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Un nouvel atelier vient de s'ouvrir à Générations 13, tenu par Lucie Pierre que j'ai connue à propos de la refonte du site internet et que j'ai bien appréciée. Lucie tient déjà un atelier d'arts plastiques à l'association mais elle enseigne aussi à l'Association Philotechnique et nous a gentiment proposé son concours bénévole.
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Elle nous dit que force est de constater qu'il y a très peu de femmes peintres exposées dans les musées et nous raconte que Christian Dior a fait défiler ses mannequins en tee-shirts floqués du message "We should all be feminists", ("Nous devrions tous être féministes") en 2017.
Puis, elle nous parle du mythe de Dibutade : ce potier découvrit le premier l’art de modeler des portraits avec de l’argile. Cela se passait à Corinthe vers l'an II et il dut son invention à sa fille qui était amoureuse d’un jeune homme partant à la guerre dont elle voulut garder le souvenir : elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projetée sur le mur par la lumière d’une lanterne. Son père fit un relief avec de l’argile appliquée dessus et le mit à durcir au feu avec le reste de ses objets faits avec de la terre. Ce relief fut conservé durant 200 ans au Nymphaeum de Corinthe avant d’être détruit dans un incendie. Le mythe fut considéré au début du 18ème siècle comme l’origine de la peinture et de la sculpture et donna lieu à de nombreux tableaux.
Joseph-Benoît Suvée (L'invention de l'art du dessin - 1793)
Groeningemuseum - BrugesAristote dit que c'est la semence de l'homme qui va donner forme à l'homme, la femme n'en étant que le réceptacle. Il attribue traditionnellement à la femme un rôle d’auxiliaire et de subalterne. Ainsi, on range traditionnellement le dessin du côté masculin tandis que la couleur est "rabattue" sur le côté féminin.
D'ailleurs, depuis le Moyen-Age, ne dit-on pas que la peinture ne "tient" pas et ne parle-t-on pas de la "paternité" d'une œuvre et non de sa "maternité"... ?
A la Renaissance, être peintre est un métier comme un autre et l'art s'apprend dans les ateliers ou les académies. Or, l'atelier est, par définition, un lieu très masculin. Les femmes n'y ont pas vraiment leur place sauf si elles y sont nées, étant filles d'artistes, ou si elles bénéficient d'une éducation raffinée moderne et qui leur permet d'être éduquées à la technique avant de s'y livrer elles-mêmes.
Pour peindre - un retable par exemple - il est nécessaire d'avoir une excellente connaissance de la morphologie et de l'anatomie, notions que les femmes, qui étaient dans l'impossibilité d'étudier les nus d'après nature ou de fréquenter les académies, ne pouvaient pas acquérir. On demandera donc aux femmes qui s'aventurent dans cette voie des toiles de petites dimensions, aux sujets plaisants : portraits, bouquets de fleurs ou natures mortes.
Par ailleurs, pendant longtemps la signature de l’artiste-femme n’était pas considérée comme une preuve du point de vue de la loi. C'est la raison pour laquelle certaines d'entres elle passent par l’autoportrait, ce qui leur donne la possibilité de revendiquer un statut professionnel plus égalitaire par rapport aux hommes.
A cette époque certaines femmes ont tout de même réussi à "percer".
La Renaissance
Catharina Van Hemessen, peintre flamande (1528-1587). Elle est la fille de Jan Sanders van Hemessen, peintre : c’est avec ce dernier qu’elle apprend la peinture. Elle est célèbre pour avoir réalisé le premier autoportrait d'une femme peintre.
Catarina Van Hemessen (Autoportrait au chevalet - 1548) - Kunstmuseum de Bâle
Elle signe : "Ego Caterina de Hemessen me pinxi 1548" pour bien affirmer qu'elle peint elle-même. Se peignant grâce à un miroir (référence à la coquetterie), elle représente les attributs du peintre (palette et pinceaux) et, grâce à la position du pinceau, une croix barre le tableau pour sauver les apparences (référence à la religion). A noter, les couleurs sombres de sa robe correspondant aux "bonnes manières" de l'époque.
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Marietta Robusti (fille du Tintoret) est née en 1554 à Venise où elle est décédée en 1590. Elle reçut de son père une éducation soignée (elle était très cultivée et pratiquait la musique). Elle participait, tout comme ses frères, au travail de son père et était très douée. Elle mourut malheureusement à trente ans, probablement lors d'un accouchement.
Marietta Robusti (Autoportrait au madrigal 1580) - Musée des Offices de Florence
Elle se représente assise devant un virginal (autre nom du clavecin), tenant un madrigal à la main, sans doute destiné à son mari. Elle ne touche pas les touches du virginal (en signe de sexualité atténuée), les effleure seulement.
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Sofonisba Anguissola est née à Crémone en 1532 et décédée à Palerme en 1625. Son père, Amilcare Anguissola, lui même peintre, encourage tous ses enfants à développer leurs talents artistiques (lecture, dessin, musique). Elle a ainsi réalisé plusieurs autoportraits et a été l'une des premières femmes peintres à atteindre, de son vivant, les sommets de la scène artistique européenne, étant même reconnue par le critique d'art Giorgio Vasari. Elle a même rencontré Michel-Ange et donné des leçons à Van Dick.
Sofonisba Anguissola (Autoportrait - 1554) - Musée de Poznan - Pologne
La peintre tient dans la main un recueil des sonnets de Pétrarque (gage de culture) et a écrit : "Moi, vierge, je l'ai fait en 1554." (gage de son sérieux rehaussé par la couleur noire de sa robe).
Sofonisba Anguissola (Autoportrait au chevalet - 1556) - Musée de Lancut - Pologne
Elle se représente avec une palette et des pinceaux peignant une scène religieuse représentant une Vierge à l'Enfant et n'oublie pas d'inclure dans sa toile une "croix".
Elle a aussi réalisé un autoportrait avec son maître, Bernardino Campi, en train de la peindre (1559). Lucie nous expliqué que s'il s'agit d'un hommage au maître c'est aussi surtout une ruse de la part de l'artiste qui se peint plus grande que lui !
Sofonisba Anguissola était tellement douée qu'elle fit même son autoportrait alors qu'elle avait 90 ans : cet autoportrait, peint vers 1610, affirme son statut d'artiste accomplie, mais ne cherche pas à rajeunir ses traits. Elle se dépeint avec une grande majesté, et la sévérité des poses des hommes de pouvoir. Elle tient à la main un écrit, signe de sa culture.
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Lavinia Fontana est également fille de peintre (Prospero Fontana, très en vogue auprès des papes). Fille de peintre certes mais aussi femme de peintre : son mari (Gian Paolo Zappi d'Imola) deviendra d'ailleurs son assistant car c'est un peintre mineur. Elle a à son actif pas moins de 131 oeuvres.
Elle fait son autoportrait devant un clavecin : elle est cultivée elle aussi mais ne manque pas de représenter une croix sur son tableau.
Lavinia Fontana (Autoportrait à l'épinette - 1577) - Musée des Offices de Florence
Lavinia Fontana (Mars et Vénus - 1595) - Fondation Casa de Alba, Madrid
Un tableau où elle ose représenter des nus avec Vénus qui tient un narcisse, symbole d'égoïsme et de vanité. A côté, un Eros endormi...
Lavinia Fontana (Portrait d'Antoinette Gonzalez - 1595) - Musée du Château de Blois
Dans ce tableau qui représente une jeune fille atteinte d'hypertrichose, il y a beaucoup d'humanité et la jeune fille est représentée avec un écrit où est expliquée sa maladie.
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Clara Peeters est une artiste peintre flamande née vers 1581-1585 et décédée après 1657. Elle s'adonne très jeune à la peinture et se spécialise dans les natures mortes, représentant le plus souvent des tables dressées pour des repas soit quotidiens, soit plus raffinés. Elle s'intéresse aux reflets sur les objets métalliques, pièces, plats, vases, coupes, timbales ou bijoux présents fréquemment dans ses compositions, en premier plan sur un fond plus sombre.
Clara Peeters (Nature morte aux fleurs et coupes d'or - 1612)
Staatliche Kunsthalle - KarlsruheCes reflets font apparaître régulièrement, et c'est une caractéristique anecdotique de son œuvre, de minuscules autoportraits...
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Judith Leyster est une artiste peintre néerlandaise née à Haarlem en 1609 et décédée en 1660. Elle fait exception en n'étant pas fille de peintre mais d'un brasseur. Elle épouse néanmoins un peintre en 1636.
Elle était l'élève de Franz Hals. Il y eut plus tard (après sa mort) une action en justice car on a longtemps cru que l'une de ses toiles (La joyeuse compagnie - 1630) était l'œuvre de Franz Hals (elle avait été vendue comme telle...). Ce n'est qu'en 1893 que le Musée du Louvre découvre le monogramme de Judith Leyster sous la signature de Hals...
Le 17ème siècle : une nouvelle confiance en soi
Judith Leyster (Autoportrait - 1630)
National Gallery of Art, Washington, D.C., USAElle se tourne vers le spectateur, souriante, le pinceau à la main. En se peignant avec une grande collerette, elle montre qu'elle sait peindre. Son sujet : un violoniste évoque le côté éphémère de la musique, en contraste avec le côté permanent de la peinture.
