Dominique Perrault qui est retenu en juillet 1989. Les travaux durent de 1990 à 1995 et la Bibliothèque ouvre au public le 20 décembre 1996.
La Bibliothèque se présente sous la forme de 4 tours aux parois de verre (avec l'idée de rendre le savoir transparent et accessible à tous) simulant des livres ouverts. Chaque tour porte un nom selon le type de livres qu'elle contient : il y a la Tour des Temps, la Tour des Lois, la Tour des Nombres et la Tour des Lettres.
Son architecture permet à la bibliothèque d'être un vraie lieu de passage, vivant.
Nous parcourons ensuite les couloirs qui donnent accès aux salles de lecture. Dans l'aménagement des espaces intérieurs, l'architecte joue sur les quatre matériaux élémentaires de la Bibliothèque, l'acier, le béton, le verre et le bois.
Ici le hall Ouest (qui a son pendant à l'Est) : ses murs sont tapissés de "cottes de maille d'acier" (pour l'isolation phonique) mais le mobilier en bois exotique et la moquette rouge (un code-couleur signifiant qu'il s'agit d'un espace ouvert à tous) réchauffent son aspect volontairement froid qui invite à un recueillement propice à la lecture et à l'étude.
Puis, nous partons à la découverte des "coulisses" de la bibliothèque non sans passer devant des affiches syndicales qui rappellent l'actualité...
Ici, les rails permettent aux documents d'être véhiculés par l'intermédiaire de nacelles suspendues jusqu'aux salles de lecture : le pilotage se fait par informatique grâce à un réseau couvrant l'ensemble du bâtiment.
Au passage nous voyons que la bibliothèque est une véritable ville dans la ville puisqu'elle a même une "rue" qui en fait le tour, permettant la circulation des véhicules d'une tour à l'autre.
Un ascenseur ultra rapide nous conduit ensuite au 18ème étage de la Tour des Lois, un étage réservé aux réunions ou aux réceptions. Les volets de bois qui ont été installés dès le début de l'ouverture de la bibliothèque pour la protéger des rayons du soleil peuvent ici rester ouverts.
Le guide nous explique que les "colonnes" d'acier que l'on peut voir le long des fenêtres servent à cacher les gaines d'aération du système de refroidissement permettant à la bibliothèque de conserver hiver comme été une température constante de 18°C.
Ils sont un réemploi de silos défectueux.
De même, les toiles tendues au plafond sont des voiles de catamaran recyclées.
Ecolo, la bibliothèque !
Depuis ce belvédère, on jouit de jolis points de vue sur la capitale vers l'Ouest et sur la banlieue vers l'Est.
Depuis la tour des Lois, vue sur le jardin de la BnF François Mitterrand : aujourd'hui le temps est brouillardeux malheureusement...
12000 m²plantés de pins provenant de la forêt de Bord en Normandie : je l'ai appris dans une précédente visite mais rassurez-vous, ces pins devaient disparaître car situés sur l'emplacement d'une future carrière.
Une jolie vue sur la Seine et la banlieue
Des immeubles d'habitation pas désagréables du tout avec leurs terrasses arborées
De l'autre côté, vue sur la passerelle Simone de Beauvoir, le POPB et le ministère des Finances
Nous reprenons l'ascenseur pour aller voir encore une fois les coulisses de la bibliothèque : cette fois-ci nous pouvons voir circuler les navettes.
A l'intérieur, des dossiers permettent de séparer les documents qui seront livrés à domicile aux lecteurs de la bibliothèque.
Il nous faut maintenant nous rendre à l'étage de la bibliothèque de recherche en prenant cet escalator.
Nous n'entrerons pas dans le Saint des Saints, nous contentant de l'apercevoir ici ou là. Il s'agit d'une immense salle de lecture décloisonnée (de 2000 places) qui est réservée aux personnes justifiant d'un projet de recherche.
Notre guide nous montre les systèmes de chauffage et d'éclairage, toujours en métal pour une bonne insonorisation des lieux.
Il nous explique aussi que l'architecte a pensé "livres" en créant dans les couloirs cette décoration de bois - qui doit aussi contribuer à l'isolation phonique - sous forme d'étagères.
De l'autre côté du couloir, c'est le jardin où l'on voit beaucoup d'arbres haubanés (le ré-enracinement est délicat avec des sujets adultes).
Tout au long de notre visite, nous avons vu ou entraperçu des oeuvres d'art contemporain.
Créé en 1951, le « 1% » est un dispositif qui consiste à consacrer, à l’occasion de la construction, de la réhabilitation ou de l’extension d’un bâtiment public, un financement représentant un pour cent du coût des travaux à la commande ou à l’acquisition d’une ou de plusieurs œuvres d’art spécialement conçues par des artistes vivants pour être intégrées au bâtiment considéré ou à ses abords.
Deux d'entre elles sont placées dans les espaces publics comme :
"Toi et moi" de Louise Bourgeois (sculpture en aluminium poli). La moquette "rouge" se reflète dans l'aluminium en lui donnant de belles couleurs.
"Water lilies" de Roy Lichtenstein (tapisserie d'Aubusson - 1996)
Nous rejoignons le haut-de-jardin pour aller voir les fameux Globes de Coronelli offerts à Louis XIV par le Cardinal d'Estrées, ambassadeur de Louis XIV auprès du Saint-Siège.
L'un d'eux représente la terre et l'autre le ciel. Les globes ont beaucoup voyagé depuis leur création mais il semble que la BnF soit leur destination finale. Faits d'une armature en bois recouvert d'une toile plâtrée, ils possèdent de petits trous (à droite sur le globe terrestre) permettant au bois de respirer...
Si le globe céleste orné de 2000 étoiles regroupées en 70 constellations (il représente l'état du ciel à la naissance de Louis XIV le 5 septembre 1638) n'a pas posé de problème au souverain, il n'en est pas de même du globe terrestre qui comportait des lacunes : leur fabrication a demandé en effet deux ans de travail à Coronelli mais leur installation sur des supports capables de les soutenir a pris du temps...
Notre guide nous a montré un endroit particulièrement croustillant du globe : celui où l'on voit la population indigène s'emparer d'un homme blanc puis le mettre à rôtir sur une broche ! Comme quoi le racisme a non seulement de beaux jours devant lui mais il ne date pas d'hier : l'inconnu fait toujours peur...
Un grand merci à Anne-Marie pour avoir eu l'idée de cette visite guidée fort intéressante.
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