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Artemisia Gentileschi est une artiste peintre italienne de l'école caravagesque. Elle est née à Rome en 1593 et décédée à Naples vers 1656. Evidemment, elle aussi est fille d'un peintre (Horazio Gentileschi). Elle est remarquablement douée et s'impose par son art particulièrement dans des sujets historiques et religieux.
Artemisia Gentileschi (Autoportrait en Allégorie de la Peinture - 1638-1639)
Royal Collection - WindsorElle est la première femme à dépasser les interdits en peignant des sujets historiques ou religieux à une époque où les règles cantonnent les femmes aux portraits, autoportraits, natures mortes ou autres sujets intimistes.
Elle peint des femmes fortes à l'image de sa propre personnalité comme ici Judith décapitant Holopherne (1612). Musée Capodimonte (Naples)
Marquée par un viol qu'elle a subi (de son précepteur privé, le peintre Agostino Tassi) et le procès qui s'ensuivit, elle représente Judith égorgeant Holopherne à l'aide d'une épée, en maintenant sa tête par les cheveux : le tableau où les bras d'Holopherne sont repliés telles les cuisses d'une femme qui accouche est interprété comme un désir de revanche par rapport à la violence subie.
Artemisia Gentileschi (Suzanne et les vieillards - 1610)
coll. Schonborn, PommersfeldenIl s'agit d'un portrait à charge du regard masculin sur les femmes. Les mains de Suzanne ont l'attitude classique de l'effroi (Cf. Chapelle Sixtine - Michel-Ange)
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Elisabetta Sirani est elle aussi fille de peintre (son père, Giovanni Andrea Sirani est peintre et marchand d'art à Bologne). Ayant commencé à peindre à l'âge de 13 ans, son père l'admet dans son atelier à l'âge de 17 ans tout en lui prodiguant une solide culture littéraire, artistique et scientifique grâce à la bibliothèque familiale. Elle lit ainsi le latin et le grec.
Elle ouvre en 1660 un salon puis une école de peinture réservée aux femmes à l'Académie de Saint-Luc, mais meurt prématurément à 27 ans, victime d'un ulcère de l'estomac.
Elle a fait son autoportrait en Allégorie de la Peinture (1658) - Musée Pouchkine (Moscou) - en se représentant couronnée de lauriers (signe de victoire) et vêtue d'un riche costume où la lumière joue. L'encrier en arrière plan indique son niveau de culture.
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Elizabeth-Sophie Chéron est une artiste peintre française (fille d'Henri Chéron, peintre) née à Paris en 1648 et décédée en 1711. Elle a été recommandée par Le Brun pour entrer en 1672 à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Elle est la quatrième femme peintre à entrer dans cette académie. Artiste complète Elisabeth-Sophie Chéron jouait du luth, s’adonnait à la poésie et lisait le latin, le grec et l’hébreu.
Elizabeth-Sophie Chéron (Autoportrait - 1672) - Musée du Louvre
Elle tient à la main un dessin (côté noble à la différence de la peinture vécue comme un fard). Les plissés de son écharpe sont superbes.
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Mary Beale est une artiste peintre anglaise née en 1633 et décédée en 1699. Elle est considérée comme étant la première femme peintre professionnelle et l'une des plus grandes portraitistes du XVIIème siècle en Angleterre. Son père, John Cradock, est un peintre amateur ainsi que son mari, Charles Beale, qui deviendra son assistant.
Mary Beale (Autoportrait - 1675)
Elle tient à la main le portrait de ses deux fils (on sait ainsi que si elle est une bonne peintre, elle est aussi une bonne mère de famille). De beaux reflets sur ses vêtements...
Les Lumières
Rosalba Carriera est née en Vénétie en 1675 et décédée à Venise en 1757. C'est une artiste peintre du mouvement "rococo" qui lança la mode du pastel en France. Elle s'est spécialisée dans les miniatures sur ivoire (boîtes à tabac). En 1720, elle est élue à l'Académie royale de peinture de Paris et devient par ses œuvres au pastel la portraitiste la plus recherchée du tout-Paris. Quentin de la Tour lui est très redevable.
Rosalba Carriera se représente en train de peindre le portrait de sa sœur et collaboratrice Giovanna (1709) - Corridor de Vasari - Florence
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Anne Vallayer-Coster est une artiste peintre française du mouvement "rococo". Elle est née en 1744 à Paris où elle décède en 1818.
Elle peint "Les attributs de la Peinture de la sculpture et de l'Architecture" en 1769 pour se présenter à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture où elle est admise en 1770 en tant que peintre de natures mortes. Cette œuvre fait pendant aux œuvres de Chardin présentées à l’Académie en 1765, portant les mêmes titres et représentant les mêmes accessoires disposés dans un ordre très proche.
Au premier plan, des plans d'architecte en référence au dessin (sérieux du métier). Avec le buste de plâtre (Torse du Belvédère), elle montre qu'elle sait peindre les nus. La tête de femme sur un tabouret est un autoportrait caché. Anne Vallayer-Coster est une femme des Lumières...
Lucie nous donne la référence du site "Musée critique de la Sorbonne" sur lequel le tableau est décrit : cliquez ICI.
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Marie-Suzanne Giroust-Roslin est une artiste peintre miniaturiste et pastelliste française. Elle est née en 1734 à Paris où elle est décédée en 1772 suite à un cancer du sein. Son père, Alexandre Roslin, était marchand mercier-joailler de la garde-robe du roi. Elle se maria en 1759 avec Alexandre Roslin, un peintre suédois venu s'établir à Paris. Elle fut admise à l'Académie le même jour qu'Anne Vallayer-Coster (1770) comme peintre de pastel. Elle fut l'élève de Maurice-Quentin de La Tour.
Marie-Suzanne Giroust-Roslin (Autoportrait avec le portrait de Maurice-Quentin de La Tour -1770) - Collection particulière
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Angelica Kauffman est une artiste peintre autrichienne née en 1741 et décédée à Rome en 1807. D'une famille d'artistes, elle est l'une des femmes peintres et portraitistes les plus célèbres du XVIIIème siècle. Elle est connue pour ses portraits et ses autoportraits.
Angelica Kauffmann (Autoportrait avec le buste de Minerve - 1780) - Château de Tancut (Pologne)
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Elisabeth Vigée-Lebrun est née en 1755 à Paris où elle est décédée en 1842. C'est une artiste peintre française considérée comme l'une des plus grandes portraitistes de son temps.
Elisabeth Vigée-Lebrun (Autoportrait au chapeau de paille - 1782) - National Gallery
Elle s'est inspirée d'un tableau de Rubens intitulé "Le chapeau de paille" (1622-1625). Élisabeth Vigée Le Brun se représente en femme active, la palette et les pinceaux à la main . Le succès du tableau attira de multiples commandes. De nombreuses femmes, y compris la reine, souhaitèrent apparaître en chapeau de paille et vêtues d’une robe simple (elle a ainsi peint une "Marie-Antoinette à la rose").
Le tableau donne une image atypique d’une femme particulièrement originale : proche de la reine Marie-Antoinette, mais travaillant comme un homme, attachée à la royauté et fuyant la Révolution, préfigurant par son statut social l’évolution ultérieure de la condition féminine.
Elisabeth Vigée-Lebrun (Portrait de Marie-Antoinette - 1787)
Musée national du Château de VersaillesMarie-Antoinette décide de répondre aux accusations qui courent sur elle depuis tant d’années (le peuple français l'accusait de dilapider l'argent de l'Etat) en commandant u tableau à Elisabeth Vigée-Lebrun. Sur ce tableau, Marie-Antoinette ne porte qu’une modeste paire de pendants d’oreilles laissant son cou vierge de tout collier, détail important qui montre que la reine veut se racheter auprès de son peuple en montrant qu’elle n’attache pas grande importance aux diamants et autres « fantaisies ». Elle veut aussi se montrer en ce qu’elle est vraiment : une mère attentionnée.
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Adélaïde Labille-Guiard est née à Paris en 1749 et y est décédée en 1803. C'est une artiste peintre miniaturiste et pastelliste française (élève de Quentin de La Tour). Son père n'est pas peintre mais mercier. Quand elle épouse Nicolas Guiard à vingt ans, elle a déjà été admise à l'Académie de Saint-Luc où elle exerce en tant que peintre professionnel. Même si elle divorce dix ans après puis se remarie avec un peintre professionnel connu lors de son adolescence, elle conserve le nom de Guiard puisque c'est sous ce nom qu'elle est connue dans le monde artistique.
Adélaïde Labille-Guiard (Autoportrait avec deux élèves - 1785)
Metropolitan Museum of Art de New-YorkL'artiste est représentée assise, palette et pinceaux en main. La signature sur le chevalet en témoigne, cet atelier est le sien : elle est à la fois peintre et figure principale de cet autoportrait au format inhabituellement imposant. Cette œuvre a été interprétée comme un plaidoyer en faveur de la place des femmes en peinture, en particulier pour leur admission en plus grand nombre à l'Académie royale de peinture et de sculpture, où ce nombre était limité à quatre. L'artiste se représente ici en costume de ville, en compagnie de deux de ses élèves, Marie-Gabrielle Capet et Marie-Marguerite Carreaux de Rosemond.
J'admire la grande technicité de l'artiste à peindre les plis et les reflets de cette robe de satin bordée de dentelle.
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Marie Gabrielle Capet est née à Lyon en 1761 et décédée à Paris en 1818. Elle est fille de domestique mais monte à Paris à vingt ans pour apprendre la peinture avec Adélaïde Labille-Guiard.
Marie-Gabrielle Capet (Autoportrait - 1783)
National Museum of Western Art, TokyoQuelle transparence dans ce voile couvrant une robe dont la couleur est subtilement rappelée par ce nœud de satin...
Marguerite Gérard est née à Grasse en 1761 et décédée à Paris en 1837. C'est la fille du parfumeur grassois Claude Gérard.
Marguerite Gérard (L'élève intéressante - 1787) - Musée du Louvre
La composition raffinée et la délicatesse d’exécution de ce tableau en font un chef-d'œuvre de la peinture française du 18e siècle. Il n'est pas impossible que Jean-Honoré Fragonard ait peint le chien et le chat en bas du tableau. L'artiste se représente en train de regarder un tableau de Fragonard justement "La fontaine d'amour".
La boule à ses pieds la reflète devant son chevalet aux côtés de Fragonard. Elle se revendique ainsi comme véritable artiste peintre. Elle eut beaucoup de succès au point que Napoléon Ier lui commanda même un tableau...
La Révolution et l'Empire
Marie-Guillemine Benoist est née à Paris en 1768 et y est décédée en 1826. Elle est formée par Elisabeth Vigée-Lebrun à partir de 1781 puis entrera dans l'atelier de Jacques-Louis David, premier peintre de Napoléon.
Marie Guillemine Benoist (Autoportrait - 1790) - Localisation inconnue
L'artiste se représente les pinceaux et la palette à la main mais regarde bien le public comme pour affirmer que, bien que femme (avec tous ses attraits), elle n'en est pas moins peintre.
Marie-Guillemine Benoist (Portrait d'une négresse - 1800) - Musée du Louvre
Vers 1795, elle abandonne les sujets classiques pour la peinture de genre, après de rudes attaques et se libère progressivement de l’influence de David. Ce tableau assoit immédiatement sa réputation. Peint seulement six ans après l’abolition de l’esclavage, il est considéré comme son chef-d'œuvre et comme un manifeste de l’émancipation des esclaves et du féminisme. Ce portrait, qui représenterait une domestique ramenée des îles par le beau-frère de l’artiste, sera acheté par Louis XVIII pour l’État français en 1818.
J'adore ce tableau : merci Lucie de l'avoir sélectionné.
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Hortense Haudebourt-Lestcot est née en 1784 à Paris où elle est décédée en 1845. Fille d'un parfumeur décédé alors qu'elle n'a que deux ans, elle est élevée par son beau-père. Elle est l'auteure de scènes de genre, de portraits et de peintures d'histoire et est essentiellement connue pour avoir été la peintre attitrée de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry.
Hortense Haudebourt-Lestcot (Autoportrait de l'artiste - 1800) - Musée du Louvre
L'artiste se représente en buste, le stylo ou le pinceau à la main.
Constance Mayer est née en 1774 dans l'Aisne et est décédée à Paris en 1821. Elle était l'élève et la collaboratrice de Pierre-Paul Prud'hon dont elle était la maîtresse et auxquelles certaines de ses œuvres furent attribuées.
Constance Mayer (Autoportrait 1801) - Bibliothèque Marmottan
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Marie-Denise Villers (dite Nissa Lemoine de son nom de jeune fille) est née à Paris en 1774 et y est décédée en 1821. Elle est issue d'une famille d'artistes. En 1794, elle épouse un étudiant en architecture, Michel-Jean-Maximilien Villers. Elle est surtout connue pour ses portraits.
Marie-Denise Villers (Jeune femme dessinant - 1801)
New York Metropolitan Museum of ArtL'œuvre, qui a été attribuée à David, ne lui est réattribuée que depuis 1996.
Marie-Denise Villers (Portrait de Madame Soustras laçant son chausson - 1802)
Se plaisant à brouiller les frontières entre portrait et peinture de genre, la figure féminine isolée saisie dans une occupation est un type de composition récurrent dans son œuvre.
Nous voici maintenant arrivés au XXème siècle. Deux artistes se sont inspirées d'un tableau de Jean Auguste Dominique Ingres datant de 1862, Le Bain turc (Musée du Louvre). Ce tableau est l'aboutissement de 60 années de travail : Ingres l'a peint alors qu'il avait 83 ans.
Marguerite Nakha est née à Alexandrie en 1908 et a fait ses études de peinture en France, en particulier à l'Ecole du Louvre. Elle a partagé sa vie entre l'Egypte et la France.
Marguerite Nakhla (Le bain turc - 1953)
Sylvia Sleigh est une artiste peintre réaliste américaine née en 1916 au Pays de Galles et décédée en 2010 à New-York. Elle rencontre son deuxième mari, Lawrence Alloway, conservateur et critique d'art à l'Université de Londres.
Son travail propose un renversement du schéma "homme-artiste/femme-muse" typique du canon occidental et reflète la recherche sur la position de la femme tout au long de l'histoire de l'art en tant que modèle, maîtresse et égérie, mais rarement en tant qu'artiste-génie.
Sylvia Sleigh (The Turkish Bath - 1973) - Smart Museum of Art, Chicago
Le tableau semble être une version inversée du tableau de Ingres datant de 1862. Sylvia Sleigh y représente un groupe de critiques d’art, y compris son mari, Lawrence Alloway (allongé en bas à droite) nus, dans des poses lascives.
Lucie m'a dit que sa prochaine conférence porterait sur "Les scandales dans l'art".
J'ai hâte d'y assister !
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Ce vendredi, il faisait un temps de rêve pour la balade qu'Anne-Marie Guérin, animatrice de l'atelier "Petites promenades dans Paris" de Générations 13, avait mise à son programme de rentrée. Cette dernière avait donné rendez-vous à une dizaine d'adhérents pour une promenade historique et architecturale dans le quartier du Gros Caillou devant l'entrée du musée des Egouts de Paris situé au niveau du Pont de l'Alma, côté rive gauche.
Anne-Marie commence par nous situer le Gros Caillou : il s'agit d'une zone limitée au nord par la Seine, à l'ouest par le champ de Mars, au sud par l'avenue de la Motte-Picquet et à l'est par les Invalides.
On appelait jusqu'au milieu du XVIIème siècle cet espace parsemé de maraîchers, de vergers, de vignes et de prés, la plaine de Grenelle, un nom qui vient de "garanella", car on y chassait le lièvre et la caille. Les abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Sainte-Geneviève se partageaient cet espace agricole, elles y faisaient notamment paître leurs vaches. Un rocher surnommé le Gros Caillou marquait la limite entre les terres des deux abbayes. Il a été détruit en 1738 mais a laissé son nom au bourg.
Dès que l'on arrive sur les lieux, on est attiré depuis octobre 2016 par les dômes dorés de la cathédrale russe orthodoxe de la Sainte-Trinité qui jouxte la tour Eiffel.
Le quartier du Gros Caillou s’est développé au XVIIème siècle à partir de la construction des Invalides par Louis XIV : le roi souhaitait en effet en faisant construire cet édifice assurer aide et assistance aux invalides et handicapés de ses armées. Le chantier va attirer dans ce quartier de nombreux artisans travaillant dans le bâtiment (la proximité de la Seine permettait l’acheminement des matériels de construction par voie d’eau). Ce quartier populaire, peuplé d'artisans, tranchait à l’époque avec le riche quartier voisin du Faubourg Saint-Germain et ses hôtels particuliers des XVIIème et XVIIIème siècles.
On y trouvait des lavandières qui profitaient de la proximité de la Seine pour exercer leur activité. Elles s’occupaient du linge des soldats des Invalides, d’abord sur le bras situé entre l’île des cygnes et la Seine, puis l’eau étant de plus en plus sale, sur des bateaux-lavoirs (alimentés par des réservoirs d'eau) qui n’étaient pas uniquement de simples laveries, mais bel et bien un lieu de détente où l’on aimait se retrouver. Parfois même de façon plus intime : les lavandières étant réputées à l’époque pour leurs mœurs légères dit-on parfois.
©Musée Carnavalet, estampe d’Auguste Lepère (1891)
Sur la Seine, un bateau-lavoir relié à la rive par une passerelleA ce niveau de la Seine existait autrefois une île appelée Ile des Cygnes, ainsi nommée en raison d'une ordonnance royale de 1676 qui permit l'installation d'une colonie de cygnes sur l'île en hiver. Ces cygnes, offerts par le Danemark à Louis XIV, étaient destinés à orner les jardins de Versailles à la belle saison mais il n'était pas rare qu'on retrouva parfois des cygnes jusqu'à Rouen !
L'Ile des Cygnes portait également le nom d'Ile Maquerelle (peut-être une déformation de "male querelle" car on s'y battait en duel).
On y trouvait le "Dépôt des marbres", un ancien hangar de stockage fondé par Colbert, à l'emplacement de l'actuel musée du quai Branly. Au XIXème siècle, on y faisait venir du marbre de Carrare. le dépôt a été exproprié en 1901.
Installée le long de la Seine, il y avait à l'époque une "pompe à feu" actionnée par la vapeur, une création des frères Perrier sur un modèle anglais. Cette pompe à feu appelée "Pompe à feu du Gros Caillou" permettait de stocker l'eau de la Seine dans un réservoir situé en hauteur et alimentait ainsi treize fontaines de la rive gauche. Elle a été inaugurée en 1788 mais disparut en 1858 car elle créait beaucoup de pollution du fait des fumées qui s'échappaient de ses cheminées.
Il y avait aussi dans ce quartier de l'actuel 7ème arrondissement la Manufacture de Tabac du Gros Caillou qui fournissait le tiers de la production française de cigarettes et de cigares. Créée en 1810 et fermée en 1904 (elle sera détruite quatre ans après), elle employait 2000 ouvriers et ouvrières. Les conditions de travail étaient très dures, avec des salaires très bas (3 francs par jour pour les hommes et 2 francs par jour pour les femmes, les femmes étant préférées car ayant de plus petites mains pour rouler les cigarettes) et une très mauvaise salubrité.
Et maintenant, un petit rappel sur l'alimentation en eau de Paris
Les premiers égouts souterrains de Paris furent construits par les Romains. Au Moyen-Age, l'évacuation des eaux usées n'était pas une priorité, on les jetait directement au milieu des rues qui étaient pavées d'où l'expression "tenir le haut du pavé" car les personnes des classes populaires laissaient le haut des rues (qui étaient étroites) aux nobles, de meilleure condition sociale.
A cette époque plusieurs cours d'eau descendent de Montmartre, de Belleville et du Pré Saint-Gervais. Un premier égout souterrain fut construit sous la rue Montmartre qui servait de collecteur principal pour la rive droite tandis que la Bièvre remplissait ce rôle pour la rive gauche, tous deux se déversant ensuite dans la Seine.
Le premier Service des Egouts de Paris est créé au début du XIXème siècle. Quand une grande épidémie de choléra se déclare en 1832 à Paris, le réseau fait moins de 50 km. Les grands travaux commenceront réellement en 1853, sous Napoléon III, avec l'arrivée du Baron Haussmann et de l'ingénieur général des Ponts et Chaussées, Eugène Belgrand. Ceux-ci construisent des collecteurs sous les tout nouveaux Grands Boulevards. En 1870, on en était à 500 km de canalisations.
Eugène Belgrand décidera aussi de créer deux réseaux distincts pour alimenter séparément, d'une part le nettoyage des rues et d'autre part l'eau potable. En effet, jusqu'à cette date les parisiens buvaient l'eau de la Seine, ce qui donnait lieu à des épidémies. Des aqueducs sont construits en aval de Paris pour capter les eaux de source et les acheminer dans des réservoirs.
En 1894, c'est la création du "tout-à-l'égout" et à partir de 1930 on commence à construire des stations d'épuration en France : Paris se dotera ainsi de 4 stations : Achères, Noisy-le-Grand, Valenton et Colombes.
Aujourd'hui, le réseau parisien compte plus de 2500 km de galeries techniques situées sous les rues de la capitale. Les égouts sont visitables au 93 quai d'Orsay.
Vue souterraine d'un collecteur d'égout
Après cette "mise en bouche" si j'ose m'exprimer ainsi à propos des égouts..., la promenade commence vraiment. Ne pouvant à la fois prendre des notes et des photos, c'est Annie Perrot qui s'est chargée de cette tache. Merci à elle de m'avoir déchargée.
Information sur les fameuses fontaines Wallace : il y en a 95 dans la capitale.
Une fontaine Wallace que je n'ai pas vue, située au niveau de l'entrée du musée des Egouts
Devant le 91-93 quai d'Orsay se trouvent deux immeubles Art Déco.
Le premier, tout blanc, possède des fenêtres bateaux, plus larges que hautes, en forme de Bow-Windows. Le béton est ici recouvert d'un placage de pierre. Il est dû à Michel Roux Spitz, contemporain de Le Corbusier.
Le deuxième, son voisin, est de Léon Azéma, prix de Rome en 1921. Il est caractérisé par un décor en écailles de poisson et des balcons triangulaires qui lui donnent un petit air de proue de navire.
Les garde-corps du bâtiment formant l'angle avec l'Avenue Bosquet sont ornés de ferronneries en forme de damier et de crosse.
Entre le 67 et le 91 du même quai se tenait autrefois le Magic City, un parc d'attractions ouvert de 1900 à 1934 par Ernest Cognacq-Jay, le fondateur de la Samaritaine. Donnant à la fois sur le quai d'Orsay et la rue de l'Université, il était principalement destiné aux adultes. Tout y était fait pour le divertissement : spectacles, attractions foraines, restaurant, bal, curiosités, représentations "d'indigènes". Le parc possédait une grande piste de dans avec orchestre.
A partir de 1920 , il y fût organisé chaque année le bal travesti de la Mi-Carême : en effet, le Magic City était le phare des nuits homosexuelles de Paris comme le montre cette photo de Brassaï (1931).
Il fût fermé le 6 février 1934 par décision des autorités, lors du lotissement du quartier et de la création, sur son emplacement, de la rue Cognacq-Jay.
Et justement, empruntant la rue de l'Université, c'est au 13-15 de la rue Cognacq-Jay que nous nous rendons maintenant. Il s'agit du Centre Alfred Lelluch, Directeur des services techniques de la radiodiffusion clandestine et donc résistant, comme le montre cette plaque commémorative.
Remontons le temps jusqu'à la période de l'occupation allemande (1943-1944). A cette époque, Kurt Hinzmann, ancien directeur des programmes de télévision de Berlin, est à la recherche un local pour y installer les futurs studios d'un programme émis par l'émetteur de la tour Eiffel (récemment remis en service après avoir été saboté) destiné à distraire les soldats allemands hospitalisés. Ce sera "Fernsehsender Paris".
La salle de bal du Magic City est suffisamment vaste pour être transformée en studio. Derrière le dancing, il y a un garage abandonné qui peut servir d'atelier ; celui-ci touche un bel immeuble, une pension de famille donnant sur la rue Cognacq-Jay (N°13 à 15) qui peut servir aux services administratifs. Cet ensemble est idéal d'autant que la tour Eiffel est toute proche : le Magic-City est réquisitionné immédiatement.
"Fernsehsender Paris" émettra du 7 mai 1943 au 12 août 1944. Les allemands, qui s'en vont en août 1944, laissent au Français une station de télévision opérationnelle parmi les plus performantes du monde.
Les studios Cognacq-Jay fonctionneront jusqu'en 1963, date de l'ouverture de la Maison de l'ORTF. A cette adresse du 13-15 rue Cognacq-Jay existaient encore il y a quelques années la chaîne LCP et Public Sénat plus quelques autres mais actuellement l'immeuble semble avoir été vendu.
Mine de rien, l'heure tourne et nous pouvons maintenant visiter la Cathédrale de la Sainte-Trinité qui est ouverte au public entre 14h et 19h. Elle est l'œuvre de Jean-Michel Wilmotte et est le centre administratif de l'Exarchat de l'Eglise Orthodoxe Russe en Europe Occidentale, qui regroupe des paroisses orthodoxes de tradition russe en France, en Suisse, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et au Portugal. Autrement dit, c'est un lieu très important pour la communauté européenne orthodoxe.
Avouez qu'elle a sacrément fière allure avec ses cinq coupoles mates faites d'un alliage d'or et de palladium. Cinq coupoles : la plus grosse représente le Christ et les petites les quatre évangélistes.
Ses murs sont, eux, recouverts de pierre de Bourgogne.
Un petit tour à l'intérieur permet d'admirer l'iconostase ou "cloison d'icônes" qui sépare la nef du sanctuaire où se tient le clergé célébrant l'eucharistie. Les fidèles assistent à l'office debout et celui peut durer des heures... (photo internet)
Un peu clinquant, le lustre : tout ça sent le neuf...
La communauté de la cathédrale a la chance de posséder deux œuvres datant du XVIIIème siècle : l'icône du saint ancêtre Adam (le crucifix) et à droite, l'icône de l'archange Gabriel.
Revenons au 182 de la rue de l'Université avec cet immeuble haussmannien particulièrement travaillé où Rodin avait installé un atelier de taille de pierre (le dépôt des marbres était voisin, sis sur l'Ile des Cygnes).
Les immeubles haussmanniens ne dépassent jamais six étages : ils sont caractérisés par une façade en pierre de taille (matériau noble) alignée sur les immeubles voisins et un étage "noble", au deuxième, réservé par exemple au propriétaire, et possédant un balcon sur toute la largeur de l'appartement.
Parfois le cinquième en est aussi pourvu comme ici pour équilibrer l'esthétique de la façade, le dernier étage servant de combles ou d'appartement de service (on aperçoit ici ses fenêtres en forme de lucarnes).
L'immeuble blanc Art Déco voisin (faisant face à la Villa Bosquet) est l'autre côté de la salle de bal du Magic City.
Nous empruntons ensuite le passage Landrieu où l'on peut voir, par contraste, au N°3 un petit immeuble aux volets de bois tout simple.
Tournant à gauche au bout du passage Landrieu dans la rue Saint-Dominique, nous voici arrivés devant l'église Saint-Pierre du Gros Caillou : à l'époque où le quartier se développa, il devint nécessaire de construire une église pour suppléer à Saint-Sulpice. L'église fut érigée en 1776, treize ans avant la Révolution mais l'édifice actuel date de 1822-1830.
En forme de basilique, elle est précédée d'un péristyle dorique à fronton ; l'inscription en latin, sur la façade, évoque le célèbre jeu de mots attribué au Christ "Tu es Pierre et sur cette pierre...". Il fait aussi référence, ici, à la grosse pierre de bornage qui a donné son nom au quartier et qui se trouvait juste à cet endroit.
Voici la grosse cloche donnée à la paroisse par les grognards, alors nombreux dans le quartier. Elle a été descendue pour être remplacée par quatre cloches formant un carillon.
L'intérieur de l'église est très sobre avec un joli plafond à caissons ornés de fleurs.
On y trouve un plaque qui rappelle le passé révolutionnaire de la France : le premier Maire de Paris (éminent scientifique), Jean-Sylvain Bailly, y fût enterré après avoir été guillotiné pour avoir déposé en faveur de Marie-Antoinette.
Des fresques en cours de restauration
A l'arrière de l'autel, une chapelle (de l'architecte Paul Vimond - 1971) aux vitraux modernes a été adjointe à l'église.
Voici maintenant l'Hôtel de Béhague (Ambassade de Roumanie) : il est situé au 5 de la rue de l'Exposition.
Les lourdes portes en bois sont ornées de poignées de bronze très élégantes.
Une Vénus pudique...
La fontaine de Mars se situe au centre d'une placette, au niveau des 129-131 de la rue Saint-Dominique. Elle était alimentée par la Pompe à feu du Gros Caillou. Au pied, une plaque indique le niveau de l'eau atteint par la Seine en 1910.
Sur le côté faisant face à la rue un bas-relief y représente Hygie, la déesse de la Santé, offrant de l'eau au dieu de la Guerre, Mars.
Les quatre faces de la fontaine portent des mascarons qui crachent de l'eau mais un seul est en fonctionnement.
La fontaine a donné son nom au Bistrot "La Fontaine de Mars" donnant sur la placette dans lequel différents personnages célèbres vinrent déjeuner tels Barack et Michelle Obama en 2009 lors d'une visite privée.
Anne-Marie nous montre ensuite une horloge (située à l'entrée de la rue de l'Exposition) qui indiquait l'heure aux ouvriers travaillant dans ce quartier industrieux et qui n'avaient pas tous les moyens de se procurer l'heure...
Il eut été dommage de ne pas pouvoir jeter un coup d'œil, au niveau du 133 de la rue Saint-Dominique, à ce superbe square Sédillot... mais heureusement le gardien nous a laissé entrer. Il s'agit d'un square de style Art Déco qui date de 1935. Une fois franchie la grille, on pénètre sous un passage vouté orné d'élégants lustres modernes.
On se retrouve dans une grande cour pavée de brique, agrémentée de buissons, avec une grande vasque centrale. Prix du m² : entre 11.000 et 17.000 euros...
L'occasion d'une photo du groupe
Et maintenant, avec le (petit) groupe du vendredi 15
Au N°12 de la rue Sédillot, le lycée italien Leonardo da Vinci qui est, lui, Art Nouveau (construit en 1899 par Jules Lavirotte) avec ses décorations florales.
Au N°8 de la même rue, un immeuble haussmannien tardif attire le regard.
Daté de 1898, il est décoré d'un lion à la crinière généreuse et d'une abondance de fleurs qui sont l'oeuvre de Louis Déjardin.
Et celui-ci, Art Nouveau, situé au 29 de l'avenue Rapp, qu'en pensez-vous ? Il est signé, deux ans après, du même architecte Jules Lavirotte et était habité par Alexandre Bigot, son propriétaire, qui en avait fait la vitrine de son métier : céramiste. Aucune symétrie sur la façade. Tout est basé sur le déséquilibre... (photo internet prise en hiver)
La signature de l'architecte
Anne-Marie nous fait remarquer ce dessus de balcon recouvert de céramiques.
Pas mal non plus les têtes de vaches
La porte cochère est joliment mise en valeur par les sculptures de Jean-Baptiste Larrivé.
A gauche, Adam, et à droite, Eve
Anne-Marie nous explique que la poignée de porte en forme de lézard est un symbole érotique (en argot parisien du début du XXème siècle, un lézard désignait paraît-il un phallus). On trouve aussi sur le net comme symbolique du lézard la renaissance et le renouvellement (sa queue repousse toujours). Ne serait-ce pas plutôt dans ce sens puisqu'il s'agit ici d'Art-Nouveau ? C'est une interprétation toute personnelle... (Photo blog archiphotos)
Petite trouée sur la tour Eiffel en face du square Rapp
C'est dans ce square que s'est installée la Société théosophique de France dont la devise est : "Il n'y a pas de religion supérieure à la vérité." Elle a influencé Ghandi. Il paraît que ses fidèles attendent le retour du Christ...
Le bâtiment a été construit entre 1912 et 1915 par l'architecte Louis Lefranc. De mouvance éclectique, l'immeuble emprunte au style troubadour ses arcs en accolade et sa tourelle, à l'Art Nouveau ses motifs floraux et ses baies vitrés, à l'Art Déco ses formes géométriques.
A gauche du square, un immeuble assez extraordinaire aussi, toujours de Jules Lavirotte (1903) tandis que le mur aveugle qui sépare les deux bâtiments a été harmonieusement décoré d'un trompe-l'œil. Il paraît que l'architecte y habita quelques années.
Au croisement de la rue de Grenelle et de la rue Cler, un marché très prisé...
Cette crèche située au 182 rue de Grenelle n'a rien d'extraordinaire sinon qu'elle a une histoire : c'était autrefois la crèche collective de la Croix-Rouge dans laquelle les ouvrières de la Manufacture de Tabac du quai d'Orsay déposaient leurs enfants avant d'aller travailler.
Anne-Marie nous a lu un passage d'un livre qui dénonce le mauvais état de santé des enfants des manufacturières à cette époque là (Intervention du Dr Goyard lors du Congrès international d'hygiène tenu à Paris en 1878) :
"L'enfant nicotinisé dès le sein de sa mère, et qui arrive pourtant à terme dans des conditions de viabilité, ne fait jamais du moins une brillante entrée dans le monde. D'après le témoignage des sages-femmes qui accouchent les ouvrières de la manufacture du Tabac, ces enfants naissent faibles et misérables et restent tels encore pendant des mois, parfois des années, surtout s'ils sont allaités par leur propre mère. J'ai observé moi-même l'aspect malingre de ceux qui ont subi l'influence funeste du tabac. A première vue, ils se distinguent de leurs petits compagnons par un teint pâle et blême, des formes exigües, un ensemble qui fait naître la pitié et la tristesse."
Celles-ci étaient en effet souvent atteintes d'emphysème ou de cancer du poumon et les enfants trinquaient !
La balade se termine devant ce petit jardin de l'église protestante Saint-Jean (on peut y voir un édifice à colombages qui évoque un peu un cottage anglais) située juste en face le passage Jean Nicot qui est encore pavé. Encore une référence à la Manufacture : l'ambassadeur à Lisbonne et érudit du XVIème siècle, censé avoir introduit le tabac en France (il a au moins envoyé du tabac en poudre à Catherine de Médicis pour soulager ses maux de tête). On a même un moment appelé le tabac "herbe à Nicot". Le nom scientifique de la plante est Nicotiana tabacum et le mot "nicotine" immortalise le nom de l'ambassadeur.
Pour les courageux, Anne-Marie nous a aussi indiqué l'existence de l'ex musée-galerie de la SEITA ouvert en 1979 au N°12 de la rue Surcouf. Il retraçait l'histoire du tabac et de ses usages depuis le XVIème siècle mais a malheureusement été démantelé et fermé définitivement en 2000. Les quelques 512 objets qui restent sont maintenant exposés au musée de Bergerac.
Un grand merci à Anne-Marie pour le guidage et les explications.
Comme toujours, une promenade très intéressante
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Aujourd'hui, c'est Annie Perrot qui a choisi notre destination et préparé la randonnée au départ de Bures-sur-Yvette, en vallée de Chevreuse. Un petit coup de RER B et le tour est joué. Les papotages vont bon train, il va sans dire... C'est toujours un plaisir d'échanger. Nous sommes aujourd'hui huit randonneuses à nous être levées ce matin du bon pied, prêtes à faire les 11 km annoncés.
Nous sommes tout de suite dans la nature même si le sentier est bien tracé.
Ce ruisseau canalisé est à moitié à sec malgré les pluies récentes.
Est-ce l'Yvette... ? Annie me le dira peut-être.
Un arbre pour Huguette... On dirait bien qu'il pleure des larmes !
C'est là que nos chemins se séparent : au bout de 3 km, deux randonneuses (à gauche sur la photo) vont rebrousser chemin et pique-niquer ensemble avant de reprendre leur train tandis que nous continuerons la boucle. Chacun marche selon ses possibilités, c'est l'aspect souple de cet atelier de G13 tenu par Jacqueline Letourneur.
Francine écoute religieusement les explications d'Annie : il ne faut pas risquer de se perdre !
Bois flotté et lentilles d'eau font ici bon ménage.
C'est la pleine saison des roses : celles-ci ont poussé au bord du chemin.
Ah, si Annie Brulfert était avec nous, elle nous aurait donné le nom de ces jolies graminées...
C'est ce qui arrive quand on est à la traîne : on fait des photos de dos !
Plus sympa comme ça tout de même, n'est-ce pas ? En tête de la file indienne, Marie-Hélène et Jacqueline.
Tout est dans le nom...
Nous voici arrivés à Gometz-le-Châtel et suivons toujours le GR/PR rouge et jaune.
Ce bâtiment acheté par la commune en 1826, abrita le presbytère jusqu'en 1921 puis fût le bureau de poste jusqu'en 1958.
Au pied de cet escalier, la nature a repris ses droits.
Annie, qui a lu mon post, m'a dit qu'il s'agissait ici de benoîte et d'herbe à Robert (une sorte de géranium)... Je savais bien qu'elle en connaissait un rayon !
Laissé à l'abandon, Daniel Simalla, sculpteur, entreprit sa restauration en 1976.
Sur la mosaïque du fronton, son nom : L'Ortie rouge
Quelle harmonie de couleurs !
Même la boîte aux lettres est une œuvre d'art...
Jacqueline remarque, à juste titre, ces jolis toits recouverts de tuiles à l'ancienne.
N'est-il pas adorable ce petit fenestron ?
On ne s'en lasse pas !
Voici l'église Saint-Claire de Gometz, en grès et pierres meulières : construite entre les XIème et XVIème siècles, elle est inscrite depuis 1983 à l'inventaire des monuments historiques. Elle abrite (mais nous ne la verrons pas) sa cloche d'origine qui date de 1712.
Elle est bordée par le cimetière du village (photo internet)
Tiens, des congénères !
Des bénévoles de Gometz ont créé ici un merveilleux jardin médiéval.
Il est demandé sur une affichette d'apprécier ce lieu hors du temps et de le respecter.
Pour profiter des récoltes, il suffit de demander aux bénévoles.
C'est dans ce cadre absolument idyllique que nous pique-niquons, sur une table s'il-vous-plait !
Toutes les bonnes choses ont une fin : nous reprenons la route.
C'est la pleine saison des coquelicots : on en voit maintenant beaucoup au bord des chemins depuis que les désherbants ont été interdits.
Et ces roses trémières, ne sont elles pas jolies ?
C'est une randonnée avec des dénivelés...
Nous voici maintenant arrivées au niveau du viaduc des Fauvettes. Celui-ci surplombe la vallée de l'Yvette à proximité du bois des Fauvettes d'où son nom. Il a été construit en 1913 pour permettre la liaison ferroviaire entre Paris et Chartres par Gallardon. Sa construction issue d’une décision politique ne s’est pas révélée rentable puisque la ligne n’a fonctionné que 9 ans seulement.
Photo internet
Madeleine, Marie-Hélène, Jacqueline, Sylvie et Annie
Avec moi cette fois-ci
Depuis le parapet, la vue est fabuleuse.
Plus nature que ça, tu meurs !
Le viaduc est utilisé comme site d'entraînement pour l'escalade : il est considéré comme "la plus haute falaise d'Ile-de-France" par les grimpeurs.
Les spéléologues l'utilisent aussi pour la pratique de la descente en rappel, grâce à ses deux trois pratiqués dans le tablier.
Que de variété dans cette randonnée !
Un peu ratée, la photo par manque de lumière...
La boucle est presque bouclée : il ne nous reste plus qu'à reprendre notre train en gare de Bures.
Un grand merci à Annie pour avoir préparé cette merveilleuse randonnée.
2 commentaires -
Anne-Marie, qui anime l'atelier "Petites promenades dans Paris", nous a proposé pour terminer en beauté cette année un peu compliquée une visite guidée du château de Vincennes par l'association "Paris - Art et Histoire".
C'est à la tour du Village que Monsieur Obel, notre guide pour cette visite, nous accueille : elle constitue l'entrée actuelle du château. Avec ses 42 mètres de haut, son architecture et son décor sculpté d'une qualité exceptionnelle, c'est la plus importante du mur d'enceinte de Charles V et la seule à subsister aujourd'hui dans son élévation d'origine, les huit autres tours ayant été arasées au cours des siècles.
Ou la la... C'est haut !
On voit ici le mur d'enceinte percé, dans un premier temps de meurtrières (pour les mousquets), puis de plus grandes ouvertures (pour les canons). Le fossé, profond de 4 mètres de plus que l'actuel engazonné, était rempli d'eau formant des douves infranchissables.
Nous entrons dans l'enceinte du château par le porche pourvu d'un pont-levis dont on voit ici les flèches et les chaînes. La façade est élégamment décorée de petites niches devant abriter autrefois, je suppose, des statuettes aujourd'hui disparues.
A l'entrée, un plan du château pour se repérer : la tour du Village en bas, le Donjon et le Pavillon du roi à droite, la Sainte-Chapelle et le Pavillon de la reine à gauche, là est le principal.
En jetant un coup d'œil circulaire à la cour intérieure, on aperçoit d'abord, à l'arrière, les casemates : n' oublions pas que le château a servi de caserne pendant un temps.
Puis, l'œil s'arrête sur le Pavillon des armes, le Pavillon du Génie et la Sainte-Chapelle.
On voit au premier plan une fontaine : elle fut construite au XIIIème siècle et demeure le seul vestige visible de l'ancien manoir capétien. Cette dernière fut la résidence préférée de Saint-Louis pour accueillir les événements importants de la famille royale.
La chapelle du château est une Sainte-Chapelle car elle a abrité les reliques de la Passion (un morceau de la "vraie croix" et une "épine de la couronne du Christ").
Nous en approchant, nous écoutons notre guide nous parler de sa construction qui commença en 1379 dans le style gothique flamboyant selon le modèle de la Sainte-Chapelle de Paris : une nef unique et de puissants contreforts à l’extérieur permettent à l’édifice de supporter la hauteur des baies vitrées (plusieurs mètres !). Dans un premier temps, c'est le chœur qui est achevé : on peut ainsi remarquer que l'armature des vitraux de la nef est beaucoup plus ouvragée, formant en quelque sorte une dentelle, que celle du chœur qui est beaucoup plus simple.
Est-ce que je me fais bien comprendre...?
La façade est très élégante.
Finesse des détails...
Des séraphins encadrent une représentation de la Trinité.
Sur les côtés du porche, de très élégantes sculptures végétales et animales : avez-vous vu le petit escargot... ? Le sculpteur s'est amusé !
En passant le porche, on retrouve un peu la même impression d'immensité que dans la Sainte-Chapelle de Paris : les baies vitrées en sont responsables.
Monsieur Obel nous entraîne tout de suite dans le chœur où se trouvent, depuis que l'édifice a été récemment restauré, deux maquettes du château.
Celle-ci représente le château au XVIème siècle.
A l'intérieur de l'enceinte de Charles V se trouvaient :1 - Le manoir des Capétiens (résidence de Saint-Louis, aujourd'hui disparu)
2 - Le manoir de Louis XI, englobé par Le Vau au XVIIème siècle dans le Pavillon du roi
3 - La Sainte-Chapelle en construction, sous François Ier
4 - Le Donjon de Charles VLa deuxième maquette représente le château au XVIIème siècle après les travaux de Le Vau. On y voit surtout à gauche l'adjonction du Pavillon du roi et du Pavillon de la reine. C'est à peu près l'état dans lequel il se trouve de nos jours.
Notre guide nous montre ici les sculptures de la porte de l'oratoire du roi.
On y voit deux anges porter un blason (celui du roi) décoré d'un côté des fleurs de lys de la couronne et de l'autre d'une sorte de damier dont j'ai oublié totalement la signification...
En 1369, le campanile qui surmonte la terrasse du châtelet accueille la première horloge publique française. Cette innovation coûteuse annonce les horloges municipales qui apparaîtront dans les grandes villes européennes à partir de la fin du XIVème siècle. Le campanile actuel, restitué en 2000, abrite une copie de la cloche dont l'originale est conservée ici, dans la Sainte-Chapelle. C'est la seule cloche subsistant de toutes les horloges installées par Charles V dans ses résidences parisiennes. L'horloge, située au-dessus du cabinet de travail du roi, dans le châtelet et au même niveau que sa chambre du deuxième étage du donjon, rythmait sa vie selon les heures canoniales, marquant les offices quotidiens consacrés à la prière. La cloche porte une inscription indiquant que sa fonte fut ordonnée par Charles V :
CHARLES PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE, FILS DU ROY JEHAN, ME FIST FAIRE L'AN DE GRACE MILCCLVXIX. JEHAN JOUVENTE M'A FASONNEE POUR ORLOGE. SUIS ORDENNEEE NTENTE LE HEURES.
Les vitraux du chœur
Les anges exterminateurs, les sauterelles, l'obscurcissement des astres, l'incendie des arbres et des plantes, la mer changée en sang, les trompettes annonçant la fin du monde… : l'Apocalypse selon Saint-Jean se retrouve dans toute sa splendeur sur les sept baies composants le vitrail de la baie d'axe.
Ces vitraux ont été créés en 1559 par Nicolas Beaurain.
Plusieurs baies ont malheureusement disparu à la suite de la tempête de 1999, et ont bénéficié heureusement d’une rénovation.
Vue sur la rose de la façade
Malheureusement, cette photo n'est pas de moi (Wikimedia) !
Notre guide nous montre ensuite les petits oratoires par lesquels le roi et la reine pouvaient assister à la messe sans être vus. On aperçoit à l'intérieur de celui-ci (celui du roi) des statues en pierre qui n'étaient pas là à l'époque de Charles V : je vous dirai plus bas pourquoi.
Comment s'appelle cette fente dans la pierre vous mettant à l'abri des regards indiscrets ? Si quelqu'un en connaît plus que moi en architecture, je lui serais reconnaissante de me le dire car cela m'échappe totalement...
Une corniche au décor de feuillage fait le tour de la chapelle : elle est ornée de douze consoles représentant la lutte du Bien et du Mal. Des moines, des évêques et des rois combattent des figures démoniaques. La fluidité des gestes et des drapés est saisissante.
Je vous avais dit que je vous en dirais plus à propos des statues de l'oratoire...
Louis-Antoine de Bourbon-Condé, duc d'Enghien, est accusé à tort d'être à la tête d'un complot royaliste. Un procès expéditif est préparé. Le 20 mars 1804, peu avant minuit, le duc fait face à un premier interrogatoire au château de Vincennes ; à une heure du matin le 21 mars, il est traduit devant un conseil de guerre. Ce conseil a pour ordres de juger rapidement de la cause, et la condamnation à mort est déjà prévue dans l'arrêté pris par Bonaparte. Tout en se déclarant l'ennemi du gouvernement, il rejette les accusations de participation au complot royaliste en cours ; par contre, il précise qu'il attendait à Bade les instructions du gouvernement britannique qui devait sous peu faire appel à ses services dans cette région. En présence de Savary, envoyé par le Premier Consul, le conseil délibère rapidement : à deux heures du matin, le duc est condamné à mort à l'unanimité ; il est fusillé peu après, dans les fossés du château. Son corps est jeté dans une tombe creusée à l'avance au pied du Pavillon de la reine.
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Dans l'Oratoire du roi, se trouve maintenant un monument à la mémoire du duc d'Enghien : il a été sculpté par Louis Pierre Deseine (en 1825) sur ordre de Louis XVIII qui a tenu à réhabiliter la mémoire du duc après avoir fait exhumer son corps qui repose désormais ici et élever une colonne pour marquer l'emplacement de l'assassinat dans le fossé côté bois.
On peut voir au fond le duc d'Enghien secouru par la Religion qui le guide vers son destin (remarquez que cette dernière a des allures de statue de la Liberté : qui sait, Bartholdi s'en est peut-être inspiré ?). Les deux autres figures allégoriques représentent la France, éplorée, enchaînée, et le Crime, entouré de ses serpents et muni d’un poignard.
Nous montons ensuite les 68 marches conduisant à la tribune côté façade pour admirer l'église vue d'en haut.
Ceci permet de se rendre compte que les vitraux latéraux ne sont pas colorés. J'ai oublié si c'est d'origine ou dû aux dégradations du temps...
Une jolie exposition mêlant art contemporain et antiquités s'y tient en ce moment.
Les voici les 68 marches !
Vase avec la figure d'un paysan labourant
(Bela Palinkas - 1920 - Musée de Budapest)Michèle Papadopoulos - Service Haviland "Gourmet Pop"
Plateau faisant partie d'un ensemble - Service à café avec des scènes de Balatonfüred et Tifahy
Le tea time - Florence Lemiègre (2016)
Centre de table : meuble d'écriture en forme de tiroirs pliants - Budapest (1781)
Et maintenant, où allons-nous ?
Un petit plan pour se repérer...
Nous allons maintenant nous diriger vers le Pavillon du roi et celui de la reine, en passant sous une sorte d'arc de triomphe (vous le voyez juste à côté de l'entrée de la Sainte-Chapelle).
De là, on a une vue sublime sur l'église et le soleil s'étant levé ne gâche rien au plaisir.
Depuis cet endroit, on jouit d'une belle vue sur le Pavillon du roi qui vient de finir d'être restauré. Les allemands y avaient mis le feu à la fin de la guerre, ce qui a détruit définitivement ses intérieurs peints... Il sert maintenant d'espace d'exposition lui aussi.
Pour le Pavillon de la reine, il faudra attendre les crédits...
Plus jolie de ce côté là que de l'autre, je trouve : l'élégant portique la met en valeur.
Ah... Enfin le Donjon !
C'est souvent à lui qu'on pense quand on parle du château.
Avant de le rejoindre, notre guide nous conduit jusqu'aux douves pour nous montrer l'endroit où fut exécuté le duc d'Enghien : une colonne en marque l'emplacement.
Vue sur le Pavillon du roi et le Donjon : remarquez les jolis pots-à-feu sur la toiture.
L'entrée donnant accès au Donjon est défendue par un Châtelet auquel on accède par un pont-levis.
Vue sur le Pavillon du roi depuis les douves du donjon
La passerelle en bois que vous apercevez sur cette photo était le seul moyen d'accès au donjon au Moyen-Age : elle relie le Châtelet (qui défend l'entrée au donjon) au Donjon lui-même.
Impressionnant, non ?
A l'entrée du Donjon, une coupe de ce dernier montre les différentes affectations des étages.
Au sein du donjon, le roi se déplaçait entre les deux premiers étages par un escalier en vis (2), de plan octogonal, aménagé dans une des tourelles d'angle. Cet escalier lui permettait ainsi une circulation confortable entre la grande salle du conseil (3) au premier étage et ses appartements privés au deuxième étage (4). Un escalier secondaire placé dans l'épaisseur du mur sud, dessert tous les niveaux, du rez-de-chaussée à la terrasse.
On voit bien ici, en gris, le châtelet et le chemin de ronde cernant le donjon.
C'est cet autre petit escalier, largement ouvert sur l'extérieur (il est éclairé par cinq baies superposées) que nous empruntons pour accéder à la passerelle de bois donnant accès au premier étage du Donjon : il est situé dans le Châtelet.
Mais avant d'accéder au Donjon, le circuit - fléché pour les visiteurs - nous fait faire le tour du chemin de ronde (un carré de cinquante mètres de côté construit en 1370) que le roi empruntait pour se promener : à l'époque, il n'était pas couvert, en témoignent les trous percés dans le sol servant à la récupération des eaux de pluie dirigées vers des citernes dans la cour du donjon. Le chemin de ronde a été couvert d'une toiture en ardoise au début du XVIIème siècle.
Par les fenêtres, on a une super vue sur la Sainte-Chapelle.
Nous faisons ainsi tout le tour du chemin de ronde.
Ceci est une reconstitution datant de 1930 (aquarelle de Louis Bertin Moreau) de son décor peint au début du XVIIème siècle.
De place en place des plans tels que celui-ci qui date de 1688.
On tourne, on tourne...
Une vue peu commune de l'enceinte du château
Une fois fini le tour, on accède au Donjon en empruntant la passerelle de bois.
La première pièce que nous visitons est le Cabinet de travail de Charles V. Le roi venait séjourner à Vincennes deux à trois mois par an et c'est depuis cette pièce qu'il dirigeait son royaume. C'est un espace très petit qui ne permet pas le recul pour la photo.
Voici donc son plafond
Un document mis à disposition des visiteurs permet de se rendre compte qu'au Moyen-Age il était lambrissé (cela permettait une isolation contre le froid et la chaleur) et qu'il était peint.
Ces deux autres documents reconstituent le cabinet de travail du roi : on y voit qu'il possédait tout le confort dû à un grand monarque. La reconstitution a été permise grâce à l'inventaire des objets conservés dans cette pièce (1380), à d'autres sources écrites concernant des édifices analogues, à l'examen du Donjon et aux résultats des fouilles archéologiques conduites ailleurs dans le château.
Charles V dans son Cabinet de travail
A chaque étage du château se trouvait une chapelle et un oratoire attenant depuis lequel le roi et la reine assistaient aux offices (quand ils ne se passaient pas dans la Sainte-Chapelle), pièce si petite qu'une fois de plus la photo n'est possible qu'au plafond : celui-ci était également lambrissé.
Sur les murs, des restes de peinture : ils sont le fait des prisonniers qui, dès le XVIème siècle séjournèrent dans le Donjon, en particulier dans ces petites tourelles d'angle.
Doués, les prisonniers !
Sous l'Ancien Régime, les grandes fenêtres des trois premiers étages ont été murées pour adapter le Donjon à son usage carcéral, ne laissant filtrer la lumière du jour que par une fente. Les traces de cette transformation sont ici visibles.
Nous voici maintenant arrivés dans la salle du Conseil (photo internet) : il aurait été intéressant de s'asseoir sur les bancs pour suivre l'animation vidéo proposée par le château mais..., la visite de Monsieur Obel dure déjà depuis deux bonnes heures et nous n'avons pas fini !
Elle est cette fois si grande que j'en ai photographié seulement le plafond autrefois lambrissé (en témoignent les crochets qui restent fixés dans la pierre).
Notre guide nous montre les sculptures des angles représentant les quatre évangélistes.
Voici le lion de Saint Marc
Le bœuf ailé de Saint Luc
L'aigle de Saint Jean
et enfin l'ange de Saint Matthieu
La pièce est éclairée par de grandes fenêtres à meneaux et possède des "coussièges" permettant de profiter de la lumière du jour.
Elle était chauffée grâce à l'existence d'une grande cheminée. Remarquez le joli carrelage...
Et maintenant, direction la chambre du roi : Monsieur Obel que l'on voit ici nous montre sur le mur les traces de la transformation de cette ancienne pièce en escalier.
Le deuxième étage est celui des appartements privés du roi. On y trouve la chambre du roi, la chapelle royale, la garde robe, la salle du trésor, l'étude et les latrines. Les étages supérieurs accueillaient les chambellans, ses proches et serviteurs ainsi que des réserves domestiques et militaires, comme l'approvisionnement des machines de guerre disposées sur la terrasse.
Concernant la chambre du roi, il faut s'imaginer quelque chose dans ce style, donc : beaucoup de couleurs et un château meublé. Le coffre, dans l'embrasure de la fenêtre, à gauche de la cheminée, renfermait des manuscrits religieux, dont deux psautiers ayant appartenu à Saint-Louis.
En 1461, les ambassadeurs florentins découvrent avec admiration le raffinement de son décor.
La voici de nos jours (photo Montjoye.net) avec son pilier central et sa cheminée à hotte.
Décoration d'angle de la cheminée
On retrouve au niveau du plafond les restes de peinture et les crochets ayant servi à fixer les lattes de bois servant à l'isolation. Figurez-vous que notre guide nous a dit que ces chênes, alors âgés de 250 ans quand ils ont été abattus entre 1367 et 1371, provenaient de Lituanie...
On y trouve de jolis culs-de-lampe à la base des arcatures de colonnes.
Est-ce un apôtre qui tient ce phylactère... ?
Nous passons ensuite dans la petite salle attenante, la garde robe du roi qui renfermait des coffres dans lesquels le roi conservait son linge de corps, de table et de literie. Ses serviteurs – en particulier son chambellan –, issus de la haute noblesse, dormaient ici.
On voit très bien ici les petites lattes de bois qui recouvrent la toiture et les crochets sur les murs destinés à en recevoir d'autres.
Ici se trouvent des sculptures originales d’anges musiciens qui, au XIVème siècle, décoraient les culots à la base de l’encadrement des fenêtres de la façade du donjon (des copies les remplacent).
Les anges jouent des instruments de musique du Moyen-Âge (que l'on peut écouter en appuyant sur un bouton) : La cornemuse,
la vielle à roue,
et l'orgue portatif.
La salle du trésor était strictement réservée au roi : en son absence, la porte est fermée et cachetée à la cire. Il est le seul à en posséder la clé. A partir de 1367, la salle conserve l'or du royaume ainsi qu'une partie de la collection de manuscrits et d'objets d'art du roi. Charles V souhaite disposer en permanence, dans ses principales résidences, d'une importante quantité d'argent et il fait de Vincennes le lieu de dépôt du trésor du royaume. Les "coffres" pouvaient contenir jusqu'à 20% du budget annuel des dépenses royales.
Voici le plafond de la salle du trésor : idem pour les lambris évidemment
et la cheminée qui la chauffait.
Nous terminons la visite de ce deuxième étage par celle de l'étude du roi Charles V. Le roi avait souhaité disposer d'un lieu confortable pour lire, travailler et conserver ses documents et objets précieux. Ce petit espace, facile à chauffer, est bien éclairé par une large fenêtre permettant de contempler Paris. Il était entièrement lambrissé, meublé d'étagères remplies de livres précieux, d'objets, de reliquaires, de bijoux.
Le roi travaillait au centre d'un décor sculpté, signe de sa religiosité : les quatre évangélistes représentés aux consoles,
et une Trinité à la clef de voûte.
Le Père et le Fils, pas de problème pour les voir mais le Saint-Esprit... plus difficile : remarquez la colombe en haut de la croix.
Pour redescendre, nous empruntons un escalier à vis assez raide, celui des serviteurs dit-on (bonjour l'étroitesse pour passer les plats !).
L'escalier débouche sur le rez-de-chaussée du donjon.
On peut voir un puits : celui-ci était ainsi à l'abri des empoisonnements qui auraient obligé le roi et sa cour à évacuer le château.
Au rez-de-chaussée, se trouve une petite exposition concernant tous les prisonniers célèbres du Donjon de Vincennes.
C'est ainsi qu'on apprend que le futur Henri IV y fut emprisonné accompagné de son frère le duc d'Alençon pendant les guerres de religion jusqu'à la mort de Charles IX en 1574.
Il y eut aussi l'abbé de Saint-Cyran, défenseur de Jansenius, condamné par Richelieu sous prétexte d'hérésie.
Le grand Condé y séjourna pendant la Fronde en 1650 ainsi qu'un autre grand frondeur, le cardinal de Retz.
Louis XIV fut d'une rare sévérité avec Nicolas Fouquet, son surintendant des finances qui fut arrêté en 1661 pour malversations : vous savez, l'histoire de Vaux-le-Vicomte, ce château lui appartenant, plus beau que celui du roi !
Au siècle d'après, Denis Diderot est enfermé en 1749 par lettre de cachet pour sa "Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient" jugée contraire à la religion et ses "Bijoux indiscrets" contraires aux bonnes mœurs.
Auguste Blanqui n'y coupa pas lui non plus, ayant initié les émeutes de 1848 (il passera 36 ans dans diverses prisons...).
François-Vincent Raspail est lui aussi arrêté et conduit à Vincennes en 1848.
Enfin, parmi les prisonniers de marque, on trouve le marquis de Sade, condamné pour ses écrits anticléricaux. Sade a trente-huit ans. Il restera onze ans enfermé, d'abord au donjon de Vincennes puis à la Bastille où il est transféré le 29 février 1784, le fort de Vincennes devant être désaffecté en tant que prison d'État. À Vincennes, il est « enfermé dans une tour sous dix-neuf portes de fer, recevant le jour par deux petites fenêtres garnies d’une vingtaine de barreaux chacune ». Il devient pour ses geôliers Monsieur le 6, d'après son numéro de cellule (que l'on visite encore aujourd'hui) selon l’usage dans les forteresses royales.
Là se termine cette très intéressante visite guidée du Château de Vincennes : pas moins de 2h30 d'écoute attentive qui m'a permis (avec l'aide trouvée sur le net, il est vrai) de la restituer, je l'espère, sans trop d'erreurs...
Merci à Anne-Marie de nous l'avoir réservée et à Monsieur Obel pour sa prestation toujours aussi professionnelle.
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Notre randonnée du 10 Juin 2021 débute à la gare de Marolles. Après la traversée du village, nous longeons des champs bordés de coquelicots.
Le sentier s'élève ensuite au dessus du village de Cheptainville.
Là, nous avons la surprise de découvrir un labyrinthe végétal.
Ce labyrinthe se visite tous les étés. Vous pouvez aussi visiter (toute l'année) la ferme qui le possède et y acheter de bons produits. Une idée pour emmener de jeunes enfants.
Renseignements ICI
Nous poursuivons notre marche à travers bois jusqu'au haut de la forêt de Cheptainville.
De là, nous quittons le chemin principal pour atteindre le haut d'une ancienne carrière de sable qui nous réserve un paysage surprenant.
Des carcasses de voitures en jonchent le fond et servent d'entraînement aux tagueurs (photo internet)
Elle est aussi (paraît-il) fréquentée par les motards, pilotes de drones et amateurs de course dans le sable.
Nous rejoignons le chemin principal pour pique-niquer et ensuite nous descendons sur Lardy où nous faisons une pause au parc Boussard. Henri Boussard, dont la famille s'installe à Lardy après la première Guerre mondiale, remarque un jardin conçu par Joseph Marrast lors de l'exposition internationale des Arts décoratifs et industriels de Paris de 1925. H. Boussard lui commande ce jardin, qui prend place en 1927 dans le prolongement de sa maison. Jardin privatif de la famille jusqu’en 1989, le fils, Jacques Boussard, le cède à la commune.
Grâce à la Fondation du Patrimoine, le parc a reçu une dotation permettant des travaux de rénovation actuellement en cours. Nous reviendrons...
Plus de renseignements ICI sur le site de la mairie de Lardy.
Nous rejoignons ensuite la gare de Lardy, terme de notre randonnée.
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